16 Novembre 2014
Les femmes et premières maçonnes se sont regroupées au sein d'une maçonnerie mixte, dont l'obédience historique est le Droit Humain. La maçonnerie dite d'adoption - « maçonnerie des dames » - étaient aussi tout autant mixte. L'existence d'une maçonnerie féminine est récente dans l'histoire de la franc-maçonnerie.
Il a fallu attendre 1946 pour que naisse une première obédience féminine en France, qui permettent aux femmes une démarche qui leur soit personnelle, celle-là sur le territoire français. La première initiative "entre femmes" est anglaise et date de 1922. Elle a donné naissance à deux obédiences féminines (pour en savoir plus sur les obédiences dans le monde, n'hésitez pas à consulter cette rubrique en cliquant ici)
Aujourd'hui, la Grande Loge Féminine de France compte 14 000 membres, des sœurs – dont un des signes distinctifs est la robe noire. Dès les années 70, elle a féminisé les noms de plateaux, ce que les obédiences mixtes peinent à faire (2). Multi rites, elle propose le REAA, plusieurs Rite Français, et aussi, pour 9 loges en France, le RER. Elle a, de même, aidé au développement de la maçonnerie féminine en Europe (3). Plusieurs obédiences féminines sont issus de loges pionnières qu'elle a fondé.
Il existe au monde deux autres obédiences féminines, qu'il est bon de noter, qui ne sont pas issues de la Grande Loge Féminine de France : la Grande Loge Maçonnique Féminine de Turquie (fondée en 1991, compte aujourd'hui 850 membres) et la Grande Loge Féminine du Chili (existe depuis 1983, compte aujourd'hui une 20aine de loges, et qui fonde à l'instar de sa sœur française des loges pionnières en Amérique du Sud).
Ces obédiences féminines ont créé leur propre organe international : pour les européennes et une partie du monde : le CLIMAF et les sud-américaines, la FAMAF (fondée en 2000).
La maçonnerie féminine remplit le vide laissée par la maçonnerie mixte et masculine. Elle permet à des femmes de travailler « entre elles » et, par là, indique qu'il existe des lieux qui leur sont réservés exclusivement.
Pourquoi une maçonnerie féminine ? La réponse qui me vient tout de suite : il existe une maçonnerie masculine – et comme on me le répète depuis quelque temps – dont une représente 90% de la maçonnerie mondiale, ayant interdit aux femmes leur existence les dotant d'organisation para-maçonnique – alors, donc, pourquoi pas ?
Allant à contre courant, la maçonnerie féminine s'est fondée, en France, sans tenir compte des préceptes masculins et encore moins de leur avis. Elle est « faite par les femmes pour les femmes ».
A contre courant toujours, la maçonnerie féminine s'oppose à un « tout mixité obligatoire » qui ne semble d'ailleurs être imposé qu'aux femmes sous le couvert d'un faux débat féministe, les rendant coupable de vouloir être entre elles, alors qu'elles évoluent dans une société mixte.
(lire à ce sujet : "Franc-maçonnerie : le "entre femmes" au 21ème siècle")
Or, au regard des chiffres et des modalités de fonctionnement, ce ne sont pas les femmes qui sont en cause. Les femmes, en effet, choisissent à part égale la mixité ou la non-mixité. Celles en maçonnerie féminine reçoivent sans distinction des visiteurs masculins, même ceux qui ne les reçoivent pas.
Pour le féminisme radicale, l'action militante ne peut pas exister au masculin. Le féminisme au masculin demeure une extension des « droits de l'homme », une réflexion sur le genre, et sur l'inégalité des femmes et des hommes. Certes, cela semble, d'ors et déjà, un essentiel. Cependant, le féminisme dépasse ce pragmatisme, généralement associé à une panoplie de loi, pour tenter d'associer l'expérience des femmes à leur identité.
C'est, de là, poser une question qui n'a de sens que dans une démarche pluridisciplinaire : qu'est-ce une femme ? Nul besoin d'être une féministe radicale pour se la poser. Freud s'y s'est cassé les dents : « les femmes, c'est le continent noir ». N'y-a-t-il pas la peur que les obédiences féminines se radicalisent à l'instar des féministes ? Que peut-on dire sur les obédiences masculines et nos 90% de maçons dans le monde ? Un « entre hommes » n'est-il pas justement la radicalisation d'une idée de la maçonnerie qui ne peut exister qu'au masculin et qui est encore aujourd'hui complètement étanche à l'élément féminin?
Il faut retenir dans « faite par les femmes pour les femmes » : « faite par les femmes », qui leur permet de réfléchir sur leur organisation et leurs objectifs en toute indépendance. Une indépendance farouchement gardée, certes les commentateurs pourront dire forcée. En effet, en examinant le parcours de l'actuelle Grande Loge Féminine de France, celle-ci fut jetée par la GLDF, alors en quête de la « régularité » et ne fut reconnue qu'à partir de 1970 seulement par le progressiste GODF, qui, fidèle à lui-même, est passé durant 25 ans, une nouvelle fois, à côté de l'histoire de l'initiation des femmes.
Autrement dit, la GLFF n'avait d'autre choix que de se débrouiller seule.
Pourquoi une maçonnerie féminine ? Parce que ce qui est pour les hommes un apartheid est pour les femmes une prise de recul que certaines trouvent nécessaire.
La franc-maçonnerie que l'on soit homme ou femme n'en reste pas plus qu'une parenthèse dans sa vie. Elle construit (si on le veut bien). Elle détermine une pensée (si encore on le cherche). Un « entre femme » ne rejette pas le fonctionnement d'une société même si mixte, elle travaille à sa réflexion et « à son amélioration ». Ce que semble ne pas savoir faire les hommes qui expriment dans leur « non mixité », un rejet de l'identité « femme », soit des « tentatrices », soit incapables de comprendre la maçonnerie, arguant une absence de « figure féminine » (4), se cachant derrière quelques traditions poussiéreuses et finalement inconsistantes.
Ce n'est, en effet, pas un pasteur anglais ayant vécu trois siècles plus tôt qui va dicter la conduite des femmes au sein de leurs obédiences. Seuls les hommes semblent vouloir s'y vouer corps et âme, en quête d'une rédemption écossaise. N'est-ce pas là un ridicule de genre … masculin ?
Elle ne peut être comme une mixité obligée, rassurant là encore autant les hommes que les femmes, d'être « comme dans leur société », dans un désir d'intégration de la franc-maçonnerie à cette même société, sans d'ailleurs en exploiter les failles et les faiblesses et encore moins se demander si la société en veut bien.
La franc-maçonnerie féminine propose, pour celles qui le veulent, autre chose qui n'est pas figé dans un constat de fait social ou dans des résurgences traditionalistes. Elle cherche toujours.
Seules, « entre elles », tout est encore à faire & à inventer.
Notes :