17 Janvier 2014
Le déiste n"est ni théiste, ni athée. D'ailleurs, l'athée le range dans la catégorie des théistes, se disant « Dieu ! Que les croyants sont compliqués ! » et le théiste dans celle des athées, l'accusant de tous les maux (ou presque).
En fait, le déiste ne sait pas ce qu’il est exactement. « C’est un homme qui n’a pas eu le temps de devenir athée » dit-on.
Il faut imaginer le déisme comme pouvant avoir plusieurs positions, naviguant d’un déisme à l’autre, vers le théisme ou vers l’athéisme, suivant un curseur. Bien souvent, on le voit comme une étape intermédiaire vers l’athéisme. Voici un exposé de quelques unes des variantes du déisme.
Le paganisme. Il peut croire en un « être suprême » qui peut être connu, c’est-à-dire compris, grâce aux facultés naturelles de l’homme. Ainsi, pour le déiste, il n’y a pas d’obligation de salut, ou de recherche de transcendance – pas d’âme immortelle pour lui. Dans ce cas, on retrouve le déiste dans des néo-polythéismes revenant à une déesse-mère.
On comprendra la difficulté d’être déiste dans une époque franchement monothéisme, qui demande à dieu un peu plus que d’avoir été créateur de l’univers. On comprendra aussi qu'a contrario, le curseur se positionnera plus vers le théisme, lorsque le déiste cherchera un peu plus qu’un être suprême créateur et "naturel".
Le nihilisme est un autre aspect du déisme, un déisme que je considère comme assumé. Ces déistes se trouvent devant un dieu mort, n’existant plus, accusant dieu-sait-qui de l’avoir tuer, et ainsi condamnant une humanité à se créer, à s’améliorer et à se transformer, seule, pour répondre à son besoin d’infini et quêter une rédemption nécessaire. Qu’un dieu abandonne sa création de sa propre volonté ou non ne signifie pas qu’il n’a pas été créateur de celle-ci, qu’il n’est pas cet être suprême. Il était juste un peu plus mortel que prévu ou - disons-le - moins sympathique que l'on imagine. Ce n'est pas, non plus, être moins être croyant ...
Il y aura un nihilisme extrême si ce déiste est en recherche de salut ou d’une transcendance pour l’humanité, doutant sans fin de sa capacité à l’obtenir. Il proposera alors une vision pessimiste d’une humanité maudite, en errance face à sa mortalité. Il sera alors, là, le « désespéré » que l’on accuse d’être.
La religion des philosophes. Le déisme renvoie à ce qui est appelé « religion naturelle ». C’est fort heureusement plus optimiste que le nihilisme. Le déisme devient la religion des philosophes, qui posent comme principe que la « raison », celle des Lumières, est la base de toute connaissance et d’une religion universelle. Cet être suprême est « Créateur », mais il ne possède plus la qualité « révélée » du dieu des religions monothéistes. Il y a donc remise en cause du fait religieux et du culte.
Pour Kant, le déisme admet l’existence d’un « dieu primitif » qui est « toute réalité ». Pour Voltaire, il n’y a pas d’intermédiaire entre dieu et l’humanité. Dieu est bien supérieur à l’humanité, il n’a que faire de ses cultes et religions. C’est un dieu absent. Il s'occupe ailleurs, laissant sa création et l'humanité se débrouiller.
Lorsque le déiste s'approche de l'athéisme. Le curseur se placera vers l’athéisme, dès lors que le déiste abandonnera lui-même la croyance en un principe créateur pour le remplacer par autre chose. L’athée ne remplace pas dieu/être créateur par une autre idée à laquelle il peut croire.
Sans pour autant être au bord du suicide, le déiste peut être l’athée qu’on l’accuse d’être, lorsque l’être suprême-créateur est ni plus ni moins l’humanité, la pensée humaine, oubliant derechef l’univers et sa création hasardeuse. Il placera l’humanité sur un piédestal quelque peu inopportun, trouvant en elle l’expression du « plan », lui permettant tout, l’excusant de tout, puisqu’elle est supérieure à tout.
Il y a, pourtant, une divergence de taille entre le déisme et l’athéisme, que l’on retrouve d’ailleurs entre le théisme et l’athéisme. Pour le déiste, il est impossible que « rien » (le « rien » des athées) soit créateur de tout.
Le déiste : le croyant sans religion.
Pour le déiste, enfin, la religion est dans l’ensemble une création humaine, voir même, sur un plan social, elle emprisonne l’humanité. Ce en quoi l'athée lui donne raison.
Pour encore d'autres déistes, s'il est absent, cet être créateur peut être touché par la contemplation. Il peut être compris par la pensée rationnelle, c’est-à-dire la science et la pensée logique. Il apparaît dans la création, donc dans la nature. L’étude de la nature, sa contemplation, conduit à sa compréhension.
Comme vous l'avez compris, le déisme peut avoir une infinité de visages et d’aspects. Ses critiques et ses opposants aussi. Il peut conduire aux scientismes, à un rationalisme exacerbé, faisant un parallèle constant entre la recherche scientifique et la compréhension humaine du divin : croyance en une science qui explique tout, mais plus positivement croyance que l’être humain et son savoir peut tout expliquer.
Il peut permettre à un retour d’une déesse-mère, fondamentale dans le polythéisme : absente (pour ne pas dire remplacée) et créatrice d’un tout, dont l’œuvre est la nature. Il peut être purement contemplatif : contemplation d’un univers infini dans lequel il y a un plan (à trouver). On l’accusera alors d’un retour au paganisme, le « new age ».
Son culte de la raison le condamne à se « bricoler » une religion. On l’accusera, du fait de son refus du culte et de considérer les religions artificielles, d’être anti-religion.
Cependant, la force du déisme est d’offrir à chaque croyant le moyen de l’être à sa façon.
La franc-maçonnerie n’a nullement permis de progresser ou de faire progresser les divergences vers une conciliation: elle oppose toujours, invariablement, théisme, athéisme et déisme. Il y a, depuis quelques temps, une crispation de certaines obédiences vis-à-vis de leur chapelle, faisant une soupe confuse de ces concepts.