20 Octobre 2018
Pourquoi assigner une loge obscure du fin fond des Vosges qui a vivoté durant 30 ans et qui est déjà condamnée à disparaître ? Pourrais-t-on me demander alors que, finalement, j'ai dans ma vie tout ce qu'il me faut y compris le blog « la Maçonne ».
La GLFF (Grande Loge Féminine de France) connaît les mêmes problèmes que toutes les autres obédiences. Elle vieillit. Les démissions des sœurs (entre 600 à 1000 par an) concernent les plus jeunes, réduisant toutes les chances de la GLFF à renouveler ses effectifs. Des 14 000 sœurs d'aujourd'hui, d'ici 20 ans, il en restera la moitié tout au plus … Elle traverse, à son tour, une crise majeure : la première scission de son histoire bouleverse le paysage maçonnique français. La GLFF n'est plus la seule obédience féminine et devra compter avec une autre.
L'incompétence du conseil fédéral a été validée par le dernier convent qui a rejeté 90% des propositions faites. L'éventuelle condamnation de la loge Dionysos ne fera qu'accélérer sa fin et confirmer l'impéritie des dignitaires de la GLFF, qu'elles soient grandes maîtresses ou conseillères fédérales. Au moins, peut-on estimer, les sœurs de la GLFF auront ainsi un jugement extérieur. Mis à part les sœurs Chiboulette et le conseil fédéral, laquelle a vraiment besoin qu'un juge profane lui explique ce qu'est une convocation à une Tenue Maçonnique ? Je l'espère. Aucune.
J'ai été la première étonnée de voir que ce n'est pas le courant dit « sociétal » qui a fondé une nouvelle obédience maçonnique, mais le courant « initiatique » - mot que je préfère à « spirituel ». Finalement, c'est logique.
En effet, comment se définit ce courant « sociétal » au sein de la GLFF ? Les interviews des grandes maîtresses ou des grands maîtres que l'on trouve sur le blog « la Lumière » sont bien souvent médiocres. Celle de Marie-Claude Kervalla n'échappe pas à la règle.
Pour elle, ce « sociétal » se résume à la laïcité et aux droits des femmes. Fort heureusement pour lui, le monde ne se résume pas à la séparation de l'Eglise avec l'Etat et le droit à l'IVG.
Ce « sociétal », vu ainsi, tue dans l'oeuf toute démarche initiatique. Du symbolisme, d'une quête intérieur et d'un regard nouveau sur le monde, la GLFF ne propose que du symbolâtre à bâcler en 10 mn. Lorsque l'on sait que mes articles de fond, quelque que soit le sujet, font plus de 6 pages, finalement, c'est à peine rédiger une introduction.
A quelque part, le monde n'a pas besoin de la GLFF pour défendre la laïcité et les droits des femmes. Il existe des associations féministes et laïques bien plus dynamiques et efficaces qu'elle.
La présentation de Marie-Claude Kervalla de ce « sociétal » morcelle non seulement le monde mais aussi la pensée. Ce que je vois du monde, c'est autant l'être humain, les fleurs, les arbres, l'univers et même le multi-univers, le vent, les orages, le chocolat – surtout le chocolat – la mort, les Rois de France, les égouts, internet, le moteur à combustion, le transport de l'énergie électrique, la reproduction des baleines, les montagnes, les pommes (ou les grenades), les chats – surtout les chats - … Nous vivons dans un monde fabuleux. J'aimerais, un jour, savoir vous montrer comment il est infiniment beau et vous permettre de toucher du bout des doigts ce merveilleux.
Que cela en déplaise aux esprits chagrins, cela passe aussi par du « sociétal ». Non pas à ce découpage indigent de la pensée et de l'univers, mais à l'ouverture à une infinité de possibilité. Savez-vous que l'écriture cunéiforme a été inventée pour compter des inventaires de provisions et d'outils dans les premières cités-états mésopotamiennes ? Ce sont les nombres qui ont été inventé en premier. Le second usage de cette invention qu'est l'écriture fut la poésie. Là, vous avez deux grands thèmes maçonniques et ésotériques par excellence : les Sciences et l'Art.
Il y a 800 millions d'analphabètes dans le monde soit 16% de la population mondiale. Pour la France, la proportion n'est guère meilleure : 7% des français sont illettrés – dont 50% ont pour langue maternelle le français et ont fréquenté une école laïque – S'il fallait s'en tenir aux propos de Marie-Claude Kervalla, du moment que l'école signe une charte de la laïcité et ne prévoit pas de menus hallal à la cantine, tout va bien.
Nous avons perdu, plusieurs fois dans l'histoire de l'humanité, l'inventeur du vaccin contre le cancer, l'inventeur d'une énergie universelle et non polluante, celle qui a fait du Sahara des champs et des prairies à perte de vue, les plus grands philosophes, les plus grands artistes, … Leurs grands-parents sont les 5 millions de victimes de l'holocauste et n'ont jamais eu l'occasion de se rencontrer. Ils sont les 65 millions de réfugiés ou de déplacés dans le monde.
. Ils sont les 10 000 enfants réfugiés, portés disparus en Europe, dont personne ne parle. Ils sont les 10 millions enfants-esclaves, torturés et maltraités dans le monde.
Ils sont les 239 morts, victimes des attentats en France. Ils sont les 12 000 morts par armes à feu aux U.S.A
Si vous trouvez sans intérêt ces chiffres, surtout qu'ils ne concernent ni la laïcité, ni les droits des femmes, dites-vous que parmi ces personnes, il y avait peut-être celui ou celle qui pouvait vous sauver la vie ou celle de vos enfants mais qu'il ne le fera pas parce que les circonstances l'ont empêché d'avoir ce destin heureux.
Il n'existe pas de rupture – comme les livres scolaires veulent nous le faire croire – mais une continuité ponctué d'événements majeurs. Les millions de morts de l'holocauste sont attachées à notre histoire contemporaine. Or, nous en payons toujours les conséquences. C'est autant de connaissances et de découvertes qui n'ont pas été faites mais aussi d'autres conséquences plus subtiles.
L'une d'entre elles, c'est moi. Je ne serais pas celle que je suis si un de mes grands-pères n'était pas mort en déportation. Du fait de mon éducation et de mon histoire familiale, il est non seulement logique que je m'oppose à des mesures coercitives et illégales telles que la circulaire de Besson, et crie à la trahison des valeurs de la franc-maçonnerie, ou à des prises de position comme le « pôle de tradition » où les sœurs seront condamnées à servir de faire-valoir en même temps que le café.
Pour Marie-Claude Kervalla – et l'exemple n'est pas choisi par hasard – si une des valeurs de la GLFF est la défense des droits des femmes comme elle l'indique, l'idée que les sœurs de la GLFF soient considérées comme des sous-maçonnes par la GLDF au sein d'un « pôle de tradition » ne la dérange absolument pas, ainsi qu'à l'ensemble de son conseil fédéral pour leur avoir fait voté dernièrement une continuité de ce non-projet.
Autant que quelqu'un lui dise, sans l'aval du convent, elle ne peut pas y engager la GLFF au même titre qu'il a fallu l'accord du convent pour l'IMF et les commissions d'études. Cela s'appelle respecter le pacte social. Au même titre qu'elle ne peut pas détourner les capitations des soeurs, servant au fonctionnement de l'obédience, pour financer "gynécologie sans-frontière". N'est-ce-pas?
La franc-maçonnerie n'est pas aider à morceler l'histoire ou à continuer à la regarder par le bout de la lorgnette. Cela, les politiques savent très bien le faire. Il est de regarder tout événement comme un tout qui nous engagent toutes et tous vers notre propre histoire personnelle et collective.
Hormis les contradictions entre les propos et les actes inhérents aux personnalités en cause , le courant « sociétal » de la GLFF y trouve-là, la principale cause de son échec. C'est possiblement l'objectif poursuivi par Marie-Thérèse Besson et, par la suite, Marie-Claude Kervalla – qui pour l'une a permis la publication qui en niait jusqu'à l'existence et pour l'autre souhaite en limiter le contour. Or, ce ne sont pas que deux sœurs – même deux grandes maîtresses – qui peuvent décider de la dynamique des loges et des sœurs.
Plus on le dit, moins on le fait. Bon, je sais que cela fait un peu publicité pour marque de frittes surgelées, cependant les loges et les sœurs qui se disent « sociétales » brillent par leur absence dans ces combats qui devraient leur tenir à cœur et où elles étaient attendues.
Ils ne manquent pourtant pas en interne : le respect des engagements de la GLFF vis-à-vis des droits des femmes, la souveraineté de l'obédience, le respect des lois du pays ou encore le respect des principes démocratiques tout simplement.
Il ne s'agit pas d'enjeux secondaires pour une obédience maçonnique.
Ainsi, ce qui paraissait étonnant de prime abord, l'est bien moins. Pour qu'un courant "sociétal" soit assez réformateur pour désirer fonder un nouveau modèle d'obédience féminine, il faudrait qu'il existe et sache s'organiser en dehors des structures convenues.
Quant à la démarche initiatique, force est de constater que la GLFF ne sait pas s'imposer dans le paysage maçonnique français. Le "pôle de tradition" en est la preuve : elle a besoin de la GLDF qui saura bien lui imposer quelques règles de conduite.
Si la GLFF veut un avenir, tout est encore à faire.