Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Maçonne

Droit Humain : Alain Michon, son discours remarquable de clôture du convent

Alain Michon a été réélu Grand Maître de la Fédération Française du Droit Humain pour une seconde année consécutive ce 25 août 2017. 

La Fédération française du Droit Humain a souhaité partager son discours de clôture du dernier convent. 

Les textes de Alain Michon sont rares. L'année dernière après son élection, son discours avait été remarquable à plus d'un titre. Alain Michon nous offre, à nouveau, cette année une véritable page de réflexion et le plaisir de lire un texte de belle tenue.  Je sais que mes lectrices et mes lecteurs aiment cela ... C'est donc sans hésitation que je vous fait découvrir ce texte. 

 

Discours de clôture du convent de

Alain Michon. 

Dans l’année écoulée la France a encore été attaquée par le terrorisme et le fanatisme. Le pacte républicain a été menacé.


Nous avons vécu une période électorale qui a évité le pire. La crainte de ce pire s’est exprimée. Même tel qui est économe de ses mots sur certains sujets a pris la plume.
Une abstention très importante a fait apparaître chez nos concitoyens une défiance tenace et préoccupante vis-à-vis d’un projet politique collectif. Face à cette désaffection on ne saurait détourner le regard ou répondre par des formules. La vigilance reste de mise.


Pendant cette période plusieurs Grands Maîtres se sont unis pour exposer un ensemble de valeurs partagées, un souci pas seulement de soi mais du monde et de notre république, un désir de voir revivre des projets politiques humanistes inscrits dans notre temps et dans le monde. Des projets tissés d’autre chose que des procédés des puissants, proposant autre chose que l’économisation des humains et l’organisation de leur vie conçue comme une gestion.

Du côté brun voici ce qui a pu être dit à cette occasion : « Des sectes de francs-maçons se liguent contre le Front National ». Ou encore : « Qui veut voir clair dans l’Histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide », à savoir « la judéo-maçonnerie » et « les valeurs pénibles dont on nous bassine à l’école et partout (…), celles de cette religion occulte ».

Et puis la France n’est pas le centre du monde. Terrorisme, guerres, famines ravagent des terres entières. Des milliers de morts se sont joints aux milliers précédents au fond de la Méditerranée. Un navire identitaire européen s’est constitué, a tôt trouvé des fonds d’une internationale active sur le net, et jure de nous protéger, « nous les Européens ». On en oublierait celles et ceux, plus nombreux qu’on ne le dit, mais ce n’est sans doute pas très vendeur, qui tiennent dans l’honneur une ligne d’action digne et fraternelle.
Tant le monde nous blesse parfois, on pourrait désespérer, on en oublierait les chercheurs, les créateurs, celles et ceux qui sur toute la terre dessinent des voies pour « sortir de la grande nuit », afin d’agrandir l’humain et de lui donner des formes inédites parfois.

Les francs-maçons sont comme tout un chacun, tissés de forces contraires. Ils sont éloignés de tout seulement en apparence peut-être, puisqu’il est question dans leurs travaux de progrès de l’humanité, de force et de sagesse, et de beauté humaine possible. Dans le cœur de nos tenues nous trouvons un temps pour l’oscillation entre initiatique et social, entre recherche intérieure et souci de l’autre, entre écoute et compréhension du monde, pour nous préparer à l’action juste.
A quoi servons-nous ? A cette question posée au philosophe, Aristote répondait en substance : à rien, car la philosophie n’est pas serve, ni le philosophe. Son « utilité » est ailleurs. Nous pourrions reprendre cela à notre compte. Souvent nous affirmons que nous travaillons dans un espace réglé, ritualisé, et de ce fait dans un espace de vraie liberté.Pourtant cette idée pourrait n’être, si on n’y veille, qu’une pirouette, ou une commodité. En effet si la question de notre utilité immédiate n’est bien sûr pas la nôtre, celle de notre inscription dans l’humanité vivante se pose bien.

Si nous aspirons à l’universel, qui pour nous au DROIT HUMAIN passe par l’égalité de l’homme et de la femme et l’internationalisme, ne faut-il pas se confronter aux questions qui nous traversent aujourd’hui ?
Pour « sauver le progrès », il faut poursuivre l’esprit des Lumières, ne pas céder aux sirènes déclinistes et régressives qui nous serinent qu’on aurait changé d’ère et que le progrès serait désormais uniquement intérieur, les projets publics et partagés devant relever d’autres cadres.
Comment mettre en œuvre la recherche de vérités à l’époque des fake news qui sont peut-être à la fois plus et autres que les ancestraux mensonges de la rhétorique du pouvoir et des puissants ? Les proportions sont sans comparaisons ; les dimensions, planétaires ; la puissance, inquiétante.
Ne croyons pas que le projet humaniste contenu dans notre acclamation « Liberté Egalité Fraternité » puisse persévérer dans son être passivement. Ne croyons pas que la laïcité soit à l’abri dans notre Constitution internationale du DROIT HUMAIN.

Peut-être que « notre héritage n’est précédé d’aucun testament » pour reprendre la formule consignée par René Char dans les « Feuillets d’Hypnos ». Le René Char résistant, que ses compagnons appelaient le Capitaine Alexandre.
Nous voici à 300 ans du 24 juin 1717, et de la probable légende de la taverne L’Oie et le Gril. Venant de la taverne nous sommes arrivés à la loge comme quelqu’un l’a dit plaisamment. Et qu’importe si c’est une légende, l’essentiel étant ailleurs.
Héritage sans testament : ce qui nous a été légué n’est donc pas une injonction enfermante dont nous serions des héritiers paresseux au pire sens du terme. Mais bien plutôt un message transmis vivant, non testamentaire. Il n’est pas sûr qu’il y ait là un paradoxe. Une part de liberté nous a été laissée, à preuve nos diversités, à preuve l’initiation des femmes, pleinement égales de l’homme, qui fut la transgression et l’acte fondateurs du DROIT HUMAIN, en 1893, après de longues décennies de maçonnerie masculine.
Le projet maçonnique universel n’est pas achevé. Si nous sommes bien des héritiers, notre bien n’est pas exclusivement contenu dans le travail et les édifices de nos prédécesseurs. Notre présent doit avoir sa force propre. Nous devons toujours chercher le message lui-même, qui est un devenir.
L’idée d’héritage maçonnique repose bien sûr sur celle de transmission, et sans doute aussi sur celles de permanence, de verticalité. Et c’est à nous de chercher comment rendre celles-ci possibles et audibles dans notre monde, tel qu’il est.

Alain Michon, Grand Maître de la Fédération Française du Droit Humain. 

Pour retrouver le texte de Alain Michon, c'est aussi sur le site de la Fédération Française du Droit Humain, ici. 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article