11 Janvier 2015
Voilà, il est arrivé ce jour que nous ne voulions pas voir venir. Il semble depuis ne s’être pas arrêté. Il a surgi avec une fusillade, cortège de violence, de morts et de blessés. Il nous a tous happé dans l’horreur et l’obscurité. Depuis, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Si nous connaissons les noms et les visages des assassins, ceux des victimes de ce qui est devenu un double attentat, celui de Charlie Hebdo et de l'épicerie casher de la Porte de Vincennes, si nous savons que l’état a fait son travail, nous ne savons rien d’autres. Incompréhension. Elle règne là – lasse.
Le monde a agi, réagi – chacun à sa manière – plusieurs manifestations dans toutes les villes de France, des titres dans tous les journaux du monde, des politiques, des spécialistes en tout genre, des témoins, des parents et des proches des victimes, parlent, comme si le silence était notre véritable ennemi. Les obédiences, quant à elle, à l'initiative de la GLFF, ont présenté un communiqué commun et plusieurs ont appelé à manifester ce dimanche 11 janvier.
On saluera l’initiative des journaux québécois qui ont tous publiés les dessins controversés de Charlie Hebdo alors que des journaux anglais et américains floutaient certains d'entre eux …jugés trop provocateurs. On regrettera aussi une sur-médiatisation des politiques dont on peut soupçonner l'intention de récupération. On ne peut aussi que dénoncer les actes de vandalismes qui ont touché la communauté musulmane, tout comme on peut le faire de propos et pseudo-analyses faisant l'amalgame entre ces trois terroristes français et d'une partie d'entre nous du fait de leur religion.
Au milieu de tout ce brouhaha médiatique, quelques voix constatent. Quelque chose a été loupée. Quelque chose nous a manqué. C'étaient des enfants – juifs – tués devant leur propre école à Toulouse qui ont été assassinés en mars 2012, à Toulouse. Est-ce que cela nous a laissé indifférent ? Nous préférons voir chez ces terroristes des détraqués, des malades mentaux et des barbares plutôt que de nous interroger sur nous-mêmes. Si les victimes sont innocentes, les choisir comme cible ne l'est pas. Il ne s'agit pas d'actes hasardeux. Dans tous ces crimes la dérive de quelques uns indique notre propre dérive. Nous vivons dans une société où les propos racistes se sont décomplexés, devenant permissif à des passages à l'acte violent.
C'était avant qu'il fallait soutenir Charlie Hebdo, lorsqu'il était trainé devant les tribunaux pour délit de blasphème (délit qui n'existe pas en France), pour avoir été accusé tantôt d'antisémitisme, tantôt d'islamophobie … Charlie Hebdo, journal satyrique, est devenu le théâtre d'une tuerie barbare sans précédent en France. Nous n'avions pas besoin de martyrs à la cause de nos libertés fondamentales d'expression et de presse pour que nous puissions être contre l'intégrisme religieux, le dénoncer et même s'en moquer, sans que nous soyons traités d'anti-religieux primaires. Nous n'avions pas besoin de ces morts pour défendre nos libertés. Transformer ces assassinats en symbole ne doit pas se faire en dépit d'une réalité plus tangible : ce sont des vies – surtout des vies – qui ont été supprimées.
Toutes ses dernières années qu’avons-nous transmis ? Certes, sœurs et frères, nous nous opposons à tout acte de terrorisme, à toute expression raciste, antisémite et xénophobe. Nous défendons la laïcité comme les droits fondamentaux et universels : droit à l’instruction, liberté de réunion, d’association, d’expression et de pensée. Naître libres et égaux … Malgré tout cela, deux français armés ont tués froidement 12 personnes, journalistes , dessinateurs, policiers, … et blessés huit autres – un troisième a pris en otage plusieurs personnes dans une épicerie casher (on ne peut nier l'antisémitisme de ce dernier attentat) tuant 4 otages.
Nous n’avons pas le droit d’arrêter à vouloir comprendre. Sortir des clichés que l’on nous offre. C’est un hommage que, sœurs et frères, devons rendre au rire et à l’humour, grinçant, bon enfant, franchouillard et provoquant de Charlie Hebdo : continuer à vouloir comprendre. C'est cet hommage que nous devons rendre à cette jeune femme policière et aux victimes de l'épicerie casher. Chercher à comprendre. Toujours.
Ce 7 janvier 2015 est le jour où nous avons choisi la liberté plutôt que la peur.
Lilithement vôtre,