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La Maçonne

Franc-maçonnerie : les hommes sont-ils initiables?

Ainsi, ma chère enfant, c’est à toi entre toutes les femmes que revient le privilège de faire et de bâtir la Cité des Dames. Et, pour accomplir cette œuvre, tu prendras et puiseras l’eau vive en nous trois, comme en une source claire ; nous te livrerons des matériaux plus durs et plus résistants que n’est le marbre massif avant d’être cimenté. Ainsi ta Cité sera d’une beauté sans pareille et demeurera éternellement en ce monde.

La Cité des Dames, Christine de Pisan

J'avais promis cet article à mon père, il y a plusieurs mois. Non pas qu'il soit particulièrement masochiste – en même temps être mon père devrait l'inquiéter – mais parce qu'il est temps de poser de vraies questions – du genre qui fâchent –

Est-ce que les hommes sont initiables ? Je parle bien sûr de l'initiation, pas de savoir si accessoirement, nous, femmes & sœurs en loge féminine, pouvons les recevoir. La réponse est connue : nous les mettons au monde, les élevons, en épousons quelques uns, des fois même nous les renvoyons chez leur mère, les supportons au quotidien, …. Les recevoir en loge ou pas est assez secondaire. Nous savons assez naturellement endiguer un éventuel flot de visiteurs mâles en une seule phrase. Il suffit que l'une d'entre nous prononce les mots comme vaisselle, aspirateur ou féminisme pour qu'ils ne reviennent plus et qu'ils racontent partout autour d'eux qu'ils ont vécu une expérience des plus castratrices.

Les hommes sont-ils initiables ? Pourquoi cette question ? Parce qu'elle ne fut jamais posée, ni abordée. C'est comme pour l'âme. La question fut posée bien des fois et au fil des siècles pour les femmes, jamais pour les hommes. Un jour, donc, des hommes se sont réunis, ont décidé d'une société intiatique, s'autoproclamant initiables. Personne ne leur a assuré qu'ils l'étaient. D'ailleurs, fait curieux, ils n'expriment aucun doute à ce sujet. Ainsi, courageusement, je me suis emparée de cette question.

les chippendales, juste pour leurs chaussettes.
les chippendales, juste pour leurs chaussettes.

Un monde d'hommes.

La franc-maçonnerie est une société faite par les hommes pour les hommes. Elle est, finalement, à l'identique de nos états où les gouvernements, les entreprises, qui sont majoritairement dirigés par les hommes. Ce qui lui retire de fait de son originalité. Il faut reconnaître que ce progrès, auquel tous franc-maçons rêvent, tardent à venir. Guerres, famines, pauvreté, inégalité, intégrisme religieux … la liste ne peut être exhaustive.

Il n'est pas dans mon intention de vous conduire tous au suicide, mais, reconnaissez, Messieurs, que ce monde de progrès est loin d'être une réussite. C'est plusieurs milliers d'années de patriarcat qui se résume par des cuisants échecs.

La démocratie athénienne a sombré dans l'oubli – une démocratie exclusivement masculine. Sans aller si loin, le 19ème siècle, alors que les femmes étaient considérées comme des mineures et des handicapées, ne fut qu'un chaos politique, économique et social. Ces pays en guerre, dont on accueille des flots de réfugiés, ont pour point commun de faire face à un fondamentalisme religieux pour qui les femmes sont des esclaves, interdites de citoyenneté voir même d'existence.

D'ors et déjà, je peux mettre quelques doutes quant à la qualité initiatique des hommes ces trois derniers siècle au vu de tels résultats.

On n'ignore pas – où on devrait ne pas l'ignorer – les liens entre des ésotérismes sous une forme hyper-traditionaliste et l'extrême-droite (on peut d'ailleurs tout mettre au pluriel). Certaines conceptions dites « spiritualistes » appelant à des quêtes messianiques ou d'un ordre nouveau, niant toute humanité et droit à l'égalité à une catégorie de personnes en fonction d'appartenance ou de leur non-appartenance religieuse, de leur ethnie ou de leur sexe en sont la preuve. Le sujet est tabou – encore – en franc-maçonnerie.

Ce sont encore des obédiences masculines qui divisent, réussissant ce tour de force, d'opposer théiste, déiste, athéisme, hommes et femmes, au nom d'une tradition, d'un GADLU, ou encore d'une certaine démarche spirituelle.

Difficile de prétendre ainsi à un « progrès » - encore faut-il que nous ayons tous la même définition du « progrès » - mais aussi de s'interroger sur l'initiation elle-même.

N'offre-t-elle pas au contraire les outils nécessaires nous permettant, quelques soient nos différences, de nous comprendre ? Tout au moins de nous mettre dans la même pièce sans s'entre-tuer ?

  • Soit les hommes ne savent pas utiliser les outils – et le savent mais ne veulent pas l'avouer tout en nous inventant des raisons bidons comme la tradition – ce qui me laisse conclure qu'ils savent ainsi qu'ils ne sont pas intiables.

  • Soit les hommes ne savent pas utiliser les outils, mais ne savent pas qu'ils ne savent pas (vous me suivez?), ce qui me permet d'affirmer qu'ils ne sont pas initiables (même s'ils protestent devant cette terrible vérité qui va transformer la franc-maçonnerie interplanétaire).

Enfin bref, la conclusion reste la même.

Mélusine surprise par son époux par Julius HUBNER
Mélusine surprise par son époux par Julius HUBNER

Au nom de la Tradition

Cela va sans dire qu'il faut faire un long voyage dans le passé pour comprendre que ce qui est aujourd'hui considéré comme Tradition ne l'est pas.

Ce sont bel et bien des figures féminines : les bâtisseuses, dont les francs-maçons continuent à nier même l'existence selon cette « tradition ».

Les femmes ne peuvent être des bâtisseuses. Les outils sont trop lourds, le boulot trop difficile … c'est même trop compliqué pour elles. Or, des bâtisseuses, il y en a.

La déesse sumérienne Nisaba, inventrice de l'écriture, dictant le tracé d'un Temple à un roi, une Athéna un peu trop bien armée pour être inoffensive, faisant le jeu de la sumérienne Innana/Ichtar, comme celui d'une Minerve qui est à la fois déesse de la guerre, de la sagesse, de l'industrie, de l'intelligence, des lettres, des arts, et de la stratégie .... ainsi que pour finir une Mélusine et sa mère Pressine, fées bâtisseuses et survivantes de mythes plus anciens, seraient bien en mal de s'y tenir.

Des femmes ont dirigé des pays immenses, levé des armées, construit des cités.

Les reines égyptiennes, qu'elles puissent s'appeler : Hétep-Hérès Ière ( 2600 av. J.-C.), Hatchepsout (1500 av. J.-C.), Néfertari (1290 av. J.-C.), Arsinoé II (316 av. J.-C.), ou Cléopâtre sont bien loin des mythes fondateurs que prêtent les francs-maçons à leurs rites.

  • Kosem (1589-1651), une des rares femmes à avoir régnée officiellement sur l'empire Ottoman,
  • Kahina, reine berbère du 7ème siècle, résistante et affrontant les invasions musulmanes, dont on ne sait si elle était juive ou chrétienne,
  • ou Olympias (375-316 avt JC), prêtresse de Zeus et mère d'Alexandre le Grand …

Quant à conduire les armées, cette activité ô combien virile, je peux citer, pour exemple, les "Amazones du Dahomey", ancien régiment de ce qui est aujourd'hui le Bénin, armée exclusivement féminine. Il a fallu que la France envoie la Légion Etrangère pour les battre en 1890.

Toutes font parties de traditions auxquelles se réfèrent les francs-maçons. Elles n'étaient, dans tous les cas, ni douces, ni soumises et leur activité préférée étaient bien plus souvent d'assassiner ceux qui les dérangeaient, de diriger des armées, de comploter contre leurs ennemis, plutôt que de se mettre aux fourneaux. Rien n'indique d'ailleurs dans leur biographie si elles savaient cuisiner ou coudre.

Effacer, soustraire ces représentations féminines à l'histoire de l'humanité pour en construire une tradition est en exposer toute sa faiblesse. C'est la tronquer. La méconnaître. Ne pas pouvoir y accéder. Cela interpelle quant à l'initiabilité des hommes, qui déclarent sottement que l'absence de figure féminine dans les rituels ne permet pas aux femmes de le comprendre.

Ah bon ? Sont-ils si sûrs qu'Hiram n'est pas une Mélusine qui transporte des pierres dans les airs et le GADLU une Nisaba qui dresse les plans du temple ?

Aux hommes et femmes sains d’esprit qui veulent me croire, j’apprends à se corriger, à se reconnaître et à se reprendre en premier, à faire à autrui ce qu’ils voudraient qu’on leur fît, à distribuer les biens sans favoritisme, à dire la vérité, à fuir et à haïr le mensonge, à rejeter tout vice. Tu vois en ma main droite une coupe d’or fin qui ressemble à une mesure de bonne taille. Dieu, mon père, me l’a donnée ; elle me sert rendre à chacun son dû. Elle est gravée à la fleur de lis de la Trinité et s’ajuste à toute portion, et nul ne saurait se plaindre de ce que je lui accorde. Les hommes ici-bas ont d’autres mesures qu’ils disent étalonnées à la mienne, mais ils se trompent. Souvent ils se réclament de moi en leurs jugements, mais leur mesure, pour les uns trop généreuse et pour les autres trop maigre, n’est jamais juste.

La Cité des Dames, Christine de Pisan.

Franc-maçonnerie : les hommes sont-ils initiables?

Le continent noir.

Si Freud a voulu expliquer l'humain, sans laisser aucun aspect dans l'ombre, il se trouva confronté lui-même à un problème de taille : la femme, les femmes. Un continent noir. Reconnaissant ainsi les lacunes et les erreurs de ses analyses. « Des femmes, je ne sais rien ... » disait encore Lacan, qui malheureusement a bien trop servi de références à des générations de psychanalystes.

Sans vouloir, faire une analyse psychologique de Freud, il faut le remettre dans son contexte. Une mère morte à 95 ans, cinq sœurs, une nièce, une gouvernante, une épouse, Freud n'a pas vécu loin des femmes – voir même il a étudié la psyché féminine – Au bout de 30 ans d'étude, il comprit qu'il ne comprenait rien aux femmes, mais savait tout des hommes. Peut-on dire aujourd'hui que la psychanalyse peut se vanter d'en savoir plus ?

Ne pas comprendre ce que les hommes appellent eux-mêmes « la moitié de l'humanité » est une faute criminelle permettant de douter de leur capacité à être initiés.

La science a, par ailleurs, démontré que les hommes avaient deux fois plus de difficultés à comprendre l'état émotionnel. Il est apparu qu'un manque d'activité dans une partie de leur cerveau en est la cause. Cependant, une neurologue confirme qu'il est impossible de reconnaître que le cerveau d'un homme de celui d'une femme. Le cerveau humain est plastique, il peut donc se modifier en fonction de son éducation et ses expériences. L'être humain, qu'il soit homme ou femme, possède son libre-arbitre. Rien n'est déterminé par avance par ses gènes ou son sexe.

Ce que les femmes comprennent très bien. Ce que l'initiation permet aussi de développer sur d'autres plans qu'une identité sociale. Bien sûr, pour celles et ceux qui le veulent.

Or, il est force de constater que se libérer, s'émanciper est difficile pour les hommes.

La franc-maçonnerie – cette société faite par les hommes pour des hommes – n'appartient plus depuis plus d'un siècle aux hommes.

Il est donc évident que le sens qu'ils donnent à l'initiation soit révisé … qu'il ne fut jamais vérité, … derrière leur dos.

Les hommes sont-ils initiables ? Si on leur demandait?

Franc-maçonnerie : les hommes sont-ils initiables?

A lire aussi : 

Critica Masonica : Site de Critica Masonica : l'ésotérisme et l'extrème-droite

Une explication alambiquée d'un site maçonnique sur l'initiation des femmes. L'explication de l'initiation de Elisabeth St-Léger (dont le nom n'est pas indiqué) fera sourire plus d'une. Site MasonicInfol

Un texte du célèbre Oswald Wirth, inspirateurs de tous les instants d'une catégorie de francs-maçons, qui explique dans une pirouette que l'initiation des femmes n'existent pas, mais devrait exister. Oswald Wirth sur l'initiation des femmes

 

Les citations, illustrant cet article, sont tirées de la Cité des Dames de Christine de Pisan. 

 

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B
Bravo pour cet article !<br /> Malgré que je suis un vieux maç:.mâle, j'apprécié à sa juste valeur ton article et ... humour ! Des fois si absent de nos Ten:. ! Et pourtant cela met les neurones en ébullition ! <br /> Nous oublions par exemple qu'il y eut les mystères d'Isis, de Déméter, etc. et que ces mystères notamment celles de Dyonisos étaient mixtes .Notons que la FM et surtout l'initiation contient suffisamment de symboles dits ... féminins, même si je ne suis pas toujours d'accord ! On doit aussi noter que beaucoup de mes FF:. n'ont jamais dépassé Oswald Wirth et que certains tirent leur nez pour Irène Mainguy ! En tout cas bravo Maçonneke ma S:.
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V
Merci pour cet article! Ton humour est rafraîchissant. <br /> Je te souhaite une bonne continuation pour ton blog malgré tous tes pépins avec ton obédience.
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L
Merci Valérie pour ton compliment! <br /> Mon blog continuera quelques soient mes problèmes avec mon obédience. Il n'y en a pas qu'une en France ... et une autre saura bien m'accepter, mon blog et moi.
A
Dur dur ! Initié au GO, j'ai démissionné pour rejoindre une Ob;. mixte !<br /> Allez savoir pourquoi ?...<br /> Il y a matière à réfléchir !!! ...
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L
Mince alors, moi qui croyais que c'était Adam "notre premier ancêtre".<br /> Mais c'est Lilith bien sur. <br /> Merci La Maçonne.<br /> Allez Anderson, tu peux te retourner, ça te remettra peut-être dans le bon sens
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L
Lucis, il n'y a pas que Anderson qui se retourne. <br /> Allez, une petite pensée pour les vivantes victimes de ce blog. Une fois n'est pas coutume.
H
"réussissant ce tour de force, d'opposer théiste, déiste, athéisme, religieux ou non, hommes et femmes, au nom d'une tradition, d'un GADLU, d'une certaine démarche spirituelle."<br /> Ben oui !<br /> c'est un tour de force ...<br /> C'est déjà admettre que toutes ces nuances existent et cohabitent !
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L
Les hommes n'étant pas initiables, on peut considérer que toute initiation précédente est nulle et non avenue. partant la première initiation accordée à une femme est tout aussi nulle et non avenue, a fortiori les suivantes. Donc nous en sommes à l'an 01 de la maçonnrie. ALLELUIAH!
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