1 Septembre 2016
Il y a donc dans cette relation – et certainement dans toutes relations des sœurs ou frères avec leur obédience – une part affective. Nous avons le sentiment de « nous retrouver » autant au sein d'une loge que parce que celle-ci est attachée à une obédience. Diviser les deux, même symboliquement, en imaginant que la loge sans obédience a la même forme qu'une autre et que l'obédience n'est qu'une structure organisationnelle, est purement chimérique. Sauf pour la GLFF, qui voit d'un oeil satisfait une loge qui ne respecte ni ses principes, ni ses valeurs ... qui imagine certainement en ses loges des agglomérats plus ou moins sauvages.
La loge, nous le savons, est le lieu « initiatique ». Les francs-maçonnes et francs-maçons, partout dans le monde, se réunissent en loge, pas « en obédience ». L'obédience est la réunion de plusieurs loges.
Le Droit Humain est une obédience unique qui est composée de plusieurs fédérations de loges, comme la fédération française. Ces « fédérations » ne sont, en soi, pas réellement des obédiences à part entière, même si au fil des années, les unes et les autres ont gagné en autonomie.
En effet, l'obédience est, certes, un rassemblement de loges, mais surtout elle définit pour elle-même ses constitutions, décide de son fonctionnement, de son développement, comme de ses relations vis-à-vis des autres obédiences. Dans le monde de la franc-maçonnerie libérale et adogmatique, l'obédience est indépendante de toute structure maçonnique. Ce que n'est pas, par exemple, les « fédérations » du Droit Humain, dépendantes du Droit Humain International, et les obédiences dites « régulières ».
En France, parce que la loi 1901 le permet, les obédiences sont le plus souvent des « fédérations de loges ». Il s'agit d'une forme juridique qui oblige à la loge elle-même d'avoir une identité juridique. Elle est ainsi une association loi 1901, une « personne morale », lui permettant d'avoir une existence en dehors de l'obédience (compte bancaire, organisation de manifestations publiques, etc). Juridiquement, c'est la loge qui est membre de l'obédience et non pas la sœur ou le frère qui est membre de la loge. Cette distinction juridique et donc profane laisse malgré tout entendre que la loge, en tant qu'entité juridique à part entière, n'a pas besoin de se fédérer à une obédience pour exister.
Sur le plan initiatique, la loge redevient seul lieu initiatique à tel point que l'appartenance à une obédience ne tient qu'à la loge et non pas individuellement à la sœur et au frère.
L'opposition traditionnelle entre la « loge libre » et la « loge souveraine » n'est pas uniquement sémantique. La « loge libre » est une loge qui ne s'est fédérée à aucune obédience .Elle garde ainsi toute sa souveraineté et décide pour elle et ses membres de son fonctionnement. On l'a dit « libre » comme on peut la dire « sauvage ». Les opposants aux loges libres craignent la dérive sectaire qui est, en effet, un risque, mais surtout argumentent que les frères et sœurs appartenant à une loge « libre » ne sont reconnus que par eux, voir même qu'ils « s'autoproclament » franc-maçonnes ou franc-maçons. Certes, or l'obédience fait de même. Elle s'est un jour autoproclamée haut lieu maçonnique donnant les certificats à ses propres loges. Qui à part le GODF a décidé qu'il était vraiment une obédience maçonnique à part le GODF lui-même ? GODF qui considère que ses loges sont souveraines … mais pas « libres ». On pourra aussi sourire de l'expression psalmodiée à tout bout de champ : « un maçon libre dans une loge libre » mais quand même soumis à l'épaisseur de ses constitutions.
Suivant les commentateurs, il y aurait en France entre 100 et 200 obédiences. Même wikipedia n'arrive pas à suivre. Ce qui laisse à penser que l'obédience, en tant que meilleur moyen de réunion de loges, n'est pas amené à disparaître au moins pour la France.
On remarquera aussi que ces micro-obédiences dont on ne sait finalement peu de choses, ni même si elles sont pérennes, proviennent de scission de loges appartenant à des obédiences historiques. Sans vouloir en faire une généralité, je souligne aussi que ces obédiences appartiennent à des mouvances spiritualistes et traditionnelles, essentiellement masculines et plus rarement mixtes.
Certains estiment aussi que cette prolifération spontanée d'obédiences de ces dernières années est nuisible pour l'image de la franc-maçonnerie en France. Je ne me suis jamais sentie très attachée « au-qu'en-dira-t-on » bien trop petit bourgeois pour moi.
Néanmoins, si ces éclosions d'obédiences signifient quelque chose, c'est certainement autant un malaise des loges qui fondent ainsi des « obédiences » à chaque courant d'air qu'un réel problème au sein des obédiences elles-mêmes pour les modèles adogmatiques. En fait, nous ne savons rien des causes … bien que nous en connaissons tous les effets. Je comprends bien mieux la « loge libre » ou « sauvage » que des loges qui peu ou prou fondent finalement ce qu'elles rejettent.
L'obédience est, bien sûr, cette association de loges permettant à tous de bénéficier d'une logistique en adéquation avec leurs besoins. La franc-maçonnerie a inventé, finalement, le principe de la franchise commerciale. Je sais, beaucoup n'aimeront pas le parallèle.
Elle permettrait de donner une enseigne à la loge et une publicité. Si l'image n'est pas heureuse, c'est pourtant ce que souhaite de nombreux maçonnes et maçons - les tenant des loges « souveraines » qui ne sont pourtant pas assez « libres » - cantonner l'obédience dans un rôle strictement administratif & de représentation publique. Un grand maître ou une grande maîtresse est une reine d'Angleterre sans qu'il (ou elle) n'ait besoin d'adopter le chapeau.
Pourtant, l'obédience est un peu plus – et heureusement qu'elle l'est. Si elle régit un fonctionnement pour elle, l'obédience définit aussi les fonctionnements des loges (élection des officiers ou officières, rôles de ceux-ci, nombre de tenues, passages des différents degrés, etc.) qui permettent d'éviter les dérives sectaires et de donner aux loges une identité commune. Bien sûr, il faut que l'obédience comme les loges respectent ses propres règlements.
Lorsqu'elle ne le fait pas, en dehors de risquer des procès profanes avec ses membres, elle met elle-même en cause sa crédibilité et en péril la notion même d'obédience au sein de la franc-maçonnerie. Nous avions l'exemple de la GLNF lors de sa crise mais nous avons aujourd'hui l'exemple de la GLFF (Grande Loge Féminine de France).
C'est au sein de l'obédience que la loge existe, qu'elle peut initier, transmettre et travailler. Les deux sont indubitablement liées. Si l'obédience n'existerait pas sans ses loges, est-ce que les loges existeraient sans être intégrées dans une obédience ?
N'oublions pas l'essentiel : l'obédience repose sur une communauté de valeurs.
Pour la franc-maçonnerie libérale et adogmatiques, elles sont : liberté, égalité, fraternité. Ces valeurs sont, aujourd'hui, plus que jamais, ce en quoi chaque sœur et frère se doit de travailler, réfléchir et transmettre. Là, c'est du tangible …