22 Mars 2014
Gérard Contremoulin, sur son blog « Sous la Voûte étoilée », http://www.souslavouteetoilee.org/2014/03/la-franc-maconnerie-a-t-elle-un-genre.html a produit un très court article invitant à une non-discussion, ayant d'ors et déjà décidé de la réponse « pour tous », publiant d'ailleurs une conversation (oui, cela s'appelle ainsi!) dont il omet le début. Le contexte était un article sur une conférence de la Grande Loge Féminine de France que j'ai publié sur mon blog, ayant pour titre « Franc-maçonnerie féminine, tradition & modernité». Le terme qui choque une intervenante est « franc-maçonnerie féminine ».
Il y a deux manières d'assigner aux femmes un rôle, c'est-à-dire deux approches sexistes :
La Franc-maçonnerie est une des ses « activités » historiquement masculine, dont les enjeux sociaux et économiques sont moindres, mais qui demeure un très intéressant sujet d'études et d'expériences.
Ainsi, au vu de la discussion, il est nié aux femmes de créer et formuler une maçonnerie féminine. La franc-maçonnerie demeurerait quelque chose d'intangible, d'asexué, de « neutre » … autant dire de masculin. La revendication féministe que Gérard Contremoulin mentionne n'est pas de féminiser les noms par caprice, mais de revendiquer un féminin là où il n'y en a pas. C'est le stéréotype de la femme incapable qui est remis en cause, mais aussi une volonté de ne pas se voir imposer un autre stéréotype : celui de la femme « qui n'en est pas vraiment une » - une non-femme qui est autant un non-homme – L'égalité ne doit pas nier les différences ou imposer un nivellement (généralement par le bas) des capacités ou compétences des individus, hommes ou femmes.
Un des argument évoqué est les rituels – encore eux ! - puisque les mêmes pour les hommes et les femmes. Nous connaissons, déjà, l'idée qu'ils ne peuvent être compris par les femmes car masculins. Nous étions dans une approche sexiste d'un stéréotype fort connu dans lequel les femmes sont des éternelles grandes handicapées mentales et physiques. Cette fois, nous avons l'analyse – et faite par une femme – de l'assimilation des femmes aux hommes. Elle refuse de voir une différence entre les trois groupes : la maçonnerie féminine, mixte et masculine.
Comme le rituel n'a d'intérêt que par l'étude symbolique que l'on effectue, que le texte parle de construire un temple ou de faire de la broderie, cela n'a aucune espèce d'importance.
Continuer à croire que l'actuelle franc-maçonnerie descendrait directement sans aucune modification de la franc-maçonnerie opérative est imbécile. Des transformations, il y en a eut et les premiers a en avoir effectué, ajouté et modifié les rituels, sont les fondateurs de la franc-maçonnerie.
Par ailleurs, se cacher derrière un rituel pour justifier un ordre social et refuser un groupe suivant leur sexe au sein de la franc-maçonnerie est aussi dogmatique que se cacher derrière la bible pour justifier une croyance.
De même, on l'oublie – nous parlons de maçonnerie spéculative, pas d'opérative. Il s'agit de construire sa pensée, des idées. Le temple, c'est nous. L'oeuvre, c'est nous – que nous soyons homme ou femme – Ce n'est pas une franc-maçonnerie-un-point-c'est-tout, mais des maçons et des maçonnes que nous construisons.
Si on'admet et reconnait l'importance d'éléments comme la culture, l'origine sociale, les croyances, ... , on refuse aux femmes la reconnaissance de leur sexe dans leur construction personnelle. Elles demeurent hybrides ou mutantes, mais asexuées. De même,la perception que l'individu a de son sexe est majeur dans son évolution. Ce ne sont pas les transsexuels qui me contrediront. Ils dépassent largement la simple revendication d'une part "féminine" ou "masculine" qu'ils auraient, mais bien d'un besoin de s'identifier femme (ou homme). Les hommes, eux-mêmes, ont de nombreux moyens pour revendiquer les caractéristiques masculines de leur personnalité.
L'assimilation des femmes aux hommes, proposée par cette sœur et de fait Gérard Contremoulin, estimerait ainsi que les femmes sont incapables de créer, formuler une pensée et une démarche spirituelle qui leur soient propres, qui soient différentes de celles des frères. Ce sont encore des hommes qui soufflent aux femmes les réponses. Elles ne peuvent ainsi revendiquer aucune appartenance à une maçonnerie qu'elles auraient construite (et construite d'ailleurs sans eux), tout en ne pouvant revendiquer qu'elles sont femmes. Ainsi, l'assimilation dans la mixité ne leur laisserait pas même la possibilité d'avoir d'autre recherche, attente d'une démarche initiatique qui n'appartiendraient pas aux frères. Les femmes seraient des copies incomplètes des frères qu'elles ne peuvent pas être.
La maçonnerie féminine ne désire pas être le clone d'une maçonnerie masculine, ce qui n'aurait aucun sens, tout en ne définissant pas le féminin (et donc le masculin). Elle lui ressemble sur la forme (rituels, enjeux, adoption du même vocabulaire). Son but est de permettre à ses membres de construire une démarche spirituelle comme pour toutes obédiences. Elle est différente par son fond. Elle n'impose pas à ses membres une pensée ou un profil-type de la sœur. - et encore moins ne leur fait adopter une perception de la féminité -
On peut aussi remarquer que cette définition de la féminité (une féminité sans valeur et inutile dans une démarche initiatique) est imposée et que tout sujet de réflexion à ce sujet est impossible (à suivre l'argumentation de cette soeur et de Gérard Contremoulin).
Elle ne propose pas non plus une maçonnerie « au féminin », en opposition à la maçonnerie masculine - qui ne se présentera jamais « au masculin » !. La maçonnerie féminine n'est pas non plus comparable à la maçonnerie mixte, qui ne se dit pas « maçonnerie en mixité ».
La maçonnerie mixte ne procède pas par l'assimilation d'un sexe sur l'autre (je parle de sexe – en tant que stéréotype commun et pas de genre qui entendrait que nous possédions des réponses).
Comme nous l'avons vus, dans une démarche mixte, s'il y a la volonté de nier le féminin, les femmes sont perdantes. De même, les hommes ne sont pas féminisés. Ils ne sont pas censés développer, par exemple, la douceur, l'abnégation, la sensibilité et une intuition toute féminine. Ils auraient hurlé à la castration depuis (fort) longtemps !
L'enjeu de la mixité en maçonnerie est de faire en sorte que femmes et hommes articulent une pensée et une démarche initiatique dans un mode égalitaire sans que l'un des deux sexes (ou plus) soit obligé de s'effacer et de se conformer à l'autre sexe. C'est aussi l'enjeu de la mixité dans notre société . Ceci pour les obédiences qui ne sont pas le GODF.
Dans le cadre de cette discussion, nous avons à faire à une pensée et une analyse commune et dominante au sein des obédiences masculines et libérales. Hormis pour les loges mixtes du GODF, toutes les obédiences mixtes soient sont issus d'une réflexion initiale féministe ou possèdent une réflexion féministe. Le choix de la mixité pour les loges du GODF ne relève d'aucune revendication particulière, mis à part « faire comme dans la société », ce qu'ils semblent faire plutôt très bien – sans savoir pour autant aller au-delà de celle-ci.
Lorsque j'ai ouvert ce blog, des frères du GODF ont attaqué cette « féminisation » virtuelle, trouvant inadmissible que je ne m'adresse qu'aux femmes. Je me devais d'avoir un discours pour « tous », sans même s'interroger sur mon propre besoin d'expression et mes propres attentes au travers de cette expérience (et encore moins sur celles des femmes qu'elles soient profanes ou initiées). Disons-le, même un blog traitant de maçonnerie n'a pas le droit d'être féminin ! Je n'appelle pas cela un progrès, mais un important recul démontrant une intransigeance inquiétante vis-à-vis des femmes, mais qui – hélas – se retrouve aussi dans notre société.
Je souligne aussi que ce qui fait réagir n'est pas le caractère masculin de la GLDF ou encore cette perle du genre – appartenant à la GLNF (11ème point de ses règles, sur son site : http://www.glnf.asso.fr/presentation/?ARB_N_ID=2665)
"11- Les Francs-Maçons contribuent par l’exemple actif de leur comportement sage, viril et digne, au rayonnement de l’Ordre dans le respect du secret maçonnique."
Mais (toujours et encore) la féminité.
Lilithement vôtre,
J'avais abordé dans un précédent article en quoi le "entre femme" était avant-gardiste encore de nos jours, ici : http://lamaconne.over-blog.com/2013/12/franc-ma%C3%A7onnerie-le-%C2%AB-entre-femmes-%C2%BB-au-xxi%C3%A8me-si%C3%A8cle.html
L'intervenante anonyme : En quoi la FM est-elle "féminine"? ... on peut parler de Loges féminines, ou mixtes ou masculines, mais en quoi la FM peut-elle être qualifiée de ces notions?
La Maçonne : Peut-être parce que l'on parle de maçonnerie mixte et masculine (aussi). C'est la loge qui est créatrice de la FM et non pas l'inverse. La FM n'existe pas sans loge. Ce n'est pas une notion abstraite, mais bien la réunion de femmes, d'hommes ou de femmes et d'hommes.
L'intervenante anonyme : je comprends bien ce que tu dis, mais les rituels n'ont rien de spécifiquement masculins ou féminins ou ... La FM est la FM point final. Que des Loges constituées de femmes, ou d'hommes ou soient mixtes ne changent en rien les rites ni les rituels. Ce sont les travaux qui peuvent plus ou moins différer selon certaines dispositions d'esprit à la rigueur .... mais la FM n'est ni masculine ni féminine, malgré la formulation courante. On devrait dire: "les femmes en FM" et non "la FM féminine".