11 Novembre 2013
Je ne souhaitais pas écrire d'article sur ce livre « Franc-maçonne » d'Isabelle Duquesnoy, sous-titré «Journal Insolent d'une femme libre dans le secret des loges ».
C'est Astride Mandos, tel Robin dans Batman, qui m'a éveillée – voire réveillée – à un tout autre avis. Je me suis donc pliée à la lecture des 365 pages de ce livre.
Des personnes qui quittent la franc-maçonnerie, il y en a – qui ensuite militent pour l'anti-maçonnisme aussi – Ce livre entre dans cette catégorie utilisant une bonne partie des ficelles classiques de l'antimaçonnisme. Isabelle Duquesnoy, l'anti-maçonne ("Ah ! On dit bien « maçonne » alors … C'est vilain comme tout, ça rime avec « klaxon ». page 35." ) n'a pas été visité par Bernadette Soubirou dans son salon, c'est presque à regretter.
Ce livre est aussi insolent que les pétarades d'une mobylette. Bruyant – mais bon, avec une mobylette – on ne va pas loin.
Isabelle Duquesnoy, l'auteure, a été initiée dans une loge de la Grande Loge Féminine de France en mars 2001. Elle passe au degré suivant deux ans plus tard. (compagnon). Après une mise en sommeil de trois ans, dit-elle, elle intègre le Droit Humain, (à partir de la page 295 de son livre), pour démissionner en 2013, refusant de passer au grade de Maître.
Sur le plan de la chronologie des événements, il y a des « trous ». Ses absences et sa mise en sommeil ont vraisemblablement été un peu plus long qu'elle ne le dit.
Elle se présente (et loin de moi d'en douter) cultivée, intelligente, issus d'un milieu d'intellectuels et d'artistes, et est dotée d'une très haute opinion d'elle-même. Elle rêve d'entrer en franc-maçonnerie. Son rêve, je vous rassure, ne dure qu'une page. Les enquêtes menées, elle reste, durant une page, devant sa penderie regrettant de ne pas pouvoir mettre un cachemire Bompard, qui mettrait en valeur son teint de blonde.
Elle découvre le jour de l'initiation qu'elle est dans une obédience féminine et déteste d'emblée la robe noire – mais avant, elle détestait le cabinet de réflexion, (il y faisait froid, la chaise est inconfortable, … ), la cérémonie d'initiation (peur de faire craquer son pantalon sous la porte basse, chaussette trouée, …) qu'elle dévoile complètement – question-réponse incluses – Comme cela c'est fait - Elle décrira cette même cérémonie au Droit Humain, une seconde fois - cela doit faire plus de pages -
Une scène du livre en dit bien plus long sur la personnalité de l'auteure :
Citant le passage complet du rituel, je l'ai écourté :
« <.... > Pouvez-vous sacrifier au profit des pauvres que nous assistons, les bijoux et l'argent qui vous appartiennent et que l'on m'a remis ? <....> « Peut-on marchander ou discuter un peu. Probablement pas. Mon alliance, je n'est pas envie de m'en séparer. Elle symbolise notre amour, mon engagement envers Laurent. <....> Mes boucles d'oreilles ? Un voyage en Asie. Nous étions fauchés et éperdument amoureux. <....> A la réflexion, je ne peux m'en défaire. C'est une partie de ma vie qu'on me demande de sacrifier. - Je préférerais vous faire un troisième chèque, dis-je, un peu écoeurée. Murmure général dans l'assistance … Je suis peut-être la première à montrer autant de réticence. »
J'ai vu une femme qui d'un seul geste à retirer tous ses bijoux sans aucune hésitation. La sœur hospitalière n'a pas eu le temps de la retenir, et la vénérable de terminer son discours, qu'elle avait déjà enfourné dans le sac tendu deux bracelets et une bague …. Isabelle Duquesnoy pense certainement faire de l'esprit ou interpeller le nôtre sur ce "dépouillement" - qui n'est que symbolique!
Comment une femme, ayant tous les moyens pour s'informer, ne savait pas que la Grande Loge Féminine de France initiait que des femmes ? « Féminine » n'est peut-être pas un mot assez clair. Au fil des pages, on découvre d'ailleurs, qu'elle avait plusieurs amis maçons avant son initiation.
(Vérification faite, c'est une première chose que je présente dans un de mes tous premiers articles, une vieille habitude tenace qui m'oblige à préciser ce type de détail : : http://lamaconne.over-blog.com/les-principales-ob%C3%A9diences-initiant-des-femmes )
N'ayant que son témoignage – et un témoignage à charge contre sa loge et la franc-maçonnerie en général – nous ne pouvons savoir ce qu'il en était du côté des enquêtes menées. Je doute que les raisons de son choix, ses motivations, aient été passées à la trappe, ainsi que l'état de ses connaissances sur la franc-maçonnerie et son fonctionnement. Choisir une obédience féminine n'est pas anodin.
Isabelle Duquesnoy tenterait-elle, avec ce récit, de faire passer la franc-maçonnerie pour une secte qui conduirait des profanes à l'initiation, comme des animaux à l'abattoir, sans leur dire quoique ce soit ?
Elle déteste la robe des sœurs de la GLFF du début à la fin du livre. Elle la trouve, en fait, moche.
Entre deux manucures, le fait m'interpelle. Une maçonnerie qui accoutre les femmes d'une robe noire, longue, taille unique, moche, tiens! .
La description de ladite robe – et surtout de sa découverte – est loin de nous glacer le sang - et franchement - elle prends ces futurs lecteurs pour des sots:
« L'heure est à la remise officielle de ma tenue d'apprentie maçonne. J'ai tellement hâte de porter le tablier de peau blanche et un sautoir de satin turquoise ! Quel pendentif doré aurai-je sur la poitrine ? La sœur Maîtresse des cérémonies passe ma tête dans une étoffe noire et m'indique où sont les manches de cette robe descendant jusqu'au pied. Une fermeture à glissière couine dans le ; silence ; me voici vêtue d'une ample et longue tunique digne de Morticia, héroïne de la famille Addams. Je n'aime pas cette robe dont le col Mao enserre la gorge et la coupe droite, façon cube, saccage la silhouette. Mais je compte beaucoup sur le plastron de satin blanc pour agrémenter l'ensemble. Je reçois le tablier d'apprentie ; il est en sky blanc. Une horreur, carrée, avec sa bavette pointue relevée lui donnant un aspect d'enveloppe ouverte. <...> J'attends avec impatience la remise de mon plastron de satin turquoise, il n'en est pas question. Un large ruban rouge terminé par une grosse médaille vient achever ma tenue. J'observe la médaille dont le poids pèse sur ma nuque : elle n'est pas jolie, sans être laide non plus. Simplement lourde et ronde, semblable à un trophée pour la troisième place du podium, genre conserve de petit pot Blédina en bronze. »
Malgré cette expérience traumatisante, elle reste. Personne ne l'y oblige pourtant.
Des rituels qu'elle critique, soit – mais aussi les sœurs, les frères, de leurs planches, de leurs physiques, tenues et coiffures... C'est laid. C'est pénible à lire. Cela se veut insolent, je n'y vois rien d'autre que la méchanceté d'une gamine.
"Je la suis, sans parler, pour mieux percevoir mes premiers pas résonner dans ce temple de sagesse. De dos, sa silhouette me choque un peu. Enfin, disons plutôt qu'elle me déçoit. Sa coupe de cheveux représente tout ce que je déteste : mèche très courtes, un style à la garçonne avec une ridicule petite queue maigre qui pend sur sa nuque. Dans mon esprit, et j'ignore pourquoi, cette coiffure est associée à l'ordinaire, peut-être même au vulgaire." Page 28 (jour de l'initiation, accueil de la profane). « La table est mise, les gloutonnes sont devant leur assiette, couvert en mains et gobet rempli pour la deuxième fois. <...> Yoda trie les légumes et utilise son pain pour les pousser sur sa fourchette, Monique boit cul sec, Lydie parle la bouche pleine et postillonne, ... » « J'amènage les déambulations des frangines sur le Carnaval des Animaux. L'éléphant accompagne Yoda, c'est presque une insulte pour le pachyderme ; l'Aquarium escorte Marie, sachant si bien nager en eau trouble. Page 189. » "Personnellement, j'apprécie ce jeune frangin dont le caractère débonnaire nous est indispensable, mais je ne vois guère en quoi ses réminiscences familiales peuvent faire avancer le schmilblick maçonnique, en quête de symbolisme et de progrès social. Page 334.' « Je crois à la franc-maçonnerie, mais sans les francs-maçons (page 195) »
Un livre pour finalement cracher cela, cela confine au ridicule.
Il n'y a pas de Secret en franc-maçonnerie. Cela ne l'empêche pas de le réclamer, car on lui aurait « rabattu les oreilles avec ».
Voir pire, les francs-maçons, êtres ô combien abjectes, vendent leurs âmes pour des cordons ou des degrés.
« Gravir les échelons exige une persévérance hors du commun,. Ecrit-elle. Pour toute nourriture intellectuelle, on se contentera d'un semblant de vie sociale, de cérémonies folkloriques dont les rites, empruntées à toutes les religions, sont des mises en scène visant à déstabiliser les impétrants. Finalement, si l'on n'adhère pas à la franc-maçonnerie dès l'initiation, on accepte progressivement des principes contraires à soi-même, en taisant ses révoltes. (page 220)»
Au Droit Humain, devant passer sa maîtrise, je demeure quelque peu perplexe – ma manucure sèche – devant l'énergie qu'elle dépense pour expliquer pourquoi elle ne veut pas monter au grade de maître.
Dans ce chapitre, elle présente une de ses planches – une planche type « catalogue » sur le pain.
« Ce travail m'a demandé de nombreuses recherches sur l'histoire du blé, l'évolution du pain et les combats sanglants qu'un tuilage en son nom a pu engendrer. <...> Je n'écoute pas la suite. Perplexe d'entendre que j'ai donné un « cours d'histoire », ... Durant les agapes, cinq frères et soeurs me demandent une copie de ma planche, pour la relire à tête reposée. Je suis heureuse qu'elle leur ait plu. Voilà qui efface les rebuffades discrètes du temple. » Page 333
Elle nous livre le rituel d'élévation, bien sûr. Les rituels qu'elle décrit représentant l'essentiel de son livre, elle n'allait pas manquer d'ajouter ces pages.
« Lorsque j'ai accepté ces niaiseries visant à me faire croire que nous détenons un secret d'élite et le monopole de la vertu, on m'inculpera de nouveaux gestes, mots et attouchements du maître ; ils ne sont pas moins burlesques que les précédents. … Simuler la mort pour raviver la fraternité n'est qu'un jeu d'adultes en mal d'exotisme spirituel. Sur quels motifs les maçons d'aujourd'hui peuvent-ils se revendiquer comme les successeurs des bâtisseurs de cathèdrâle, ou les héritiers d'Hiram ? … En m'allongeant dans ce bricolage, cet ersatz funéraire, j'accepterais d'être des leurs – des leurres ? - je tendrais le coup malgré moi vers les grades supérieurs, je serais peut-être tenté de valider des plans écoeurants aux élections des Collèges des Officiers, …. Obéir ? Quelle aberration ! Et si demain j'avais la charge d'une apprentie à mon image, impertinente, curieuse et avide de connaissances, devrais-je lui transmettre ce que l'on a voulu m'inoculer ? Ce serait non. Je lui apprendrais à désobéir aux ordres stupides, inexpliqués ou humiliants. » Page 345
Tout le long du livre, je me suis interrogée sur ce que ces femmes et ces hommes lui ont fait.
Il n'y a rien. Elle aurait été interdite de se rendre à une tenue blanche ouverte (qui accepte les profanes) alors qu'elle était apprentie. On comprends, bien là, son ignorance de la franc-maçonnerie et de ses usages. Ce genre d'interdiction est tellement grossière que cela me paraît guère crédible. Il lui suffisait de prendre sa voiture et d'y aller.
Pense-t-elle que les soeurs et les frères sont parqués dans un carré VIP lors de ce type de tenue? Attendait-elle une invitation personnelle? Elle en fait pourtant l'essentiel de son livre, la cause de ses griefs (avec la robe noire). Elle raconte qu'elle a été obligée de couvrir la vénérable surnommée Yoda qui le lui aurait interdite, en mentant, prise au milieu d'une conspiration interne à sa loge (dont je n'ai rien compris).
Un miroir apparaît (miraculeusement!) au rituel d'initiation de la GLFF au REAA. J'en connais qui se retourne dans leur tombe.
La robe noire – si laide – n'est pas portée selon elle, par les dignitaires de la GLFF, aux cordons de roses – qu'elle appelle des hauts grades. Ceci page 139. J'en connais d'autres qui hurle de rire. Voir même, c'est à se demander si elle en a porté une seule dans sa vie : elle nous fait tout un récit de robes mal pliées, qui se froisseraient!
Du rituel, elle n'en fait – et n'en a fait – qu'une lecture littérale. Telle une créationniste maçonnique, elle appartient à ceux qui considèrent que dieu a crée le monde en 6 jours et que les francs-maçons prétendent détenir le Secret de cette création (ou un autre Secret, car qu'en savons-nous?). Aucune approche sensible d'une sœur, d'un frère, d'un seul propos, de ceux qui touchent, qui éveillent à autre chose. Pas un mot sur les sœurs et les frères qui souffrent. Il n'y a qu'elle qui connaît les affres de la souffrance. Rien sur ces sœurs et frères que nous enterrons, de la tristesse d'une loge. Rien sur l'amitié qui nous unit dans nos différences, de génération, sociales, culturelles …. C'est un monde froid qu'elle décrit.
L'auteure n'est jamais « entrée » en franc-maçonnerie, elle a vu ce monde avec suffisance et superficialité. Elle est restée-là, dans le cabinet de réflexion à critiquer la déco. C'est un échec. Le sien, dont elle ne veut pas prendre la responsabilité. Elle, si parfaite, si cultivée, si intelligente, - ce n'est pas possible. Ce ne peut être que les autres, à cause d'eux. Regardez-les, comme ils sont communs ! Comme ces femmes sont laides, et si mauvaises ! Même la coupe d'amertume n'est pas en cristal !
"Ce cabinet de réflexion est sinistre. Pour seuls meubles, une chaise d'écolier en bois vernis, une méchante table recouverte de feutrine noire. La chaise me glace les fesses." Page 30
Ce livre présente une femme aigrie, triste témoin de sa classe sociale, qui met un euros (pas plus) dans le tronc hospitalier, attachée à ses bijoux, jugeant que ceux qui doublent leur oboles pour excuser leur dernière absence, est « obscène ». Elle ne se demande pas laquelle de ces sœurs, de ces femmes, de ces frères et de ces hommes, a du mal à payer ses capitations. Une femme qui montre une maçonnerie dans laquelle, elle n'a rien compris, qui n'y a pas trouvé sa place – qui refuse d'admettre une réalité, bien plus pénible pour elle: l'initiation, ce ne sont pas les autres qui la font, mais nous la construisons pour nous-mêmes. Seuls. La loge n'est qu'un lieu de partage de ce travail, dans laquelle nous nous trouvons des compagnes et compagnons de route. Un travail solitaire et personnel. Elle n'a jamais commencé le sien.
Nous, sœurs et frères, nous nous sommes trouvés un Léo Taxil en cachemire Bompard. Nous voilà, bien.
De "franc-maçonne", ce livre en a que le titre. Nous n'avons pas besoin de dépenser 19,95 € pour le mesurer.
Lilithement vôtre,
Voici une publicité "décors maçonniques" accessible sur le Web, de la fameuse et célèbre robe noire des soeurs de la GLFF.