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La Maçonne

De nos fondations.

De nos fondations.

« Il est interdit d'interdire » pourrait-on dire de la maçonnerie libérale. Pourtant si cette boutade peut tenir d'une règle, elle n'est pas tout à fait vraie. L'interdit est, bien souvent, le constat d'un échec, d'une peur et même de la croyance d'un échec ou d'une peur.

Ce ne sont pas les circonstances historiques que je souhaite évoquer, mais de la nature même de ce qui fait la franc-maçonnerie, la franc-maçonnerie. Je ne crois pas à grand chose, ni à un dieu, ni à une éternité, je suis de ceux qui n'ont qu'une vie, celle-là. Je crois pourtant que la franc-maçonnerie se résume par son vécu. Chose que nous évoquons que rarement, malgré tous nos signes de reconnaissance qui font les joies financières des magazines, nous nous reconnaissons sans les utiliser. Nous nous reconnaissons, même s'il faut passer bien des ponts, bien des portes, bien des tunnels. Certains disent qu'un rituel doit être vécu pour être compris et donc créer le lien. Je trouve cette analyse un peu trop simpliste pour être affirmative. Je pense qu'il faut le travailler – ou travailler tout court -

Une démarche initiatique et spirituelle ne se transmet pas, du moins en franc-maçonnerie. Si elle le pouvait, nous aurions toutes et tous la même. Cela serait une religion ou un avatar de religion. Ainsi, ce que j'ai acquis, aussi peu soit-il, ne peut pas être traduit par des mots ou un ensemble de phrases rationnelles.

La méthode – méthode de pensée – se transmet. Malheureusement condamnée à être «du symbolisme », elle n'est jamais tout à fait acquise. Très vite, nous sommes renvoyés à nos démons, à l'ombre des colonnes. Une ombre parfois confortable et même amicale. Un retour au cabinet de réflexion. La franc-maçonnerie est un immense jeu de monopoly dans lequel deux cases sont gagnantes : la case « départ » et la case « prison ». Lorsque la méthode nous lâche – du moins quand nous abandonnons la méthode – nous entrons dans l'errance de notre prison intérieure. Le départ est le seul but. Entre les deux, il y a seulement la turbulence de la vie. Il y a les chemins que nous avons suivi et tous ceux qui sont à parcourir.

La franc-maçonnerie possède tout un ensemble de symboles et d'outils des bâtisseurs de cathédrale, comme certains aiment à dire. L'initiation passe par eux. Nous pourrions avoir reçu les outils du charpentier de la maison d'à côté, du paysan du moyen-âge, ou des joailliers. Nous pourrions tailler des diamants plutôt que des blocs de pierre, cultiver du blé ou poser une poutre pour tenir un toit. Serions-nous alors des sœurs et des frères différents ? Aurions-nous un autre chemin, une autre démarche spirituelle ? Pourquoi n'essayons-nous pas, juste pour voir ?

Comme construire un temple est encore un truc qui marche, la Mésopotamie ancienne construisait les siens à l'aide de briques en terre cuite. Seules les fondations étaient en pierre. Les mésopotamiens savaient que leurs constructions étaient fragiles. Un même temple pouvait être démoli et reconstruit plusieurs fois. Les fondations non seulement subsistaient, mais aussi en aucun cas leur tracé était modifié. Leur tracé, c'est-à-dire le plan du temple, était généralement donné par une déesse ou un dieu au potentat local. Ce dernier se trouvait nimbé d'une mission de construction ou de reconstruction. Oui, cela est en relation directe avec Salomon et le temple qui porte son nom. Il n'a pas construit que celui-là, mais, dans une exagération toute biblique, au moins 800, dans une indifférence coupable. Les déesses et les dieux lui parlaient souvent.

La particularité des temples mésopotamiens ne s'arrête pas là. Leurs histoires, c'est-à-dire le bon de commande divin, était gravées sur des tablettes. Celles-ci étaient enfouies dans les fondations. Non pas, parce que l'histoire devait être secrète, mais pour permettre aux prochaines générations de la connaître, lors d'une reconstruction. La destruction, elle-même, apparaît moins douloureuse. Une fâcheuse destinée, certes, mais à laquelle les anciens s'accommodaient avec philosophie. Les destructions pouvaient même être volontaire : un bâtiment vétuste devenu dangereux, un désintérêt pour une déesse ou un dieu qui n'a pas tenu toutes ses promesses générant un défaut d'entretien, le temps, un incendie, … Bien sûr, il y avait les guerres, les escarmouches de toutes sortes … Un même temple pouvait exister 1000 ans et être reconstruit tous les deux siècles, pas de quoi faire un drame.

On comprendra que la construction d'un temple mésopotamien que fut le temple de Salomon, a peu de choses à voir avec la construction d'une cathédrale. S'il est considéré comme éphémère, le maçon occidental prétends construire des œuvres éternelles. L'un taille des pierres, l'autre se contente de briques. L'un évoque rarement les fondations, l'autre ne voit qu'elles.

Suivant notre corpus symbolique, si nous construisons un temple, sans jamais d'ailleurs le terminer, sur quelles fondations ? Autrement dit, quelles sont nos fondations ? Je parle bien sûr des fondations de la franc-maçonnerie.

Les Constitutions d'Anderson et les rituels ont été modifiés plusieurs fois – et penser qu'il existe qu'une seule version d'un même rituel, de nos jours, est passablement d'une ignorance injurieuse. Ce tout sont nos fragiles murs de briques, que l'on peut reconstruire tout autant que détruire. Ce qui est appelé des règles ont été modifiées. Tout simplement parce que nous en avions le pouvoir et l'envie. La franc-maçonnerie existe toujours avec d'autres murs.

Ainsi, suivant cette symbolique particulière, même détruit, le temple ne l'est jamais vraiment. Il y a toujours les fondations, les tablettes d'argile bien enfouie. Il peut renaître. Sortir à nouveau de terre. Retrouver la lumière. Les murs changent.

La franc-maçonnerie dite libérale n'est finalement que cela : d'autres murs, sur une même fondation. Comme les anciens mésopotamiens, il a fallu déblayer les vieilles briques qui le lézardait et reconstruire. La franc-maçonnerie mixte et féminine en est une expérience.

J'ignore ce que sont nos fondations.

J'aime à penser qu'elles sont notre méthode – celle que nous nous nous transmettons – qui sans elle, nous ne pourrions pas nous reconnaître.

J'aime à penser que nos fondations sont ce que nous cherchons tous, qu'elles sont nos questions, nos doutes et nos peurs. Pourquoi cette humanité si peu docile, munie de cette intelligence embarrassante sur cette planète ? Une humanité qui observe l'univers, qui a conscience de sa mort. Une humanité qui rêve. De cela, nous ne pouvons pas modifié le tracé. Nous n'en avons tout simplement pas le pouvoir.

Lilithement vôtre,

Je dédie cet article à des frères, suite à des conversations et à un écrit reçu dernièrement. En amitié.

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J
Tu vois ma très chère soeur Lilith, c'est sans aucun doute ton meilleur article à ce jour.
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L
Merci Jean-Yves pour ce compliment. Je suis contente qu'il te plaise ...
T
mais qu'est ce qui rend insupportable un rituel que l'on ne connait pas ? mais bien sur mon rite est bien mieux que le tien, n'est ce pas?
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R
Je crois a caractère opératif de la maçonnerie ; l'opérativité du rituel prime sur la prétendue activité spéculative, surtout quand elle prétend être un laboratoire d'idée. <br /> <br /> L'important est le symbolisme de la construction ; peu importe la recherche de l'origine, cette mythologie tardive qui caractérise la maçonnerie. <br /> Construction de soi-même, construction en commun dans la loge ; au mieux et à de rares moments ( adogmatisme ayant conduit à la laïcité) participation de la maçonnerie à la consruction de la société. <br /> <br /> Le pirate
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