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La Maçonne

G comme folie.

BRUEGHEL Pieter dit BRUEGEL l'Ancien (d'après) - L'excision de la Pierre de Folie
BRUEGHEL Pieter dit BRUEGEL l'Ancien (d'après) - L'excision de la Pierre de Folie

Ce n'est, bien sûr, pas une énième planche sur la lettre G, mais une réflexion personnelle sur la folie. Je ne parle pas des déséquilibres mentaux, des névroses et autres pathologies relevant d'institutions spécialisées.

Au 19ème siècle, les aliénistes faisaient de la folie une morale sociale. Le « hors normes », l'original, celui et surtout celle qui quitte le long chemin qu'une société bourgeoise et puritaine indique est taxé de fous et de folles.. Elle fut pour le régime soviétique l'excuse pour enfermer des dissidents Au 21ème siècle, la folie ne se soigne pas Le mythe se délite. Une fois que l'on est déclaré « fou », on l'est toute sa vie.

Je parle de cette folie dont on a accusé, bien souvent, les génies, les dissidents, les « hors normes », les anticonformistes. Nous connaissons l'histoire de Camille Claudel, cette artiste, jetée à l'asile en 1913 à la demande de sa mère et de son frère Paul. Elle y mourra en 1943, certainement de faim comme 40 000 autres patients, dans l'indifférence générale, celle qui égalait de loin un Rodin. On a oublié Hersilie Rouy, fille illégitime d'un bourgeois, enfermée par son demi-frère Charles Rouy.

Parmi ces femmes internées abusivement en hôpital psychiatrique, il y en a une autre que l'on ne connait pas :Maria Spiridonova, socialiste révolutionnaire. Elle a tué un général menant une répression contre les paysans en 1906. Elle fut torturée, battue, condamnée à mort et devant les protestations, elle fut simplement envoyée en Sibérie. Elle fut libérée en 1917 et – pour des raisons politiques – fut internée en 1920, considérée comme dangereuse par le régime soviétique. Elle fut libérée, arrêtée à nouveau, exilée plusieurs fois, à nouveau arrêtée et pour finir en 1941 exécutée avec 150 autres Socialistes Révolutionnaires. Elle fut néanmoins la première en URSS à bénéficier de ce traitement spécial : l'internement psychiatrique punitif. Il est devenu une institution du régime soviétique, dès les années 1960 et dénoncé par les autorités internationales dès les années 1970.

En France, il y a aussi le cas de Henriette D, internée à l'âge de 38 ans et qui décède en 1999 à l'âge de 111 ans dans son asile. Elle fut enfermée durant trois-quart de siècle. De quelle folie pouvait-elle être atteinte pour avoir été enfermée aussi longtemps ? Simplement « débile », disent les médecins de l'époque, bien qu'elle traverse des périodes de « crises » - entendre des crises de nerfs – régulièrement. Peut-être schizophrène, on ne sait pas vraiment.

Si les fous sont déclarés comme fous, on ignore, bien souvent, de quelle pathologie ils sont touchés. Les psychiatres soviétiques avaient inventé la « schizophrènie lente », maladie mentale inconnue ailleurs.

En 1972, une expérience américaine a été faite par le Docteur Rosenhan. Huit personnes se sont présentées disant qu'elles entendaient des voix. Ces huit personnes ont été hospitalisées. Bien qu'elles se devaient avoir un comportement normale (elles n'avaient d'ailleurs aucune pathologie) lors de leur hospitalisation, il leur a été diagnostiqué une schizophrénie.

Toutes ces personnes n'ont réussi à quitter l'hôpital psychiatrique qu'en se déclarant « malade en rémission » et en promettant de prendre leur traitement. Leur internement a duré entre 7 et 52 jours. Voyant qu'ils ne pouvaient sortir facilement, un avocat a été envoyé d'urgence …

Aucun médecin et soignants se sont rendu compte de la supercherie. Il n'y a que quelques patients qui l'ont compris … Après l'édition d'un premier article sur cette étude, un de ces centres hospitaliers, à demander au Docteur Rosenhan d'envoyer à nouveau des faux-patients estimant qu'ils sauraient – eux – détecter toutes supercherie. En trois mois, cet hôpital à reçu un peu moins de 200 patients. Il a considéré que 40 d'entre eux étaient des faux-patients du Docteur Rosenhan. Or, il n'avait envoyé personne …

Cette étude montre la difficulté de poser un diagnostic viable en psychiatrie, voir peut faire douter des capacités de la psychiatrie moderne à savoir faire la différence entre une personne saine d'esprit et une autre.

Bien des folies naissent dans le regard de l'autre, du psychiatre comme de la société. La folie arrange. Elle permet que les bonnes gens restent confinés dans leur normalité sans faire face à leur part d'ombre. Etre fou n'a pas le même sens suivant l'époque. Sous ce terme, on masque bien plus souvent notre barbarie, nos peurs et notre indifférence. Bien sûr, il y en a qui passe la ligne de la bonne santé mentale au déséquilibre. Mais sont-ils fous?

L'illustration de cet article n'est pas anodine ... Elle montre une échoppe traitant de la folie. On considérait, aux 14-15ème siècles, que la folie était une pierre qu'il fallait extraire du cerveau. Une pierre philosophale.

Lilithement vôtre,

Sources :

http://clio.revues.org/5773
L'affaire Rouy : http://genrehistoire.revues.org/1629
Maria Spiridonova : https://en.wikipedia.org/wiki/Maria_Spiridonova
 

 
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