26 Janvier 2017
La première loge "l'étoile du Pacifique" au Chili fut fondée en 1850 par des migrants français, membres du GODF. La suivante "Union fraternelle" sera purement chilienne. Ceci posera les bases d'une franc-maçonnerie libérale & adogmatique dès la fin du 19ème siècle. Ces premières loges fonderont la Grande Loge du Chili qui comptera, parmi ses premiers grands maîtres, le père de Salvador Allende, Ramon Allende Padim. Aujourd'hui, elle compterait 207 loges. Les loges chiliennes furent attachées à la France, et plus particulièrement au GODF, jusqu'en 1862. Elle s'en séparera lorsqu'elle verra que le Maréchal Pierre Magnan sera nommé Grand Maître du GODF par décret impérial ! Le fait doit être considéré comme fondateur puisque son site relate l'épisode deux fois.
L'histoire de l'initiation des femmes débutera dès 1929 au Chili avec la fondation d'une première loge, émanant du Droit Humain. Il existe, aujourd'hui, une Juridiction Chilienne dont vous pouvez trouver le site ici. Cette dernière, d'ailleurs, a communiqué sur les attentats parisiens.
Curuppumullaje Jinarajadasa, philosophe et, surtout théosophe indien, président de la Société Théosophique et travaillant donc aux côtés de l'incontournable Annie Besant, a donné une conférence sur la théosophie aux théosophiens locaux. Cette première loge qui, explique le site de la Juridiction Chilienne, s'appellera « Egalité ». Cette première loge donnera naissance aux suivantes.
Alors que la Grande Loge Du Chili avait apporté son soutien à cette fondation, par la participation des frères, ceux-ci furent par la suite interdits par la Grande Loge Unie d'Angleterre – au risque de perdre la reconnaissance anglaise.
En 1954, deux frères (Leonido Duran à Santiago et Daniel Fried à Valparaiso) menèrent une scission, désirant fonder une obédience indépendante du Droit Humain. Ils chassèrent les frères et les sœurs, désirant rester membres du Droit Humain, des temples et des locaux, dont le siège acquis par le Droit Humain en 1937. La Grande Loge Mixte du Chili fut ainsi née. Elle compterait une 50aine de loge et est membre du CLIPSAS – on n'est pas très rancunier en franc-maçonnerie.
La maçonnerie féminine naîtra, quant à elle, début des années 70 avec une première loge, à l'initiative de frères de la Grande Loge du Chili. c'est-à-dire à l'époque où Salavador Allende était président de la république chilienne. La Grande Loge Féminine du Chili ne sera fondée qu'en 1983. Elle n'en est pas moins une obédience dynamique qui met en place une politique de développement de la maçonnerie féminine hors des frontières chiliennes
La position de la principale obédience chilienne, sous la dictature de Pinochet, laisse bien songeur (1973-1990). Une image d'Epinal ou un conte de fée (suivant votre approche personnelle) raconte que des francs-maçons se sont retrouvés, opposants politiques, en toute fraternité sur les colonnes de leur temple. Il n'en est rien
En effet, les dirigeants des obédiences se sont montrés indifférent au nom d'un certain apolitisme. Ils ont soutenu Pinochet, voulant même montrer une franc-maçonnerie "exemplaire". Les dictatures de l'Amérique du Sud se sont d'ailleurs bien accommodées des obédiences maçonniques, toutes d'ailleurs rattachées à la Grande Loge Unie d'Angleterre y compris la chilienne. Salvadore Allende, trahi et assassiné lors du coup d'état de Pinochet, était lui-même membre de cette obédience et fut même vénérable de sa loge. Son grand-père fut d'ailleurs un fondateur important de cette obédience mais aussi un de ses grands maîtres. Pinochet fut initié – mais ne dépassa d'ailleurs pas le grade de compagnon.
Les politiques qui étaient associés à Salvador Allende furent expulsés de leurs loges. Les deux cas les plus célèbres sont deux généraux qui furent radiés pour absentéisme alors qu'ils étaient emprisonnés et torturés. L'un d'entre eux est Alberto Bachelet, le père de l'actuelle présidente de la république chilienne. Ce dernier mourut dès 1974 suite aux mauvais traitements qu'il a subi. Vous pouvez trouver la lettre émouvante de cet homme à l'intention de ses « frères » sur blog 357 et plus
Le destin est bien surprenant. Michelle Bachelet, sa fille, donnera un discours à la Grande Loge Du Chili lors de son 150ème anniversaire, rappelant les valeurs de « liberté, d'égalité et de fraternité » invitant cette obédience (attachée à la GLUA!) a participé à la consolidation de la république chilienne. (discours que vous pouvez lire ici)
De nombreux maçons durent fuir leur pays dès 1973. D'autres encore quittèrent la Grande Loge devant le mutisme de celle-ci face aux horreurs et surtout mesurant l'exemple de l'église s'opposant à la dictature et se montrant bien plus solidaire. D'autres encore furent simplement morts ou disparus. La dictature fera perdre ainsi à la Grande Loge du Chili un tiers de ses effectifs. Ce seront des francs-maçons chiliens en exil, fondant une Grande Loge du Chili à Paris, qui apporteront le soutien nécessaire. Ce sera la même chose lors des années de référendum. Des francs-maçons militant pour la démocratie se verront exclure de leur obédience lors des référendums. Jusqu'à la fin, des francs-maçons inquiétèrent ceux qui défendaient des valeurs de liberté et de démocratie.
La relation un peu trop étroite entre la franc-maçonnerie et la dictature au Chili montre combien les valeurs de la franc-maçonnerie sont faciles à oublier devant le pouvoir et sous des prétextes d'apolitisme et d'interdit de discussion politique qui, furent durant cette période noire, la grande préoccupation des grands maîtres chiliens bien plus que la vie de leurs frères. Le refus de traiter des questions politiques et l'interdit de le faire ne rendent pas les mains plus propres. Bien au contraire.
En connaissant le laxisme des maçons et maçonnes français, je ne doute pas que nos obédiences se montreraient tout autant incompétentes si le pays se trouvait dans une situation politique similaire, comme elles savent l'être sur bien d'autres sujets. C'est pourquoi, l'histoire de la franc-maçonnerie chilienne devrait faire réfléchir.