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La Maçonne

Hommage : Simone Veil et l'Europe, pour un nouvel humanisme.

Simone Veil au Parlement Européen (1979)

Simone Veil que l'on connaît surtout pour avoir défendu et permis aux femmes en France de bénéficier de l'IVG, fut aussi une des personnalités qui ont travaillé à la construction européenne. Elle devint la première présidente au Parlement Européen. A l'époque, le Parlement Européen n'avait aucun pouvoir législatif. 

Avec Helmut Koln, décédé ce 16 juin 2017, Simone Veil est une des bâtisseuses de l'Europe d'après guerre. L'Europe est l'autre grand combat de Simone Veil. Un combat issu de son passé. Déportée à l'âge de 16 ans avec sa mère et sa sœur, elle sera internée dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Sa sœur aînée Denise, décédée en 2013, entrée dans la résistance, sera arrêtée alors qu'elle transportait du matériel, puis torturée et déportée à son tour. Les trois sœurs seront les seules survivantes. Simone Veil deviendra, en 2000, la première présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Ce passé dans l'horreur sera aussi une des raisons essentielles qui fera de Simone Veil une  Européenne convaincue.

En guise d'hommage, j'ai retrouvé pour vous un de ses discours donné en 1980 à Florence pour l'Institut Universitaire Européen. Elle était alors présidente du Parlement Européen. 

Les passages de ce discours, que j'ai le plaisir de vous retranscrire, développe sa pensée. On constatera que cette idée de l'Europe est encore d'actualité, basée sur des valeurs de démocratie, des libertés fondamentales des droits de l'Homme et de ce qu'elle appelle à être un nouvel humanisme européen. Son message devrait nous être, francs-maçonnes et francs-maçons, notre feuille de route. 


 

 

Mais si Ia construction européenne doit être ressentie par les Européens comme un moyen, probablement le seul, de défendre nos intérêts vitaux dans un monde qui ne pardonne pas Ia faiblesse, elle doit être aussi perçue comme le moyen de sauvegarder les valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Au premier rang de ces valeurs est une certaine idée de l'homme, d'un homme libre et responsable, trouvant son exacte mesure et son épanouissement dans l'exercice même de la liberté, sans autres limites que celles de son intelligence et des exigences qu'il se pose a lui-même, sans autres contraintes que celles dues au respect de soi-même et des autres hommes libres. 
C'est autour de cette notion de liberté que s'articule l'essentiel de l’identité européenne. C'est Ia valeur fondamentale qui no us rassemble. La démocratie est le système d'organisation politique qui exprime, consacre et garantit cet idéal de liberté et d’équilibre. Cette liberté démocratique, il me parait que nous nous rendons insuffisamment compte qu'elle constitue un bien irremplaçable. Trop souvent nos citoyens, et surtout les plus jeunes d'entre eux, mesurent mal Ia chance qu'ils ont a cet égard.
Or, l'histoire ancienne, comme les événements plus récents, nous montrent que Ia démocratie n'est pas un héritage garanti une fois pour toutes et qui nous mettrait définitivement a l'abri de l'asservissement et du totalitarisme. C'est un système fragile, constamment menace de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur, par des périls brutaux mais aussi par des dévoiements insidieux.
La démocratie ne restera vivante que si nous travaillons chaque jour pour Ia conforter.
On parle souvent de Ia disparition des idéologies, et il est clair, qu’à l’épreuve des faits, aucun système idéologique, aussi fondé qu'il puisse paraître, n'est acquis de manière irréversible. Une société dont les citoyens perdraient le sans des valeurs collectives communes et se détourneraient de penser leur avenir commun en termes d’idéaux, courrait sans doute de graves dangers. Voila pourquoi nos valeurs collectives, notre idéal en un mot- il me semble que Ia préoccupation des responsables politiques, si elle n'est pas de les redéfinir chaque jour, doit être en revanche, jour après jour, de leur permettre de s'affirmer. II faut pour cela en faire prévaloir les conditions.

Une de ces conditions, c'est certainement Ia poursuite et l'approfondissement de Ia construction européenne. Les nations européennes constituent, dans le groupe des pays industrialisés, Ia région qui a le mieux conservé un type de civilisation ou les rapports humains sont harmonieux parce que les rapports entre I'Etat et les citoyens sont équilibrés. Pour sauvegarder et conforter cet acquis fondamental, nous devons impérativement faire de I'Europe une réalité politiquement structurée et économiquement puissante.
[...]
Prendre conscience de l’identité européenne, c'est non seulement prendre conscience de notre Communauté de destin dans le monde instable et dangereux ou nous vivons, c'est non seulement prendre conscience de Ia chance, que nous devons défendre et mériter, de vivre en hommes libres, c'est aussi retrouver le sens des valeurs culturelles qui fondent l'humanisme européen. 
De façon paradoxale, on peut se demander si cet humanisme européen n'est pas aujourd'hui en déclin par comparaison a ce qu'il a été dans le passe. 
[..]

Une culture véritable et vivante est faite d'un tissu de connaissances, d'impressions, d’éléments conscients ou impalpables. Elle implique non seulement une ouverture d'esprit et une curiosité, mais des contacts fréquents et prolonges, des échanges, une perméabilité entre les hommes et les oeuvres. Elle est faite aussi d'engagements, de convictions, de foi. Elle est science, elle est aussi élan. Cette complexité qui donne sa richesse à l'acquis culturel authentique écarte toute idée de créer artificiellement une culture, mais si nous ne devons pas nourrir d'illusions excessives sur nos capacités à mettre en place toutes les conditions d'un nouvel humanisme européen, il faut nous attacher à promouvoir et à soutenir toutes les initiatives propres à donner sa pleine dimension a une Europe de l'esprit.
[...]
Cependant, s'il nous faut certainement Iutter pour promouvoir un nouvel esprit européen, qui devrait nous permettre en fin de compte de nous situer, les yeux résolument tournés vers l'avenir, dans notre spécificite et dans nos rapports avec les autres expressions de Ia civilisation humaine, nous ne devons pas perdre de vue qu'une des caractéristiques de notre humanisme, c'est !'acceptation de Ia diversité.
[...]

Au-delà des Européens eux mêmes, nous devons d'ailleurs demeurer conscients que notre Europe a des devoirs a l'égard du reste du monde, du moins a l'égard de tous ceux qui, a travers le monde, aspirant à Ia prospérité, à Ia dignité, à Ia liberté. Si nous devons, à l'évidence, résister à Ia tentation de nous poser en modèle et d'imposer nos schémas économiques, politiques ou culturels, nous devons aussi continuer d'aider les pays en voie de développement. lis ont besoin de nous et nous avons - et aurons plus encore dans l'avenir, besoin d'eux. [...]
De meme, nous ne devons pas cesser de défendre les droits de l'homme partout ou ils sont bafoués. La encore, il convient de réfléchir avant de nous poser en donneurs de leçons. Nos conceptions, qui tiennent à notre histoire, à notre civilisation, à l’état de développement économique et social que nous avons atteint, ne sont pas toujours transposables et peuvent susciter de légitimes résistances. 
Nous ne devons pas perdre de vue, en outre, que les formes concrètes que doit revêtir Ia défense des droits de l'homme sont liées à Ia spécificité de chacune des diverses évolutions sociologiques, techniques et économiques qui se développent, ici et Ià, à travers le monde. "

Vous pouvez trouver et télécharger le discours complet ici

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