29 Juillet 2016
Un attentat après l'autre, les communiqués obédientiels qu'ils soient communs ou isolés (chacun le sien) se suivent. Un frère « Dan », se disant membre du GODF, a publié un commentaire sur le dernier relatif aux événements de Nice, mis en ligne sur mon blog. (In :Nice : un communiqué commun)
Ce commentaire comme d'autres critiquent ouvertement les communiqués des obédiences, comme les médias actuels, qui font de chaque attentat une sorte de spectacle médiatique et une polémique politique de plus.
Si nous ne pouvons rien (ou presque) concernant les médias traditionnels, il est peut-être temps de se pencher sur les reproches faits concernant les communiqués des obédiences en France.
Ecrire n'est pas un exercice facile. L'indignation, la colère, le chagrin, sont des sentiments qu'il est difficile de transmettre.
Indignation. Contre ces massacres aveugles d'innocents. Toutes ces vies perdues.
Colère. Contre notre propre impuissance. Contre l'impuissance de nos politiques, qui préfèrent se bouffer le nez, se passer la balle, polémiquer sur un état d'urgence que tous les français savent inutiles. Contre les terroristes eux-mêmes qui sont nés, ont grandi, ont vécu en France et/ou en Europe.
Chagrin. Des vies brisées, anéanties. Des familles endeuillées. Des corps brisés. Des esprits meurtris.
Il faut être un peu poète pour l'exprimer … Or, nos obédiences ne le sont pas. Poètes. Elles n'en trouvent pas à leur porte. Les poètes ne sont plus de ce monde.
Leurs communiqués sont platitudes lorsqu'ils ne sont pas simplement ridicules.
« De tels actes ne peuvent qu’inspirer l’horreur, ils révèlent un total déni de la valeur de toute vie humaine. » Oui, mais est-ce vraiment une question de "déni de la valeur humaine"?
« Nous ne pouvons plus tolérer de tels actes abominables et nous appelons nos gouvernants à agir avec fermeté et efficacité envers les terroristes et ceux qui les manipulent... Car le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes. » Si on traite nos politiques de pantouflads, j'adhére.
« L’heure est plus que jamais à la mobilisation pour que les ennemis sans visage qui nous menacent n’aient pas le dernier mot. » ….En ayant leur nom, date de naissance, photographie diffusée sur tous les médias, difficile d'affirmer qu'ils sont "sans visage".
Celui de mars 2016, communs à plusieurs obédiences, concernant l'attentat de Bruxelles, en appelait aux principes républicains. Ceux de la monarchie constitutionnelle belge, certainement. Que dire de cette phrase, véritable non-sens : « C'est ainsi que, pas à pas, nous ferons reculer cette nouvelle barbarie qui, jusque dans nos frontières, menace l'humanité tout entière. » ? Depuis quand la Belgique est « dans nos frontières »? N'est-il pas présomptueux de se dire représenter « l'humanité toute entière » sans plus argumenter? (in : communiqués communs de mars 2016 sur le site du GODF.)
Je pourrais dire que faire signer un même communiqué par plusieurs obédiences, oblige à une formulation consensuelle. Je pourrais dire qu'écrire rapidement quelques lignes sur un événement tragique sans paraître névrosé, énervé, fatigué, mérite l'indulgence de tous. Or, le communiqué de mars 2016 nous a montré que nos obédiences les bâclent tout simplement, que les Grands Maîtres (et Grande Maîtresse) ne les lisent pas avant leur publication, qu'ils ne s'interrogent nullement sur leur portée réelle ou supposée … Voir même qu'ils ne suivent aucun média, aucune information et surtout ne lisent rien .... Car des articles profonds, des analyses, des réflexions, sont publiés et ont été publié que ce soit par des politogues, des philosophes, des sociologues ...
S'il y avait un communiqué de trop, c'était bien celui concernant Bruxelles. Au point que celui concernant l'attentat de Nice m'apparaît être un progrès.
Nos Grands Maîtres et Grande Maîtresse des obédiences libérales - dites sociétales - publient des communiqués « parce qu'il le faut » comme ils servent une souppe.
Rendre nos émotions aussi insipides est une provocation à ce que la franc-maçonnerie est. Elle, cette insatiable de mots et de pensées, occupe des sœurs et des frères des heures entières à trouver les bonnes formulations pour transmettre leurs doutes, leurs idéaux, leurs sentiments. A croire que nos Grands Maîtres et Grande Maîtresse n'ont jamais écrit une planche de leur vie !
On y sombre, en effet, lorsque j'ai lu abasourdie celui de la GLDF, publié sur le blog "la Lumière" de François Koch, suite à la prise d'otage suivi d'un homicide - parlons clair - dans une église :
" Des mesures significatives et immédiates s’imposent afin d’envoyer un signe fort et responsable aux assassins indignes du genre humain, faute de quoi nous laisserions aller notre pays vers une guerre civile." et de continuer " Il y a des situations où la fermeté sans aucune faiblesse est la réponse la plus efficace pour la défense de la dignité humaine et de nos valeurs."
Ce communiqué, en sus de manquer passablement de tenue, est révoltant. . Menacer ou sous-entendre une menace à une "guerre civile" - rien que ça! - est abjecte et indigne.
Il s'agit d'une des thèses (ou un des fantasmes) des mouvances de l'extrême-droite (ou de l'extrême gauche). De tels propos sont purement inconséquents et montre l'irréflexion de son auteur. Contre qui veut-il faire la guerre? Il imagine, certainement, qu'une horde de racistes la bave aux lèvres vont envahir les cités, à moins qu'il ne soit du côté de la horde en question.
En effet, que peut-on comprendre sous le terme de "mesures significatives"? L'état français demande pour une 4ème fois une dérogation à la Commission Européenne des Droits de l'Homme afin de valider un nouvel état d'urgence. Amnesty International le montre du doigt depuis février 2016. La GLDF veut-elle ouvrir un nouveau Camp de Guantánamo? S'associe-t-elle aux "mesures fermes" de Marine Le Pen (Front National)
Est-ce cela nos "valeurs"?
On ne peut accepter qu'une obédience se laisse aller dans ses communiqués à transmettre des appels et/ou des menaces à la violence "au nom de nos valeurs", et sous le couvert de "ces valeurs" tenir des propos extrémistes, quoique puisse penser personnellement le rédacteur de ce communiqué.
La GLDF interdit à ses frères les sujets sociétaux. Si c'est pour pondre ce type de communiquer, je vais presque préférer qu'elle continue de s'abstenir.
Les attentats de Toulouse ont eu lieu en mars 2012, touchant entre autre une école juive. Les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher ont eu lieu en janvier 2015. Ont suivi l'attentat de novembre 2015, celui de Belgique en mars 2016 … Si des profanes se demandent ce que font les francs-maçons dans leurs loges, je peux dire ce qu'ils ne font pas : réfléchir sur ces événements tragiques.
Après l'indignation justifiée, le choc des nouvelles et le besoin d'information, n'est-il pas nécessaire aussi de réfléchir à notre rapport au monde, à notre société mise en déroute par une poignée d'individus ? La démocratie est menacée. Oui. Les conséquences de cette peur se profilent avec les élections présidentielles à venir. Il y a urgence à ces réflexions sur les droits fondamentaux comme la liberté de la presse, la pauvreté, l'éducation, la crise économique, la radicalisation, les ghettos que sont nos cités...
Les critiques sur les communiqués trouvent leurs origines dans l'absence de ces approfondissements nécessaires.
Y-a-t-il une seule obédience qui a mis en question à « l'étude des loges » des sujets comme la la radicalisation, les extrémismes religieux et politiques, le terrorisme, ce qu'est un crime contre l'humanité, ou la guerre ?
Si ces travaux n'éviteront pas et n'atténuerons pas cette cruauté, ils permettraient peut-être de renouer avec nos fondamentaux. De sortir de la nuit.