24 Février 2016
Pour avoir voulu recevoir une sœur plancheuse dans une tenue, le conseil fédéral par la voix de Philippe Charuel, votre Grand Maître, vous a promis la démolition de votre loge. Bien des vôtres ont pris peur – c’était d’ailleurs là le but – et y ont renoncé. Ce n’est pas votre échec. Je souhaite vous en assurer. Ce n’était qu’une première bataille.
Si les sœurs avaient gagnées toutes les leurs, vous ne seriez pas à vous battre aujourd’hui contre vous-mêmes, un conseil fédéral et un Grand Maître, pour recevoir une sœur ès-qualité en tenue. Si les sœurs, y compris celle de la GLFF, avaient gagnées et – certaines diraient même avaient combattues – vous n’auriez pas été contraints de créer de toute pièce une tenue « qui ne soit pas d’une loge de la GLDF » pour recevoir l’une d’entre nous.
Si les femmes avaient vaincues le sexisme, gagnées toutes leurs batailles en vue de leur égalité, la question ne se poserait même plus. La GLDF se serait inclinée, à son tour, à l’évolution de notre société. Elle accepterait des sœurs en visiteuses, comme les sœurs vous reçoivent.
Vous n’avez rien perdu. Vous avez, bien au contraire, gagné d’avoir mesuré l’ampleur de ces batailles perdues de notre passé. Vous avez gagné d’avoir arpenté toutes celles à venir.
Il ne s’agit pas de votre échec. Il s’agit de l’échec du conseil fédéral, de votre Grand Maître, de la GLDF et de tous ceux qui considèrent les femmes comme leur inférieure ou si impures que leur présence entacherait la blancheur virginale du REAA et de la régularité de leur obédience.
Donc non, vous n’avez pas perdu. Vous avez même gagné. Je vois même une victoire bien plus grande.
Vous nous avez montré, à nous toutes, que vous existiez, que vous étiez là – qu’il y a des frères à la GLDF qui sont prêts à se battre pour travailler à une franc-maçonnerie moderne, prêt à abandonner jusqu’à la bible (et j’aime d’ailleurs l’idée !) pour recevoir une sœur, écouter son travail et reconnaître en elle leur égale en fraternité.
S’il vous semble être aujourd’hui minoritaire, sachez que majoritairement les sœurs vous soutiennent. Aucune n’aurait accepté que votre loge disparaisse, car nous avons besoin de vous, vivants, présents, et ici – là où vous êtes tous. Nous avons besoin des hommes, des frères qui sont sur vos colonnes, pour d’autres batailles.
Ces frères, qui ont reculé devant la menace, vous ont protégés peut-être parce qu’ils vous aiment vivants, brillants, heureux et qu’ils ont besoin de vous, aussi. Si ceux-là n'ont pas compris l'importance de cette bataille, s'ils ont voté par égoïsme, moutonnant avec la masse, ce sont eux qui, individuellement, auront perdu. Perdu par obéissance passive, le pire échec pour une franc-maçonne ou un franc-maçon. Vous le savez aussi bien que moi. Si par contre, c’est pour repartir sur d’autres projets plus fous encore, d’autres batailles, d’autres déclarations de guerre et criez partout où ils vont : « Non ! A cette imbécile situation qui est de ne pas recevoir des sœurs ! », vous avez gagné.
Nous le savons tous : ce n’est pas en préservant une franc-maçonnerie digne d’un mausolée, que nous construirons l’avenir. Or, parce que dans ce mausolée, certains et certaines veulent nous y enfermer, nous devons aussi apprendre à nous protéger et à maintenir vivante votre loge comme toutes celles qui travaillent avec vous, où souhaiteraient vous rejoindre dans ce grand combat, ce grand chantier que vous avez ouvert : une franc-maçonnerie française forte, moderne et libre.
Vous avez gagné d’en avoir ouvert la porte, d’avoir posé les fondations. Vous n’aviez pas à en mourir.
Par votre action, vous avez ouvert les yeux à bien des sœurs. A celles qui soutenaient béatement l’idée que « cela viendrait bien un jour ». Elles savent aujourd’hui, pour que cela advienne, il faudra de nombreuses luttes d’une part et d’autre du mur qui nous sépare. Elles savent, maintenant – du moins, elles ne peuvent plus le nier – que le conseil fédéral de la GLDF résistera, toujours et encore, à ce qu’une sœur soit considérée comme leur égale. Vous avez ouvert les yeux à bien des frères de votre obédience, jeunes ou vieux, qui comprendront enfin que la liberté, l’égalité, la fraternité, ne sont pas des mots fourre-tout à utiliser à toutes les sauces, mais des luttes, des incertitudes, des échecs, des peurs, et une soif, une grande soif d’un monde meilleur toujours à construire, toujours à faire, toujours à penser, toujours à être.
Vous avez fait plus que des décennies de colloques communs, de conférences diverses, de grands tralalas qu’organisent avec une rigueur métrique nos obédiences. Vous nous avez rapprochés.
Hier encore, je nous croyais perdus par des décennies de torpeur et d’exaltation mystique. Hier encore, je croyais que je n’allais pas voir de mon vivant une sœur reçue en sa qualité de franc-maçonne dans une loge de la GLDF. Or, je me donne encore un demi-siècle à vivre, c'était dire de mon pessimisme. Aujourd'hui, je sais - nous savons toutes - que cela ne sera que le temps de nouvelles batailles.
Ce n’est pas que recevoir des sœurs, c’est nous recevoir, être avec nous, nous retrouver, franc-maçonnes et francs-maçons. Je parle de dignité. Nous avons besoin de vous parce que vous nous avez montré à tous ce que cela signifiait : être franc-maçon aujourd’hui, ce n’est pas perdre sa dignité.
Vous avez fait plus que des décennies de colloques communs, de conférences diverses, de grands tralalas qu’organisent avec une rigueur métrique nos obédiences. Hier encore, je nous croyais perdus par des décennies de torpeur et d’exaltation mystique. Hier encore, je croyais que je n’allais pas voir de mon vivant une sœur reçue en sa qualité de franc-maçonne dans une loge de la GLDF. Or, je me donne encore un demi-siècle à vivre, c'était dire de mon pessimisme. Aujourd'hui, je sais – nous savons – que si le seul argument du conseil fédéral est de promettre la démolition à toutes loges de la GLDF qui veulent recevoir une sœur – il ne pourra pas en démolir 50, 100, 500 … et continuer à nier à autant de sœurs leur qualité de franc-maçonnes.
Vous avez gagné.