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La Maçonne

Les femmes et la franc-maçonnerie des Lumières à nos jours (livre)

Je vous propose, ici, un article publié dans la revue "la Chaîne d'union" présentant un ouvrage complet, ayant pour titre :

Les femmes et la franc-maçonnerie des Lumières à nos jours
Tome I (XVIIIe et XIXe siècles) ; 
Tome II (XXe et XXIe siècles)
Editions La Pensée et les Hommes (Bruxelles,  2012)
 http://lapenseeetleshommes.be

Cet article est signé Laure Caille, qui fut aussi la traductrice du livre des américaines Burke & Jacob, que j'ai évoqué dans ma présentation du très bon livre de Jean-Pierre Bacot, A l'ombre de la République (http://lamaconne.over-blog.com/2014/02/a-l-ombre-de-la-r%C3%A9publique-j-pierre-bacot-livre.html). 

"Les femmes et la franc-maçonnerie des Lumières à nos jours" est le type d'ouvrage qui, malheureusement, n'est évoqué qu'en de rares occasions au moment de sa sortie, alors qu'il compile la somme de connaissances acquises à ce jour sur la franc-maçonnerie féminine et mixte, c'est-à-dire celle initiant des femmes. Laure Caille me l'a proposé ce 23 février, (à 23h53 précises!), c'est-à-dire indépendamment du droit de réponse de la GLFF (25 février) et de ce qui pourrait apparaître comme une maladresse du Grand Maître de la GLDF, Marc Henry. Ainsi, si vous y voyez un lien mal intentionné de notre part, cela ne pourrait être que purement fortuit. Néanmoins, les soeurs et les frères disposent grâce à ces deux tomes de quoi alimenter leurs réflexions.

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Il faut d’embler saluer un ouvrage qui s’inscrit résolument dans une démarche où la franc-maçonnerie est objet d’étude et de recherche et non support projectif de légendes pieuses ou de plaidoyers pro domo. Qui plus est, pour explorer un domaine qui reste marginalisé, tant en raison du poids des diktats fondateurs que de résistances ayant traversé les siècles et dépassant largement le cadre maçonnique.

L’originalité de cet imposant « Dossier » sur la franc-maçonnerie féminine (2 tomes d’environ 400 pages chacun) est, en outre, de regrouper et de confronter les analyses et éclairages de plus de quarante universitaires et spécialistes issus d’une dizaine de pays, suivis, en annexe, de témoignages de dignitaires féminines d’obédiences françaises, présentés lors du colloque « Les premières franc-maçonnes », organisé à Bordeaux en juin 2011.

Le titre, ambitieux dans sa sobriété, témoigne d’une double préoccupation : porter un regard nouveau sur 3 siècles d’une histoire très largement méconnue et par là même, questionner la permanence et la pertinence des enjeux posés par le fait maçonnique féminin.

Des princesses de sang de l’Ancien Régime et des dames de cour de l’Empire aux militantes féministes des XIXe et XXe siècles, des salons des Lumières aux sociétés ésotériques et de théosophie, des « muses chevaleresques », « patronesses » de sociétés britanniques à l’humanisme de combat des Maçonneries féminines continentales, c’est un regard embrassant « le temps comme l’espace » qui nous est proposé.

Le premier tome met en évidence l’émergence d’une maçonnerie féminine quasi concomitante avec la franc-maçonnerie spéculative elle-même. Tous les auteurs s’accordent en effet à lui trouver ancrage dans le bouillonnement des idées et la nouvelle sociabilité des Lumières et non, comme on le croit encore trop souvent, dans l’aboutissement des évolutions d’un XIXe siècle sécularisé. La place donnée aux travaux de chercheuses et chercheurs sur le XVIIIe siècle montre que le temps est venu d’une réhabilitation de cette « Maçonnerie des dames », longtemps ignorée ou traitée avec condescendance alors qu’elle fut en réalité un espace de construction égalitaire et de nouveaux rapports entre les sexes. En premier lieu, bien sûr, dans la France des salons, mais également aux Pays Bas, en Suède, en Pologne, où l’évolution de sociétés badines et d’ordres para maçonniques vers de véritables loges d’adoption, est ici argumentée de façon convaincante.

Plusieurs auteurs s’appuient, quant à eux, sur l’étude directe et critique de rituels d’adoption pour réfuter les clichés tendant à les réduire à des textes puérils, purement récréatifs, en démontrant leur caractère véritablement initiatique et, par là même, émancipateur.

Le développement, sur le sol anglais, de sociétés ritualisées d’origine jacobite ayant par la suite essaimé dans les pays anglo saxons – l’Eastern Star étant la plus connue de ces organisations para maçonniques-, est présenté comme une réponse contournant le principe d’exclusion fondateur. Quelques auteurs, s’appuyant sur un faisceau d’indices, avancent même la possible existence de loges mixtes ou féminines sur le sol britannique, tout en reconnaissant qu’on est là dans le domaine du probable, non dans celui d’une réalité avérée.

En Espagne et au Portugal, c’est au XIXe siècle que la maçonnerie féminine prend son essor, dans des formes nationales originales et avec une vigueur souvent méconnue.

Le cas particulier et paradoxal de la Maçonnerie « régulière » de Cuba est également évoqué, révélateur d’une hiérarchie discriminatoire entre noirs et femmes.

Le 2ème tome retrace le développement d’une Maçonnerie obédientielle mixte, en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre, et – fait peu connu- aux Etats-Unis, ainsi que la résurgence de loges d’adoption dans plusieurs pays, notamment en France, cette fois sous l’égide de la GLDF. Elles donneront naissance à la Grande Loge féminine de France puis, sous son impulsion, à d’autres obédiences féminines dans d’autres pays.

Mais les travaux ne se limitent pas à l’historiographie et font une large place à l’éclairage original que la Maçonnerie peut apporter aux dimensions sociologiques, philosophiques ou psychanalytiques des questionnements sur le genre qui ont actuellement cours : représentations et reproduction des stéréotypes, construction identitaire, rapport à l’altérité, sororité/fraternité à l’épreuve de l’universel, et bien d’autres thèmes encore. L’option de la mixité comme celle du monogenre féminin sont toutes deux interrogées à ces cribles.

Un des intérêts, et non des moindres, de ce dossier est de permettre d’accéder à des travaux et documents d’universitaires de nombreux pays, dont beaucoup étaient inédits ou non traduits. Il présente ainsi un état des lieux très complet où se confrontent des points de vue parfois complémentaires, parfois radicalement opposés, toujours novateurs et documentés.

Il constitue, sur la question de la franc-maçonnerie féminine, une référence
sans équivalent à ce jour.

Laure Caille

Les femmes et la franc-maçonnerie des Lumières à nos jours 
Dossier édité par Cécile Révauger et Jacques Lemaire 
Introduction de Cécile Révauger 

Editions La Pensée et les Hommes, 5, avenue Victoria- 1000 BRUXELLES, 
Tome I (XVIIIe et XIXe siècles) 30 € 
Tome II (XXe et XXIe siècles), 30 €
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A
précieux , merci
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B
Malheureusement, les travaux de caractère universitaire, c'est à dire en l’occurrence, rigoureux et ouverts à la critique, ne bénéficient pas d'une grande publicité, pour des raisons qu'il serait bien long d'expliquer, entre autres l'absence de relais. Mais ce blog en étant un, ne nous plaignons pas. Ce que Cécile Révauger et Jacques Lemaire ont coordonné possède un véritable caractère fondateur.<br /> A part ça, merci pour le clavecin et cette arrivée du classique!
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L
Merci pour tes nombreux encouragements. J'ai réellement tenu présenter cet ouvrage ... en découvrant cet article. <br /> Pour la musique (comme je te sens soupirer d'aise!), le compositeur est une compositrice du 18ème siècle - Anna Bon. La rare musique classique que je glisse sont de femmes. Je n'ai aucun mérite : un article sur wikipedia et une recherche sur youtube.