20 Septembre 2014
Si vous en avez marre de ce sujet, pour ma défense, je souhaite préciser en avant-propos à cet article, que c'est Astride Mandos – le Robin de la Maçonne - qui m'a demandé que je définisse comment, moi personnellement, je suis athée et maçonne.
En effet, jusqu'à présent, je me suis permise de faire des analyses et des définitions sans m'aventurer à expliquer ce que je suis et à quoi ressemble ma démarche en maçonnerie. En effet, à mes yeux, une démarche initiatique est personnelle. C'est d'ailleurs son intérêt. Elle ne peut à ce titre se transmettre, à moins de vouloir en faire une religion ou un dogme. Je ne me prends pas non plus pour la « super maçonne qui a tout compris à tout grâce à son lourd passé maçonnique » d'où le fait qu'il est accessoirement peu intéressant de présenter ma démarche (dont tout le monde se fiche).
Dans cet article, je déroge à ma petite règle personnelle. Je décris, pour une partie, ce qui est ma démarche et surtout sur quoi elle repose en ma qualité d'athée. Je dis bien en partie, parce qu'elle ne se résume pas à cela.
Dans l'article qui suivra, demain, je vous présente une étude faite par un frère de la GLNF qui a, quant à lui, une démarche complètement différente car théiste. Un article qui est un peu plus "savant" que celui que je vous propose aujourd'hui que vous pouvez trouver ici.
Je ne me suis pas levée un matin en décidant de devenir athée. Je le suis. Tout simplement. Cela fait d'ailleurs partie des choses que nous sommes sans que nous y mettions un nom, sans même chercher à le devenir, sans même d'ailleurs vraiment savoir comment nous le sommes devenus. Je n'ai pas eu de prise de conscience douloureuse et brutale … J'ai été baptisée, j'ai même reçu quelques années durant une instruction religieuse - assez limitée d'ailleurs - et je suis issus d'une famille qui pour une partie compte des religieux (prêtre et sœurs catholiques).
A l'adolescence et un peu plus tard, je fus considérée comme franchement hostile à la religion familiale (catholique). Or, le problème n'était pas vraiment la religion – ou la cérémonie elle-même – je ne croyais pas en dieu et n'avait aucun intérêt à rester écouter un sermon sur ladite grandeur et omniprésence de dieu en moi.
Devenant adulte, les choses du côté de ma famille en sont restées là. On semble s'être fait à l'idée que je sois absente lors des enterrements religieux et de me trouver à la sortie prête à accompagner un cercueil, à ne pas faire de signe de croix à tout bout de champ, et à refuser la communion (si je tenais jusque là).
Pour avoir une religion, la condition est d'être croyant... enfin, je ne connais pas d'athée qui en ont une. Je connais cependant des croyants qui n'en ont pas.
Lorsque je dis que je suis athée, il faut encore définir le terme. Je l'ai fait dans un article précédent (ici ). Pour ce qui me concerne, je ne crois pas en un dieu qu'il soit révélé, vivant, mort, absent, qui s'occupe ailleurs, omniprésent, dans tout, nul part, vieil homme à la barbe blanche, innommable, incompréhensible, inaccessible, créateur de l'univers ou simple assistant, … Je ne crois pas non plus en une force supérieure qui aurait créé le monde, en un principe créateur à notre service, à un machin-chose supérieur, vaguement défini, mais qui serait peut-être là … Je ne crois pas en la destinée, au grand livre où tout serait écrit.
Pour tout dire, pour moi, il n'y a rien. Strictement et radicalement rien. Rien de rien. Je ne crois en rien. Autrement dit, je suis seule. Je considère que l'humanité est seule, l'univers en son entier est seul face à lui-même et qu'il faut se débrouiller ainsi.
Il n'y a pas de vie après la mort. Je n'ai pas d'âme ou d'esprit immortel qui me survivrait. Je me demande d'ailleurs ce que mon esprit ferait de cette éternité sans avoir un corps pour la supporter. Je ne crois pas aux réincarnations, aux fantômes, au paradis et à l'enfer. Je n'ai qu'une vie, celle que je vis actuellement. Je fais avec celle-là, même si je la trouve trop courte.
Bref, être athée n'a rien de glamour, d’excitant et au bout du bout, ce n'est pas vraiment drôle. Difficile aussi de m'accuser de prosélytisme : pour proposer quoi ? Un vide inter-sidéral ? Notre culture d'ailleurs n'aime pas ce néant, ce rien, ce vide-là et encore moins la solitude que cela sous entend pour chacun d'entre nous.
Bien sûr, être athée a quelque chose de libérateur. Je ne me raccroche pas à une forme de croyance même sommaire. Si on le rapporte à la complexité de notre époque, il est vrai que mon regard est sensiblement éloigné d'une « morale chrétienne » à la petite semaine, étant plus attachée au bonheur individuel ou collectif et au prix de la vie humaine, qu'à faire plaisir à un guide spirituel. Je ne suis, d'ailleurs, pas très obéissante. De même, si l'athéisme est une force, ce n'est pas moi que l'on trouvera dans une secte à allumer des bâtons d'encens – même si j'aime l'encens -
Avec les années, j'ai compris que ce qui me dérangeais le plus dans la notion même de dieu (ou de ses nombreux avatars) était la soumission qu'il implique. L'humanité dépendrait du bon vouloir divin.
Je ne sais pas qui (ou quoi) est l'auteur de notre univers. Effectivement, ce monde étrange est là, selon moi, par un pur hasard et suite à une série de circonstances physiques et biologiques indépendantes de toute volonté extérieure en dehors de celles – multiples – des principaux protagonistes. Personne n'a décidé qu'une fleur ait des racines, à part peut-être la première racine qui a décidé de devenir une fleur.
Il y a bien une chose commune à ce tout : la vie et l'envie de vivre, de survivre, que l'on trouve autant dans une fleur, un insecte ou un être humain. Cette envie de vivre, le besoin de survivre dans des conditions difficiles, nous oblige à évoluer, à multiplier les moyens de s'adapter à un milieu hostile, à se défendre et à se protéger.
Vraisemblablement, il n'y a que les dinosaures qui devaient en manquer, il y a quelques 61 millions d'années, bien que l'on considère qu'ils n'ont pas disparu. Les oiseaux existent. Ce serait, d'ailleurs, un dieu quelque peu fantaisiste qui aurait créé bien avant l'humanité des bestiaux de 60 000 kg pièce pour les détruire à grand coup de comètes !
Adieu la théorie darwinienne ! Il y a effectivement plusieurs races « humaines » qui ont existé et cohabité sur la même période. Le néandertalien a vécu en même temps que les homos sapiens ... Il n'a laissé comme trace de sa courte existence que quelques squelettes et des silex taillés ainsi que des peintures dans des grottes.
Nous existons. D'accord. Il faut être bien présomptueux pour estimer que l'homo sapiens sapiens le méritait plus qu'une autre espèce. C'est pourtant bien ce que les religions monothéistes nous apprennent à penser et avec elles nos philosophes. Elles n'envisagent pas dans ce qu'elles appellent « création » les disparitions tout autant inexpliquées sur des millions d'années de milliards d'êtres vivants et d'espèces, qui auraient mérité autant que nous de survivre.
Reconnaissons à ce titre, qu'il serait préférable de se passer pour notre propre survie d'un tel principe créateur, qui a tout d'un principe destructeur – et que je ne peux que lui conseiller de s'occuper à autre chose !
Non, je ne peux pas croire même en une ladite « force créatrice », à un principe créateur, volonté qui aurait défini un plan ordonné. Ce n'est pas plus crédible qu'un dieu à la barbe blanche. Le plan ordonné ressemble à regarder notre « arbre généalogique » (ci-dessous) à l’œuvre d'un esprit confus et instable.
N'est-ce pas les qualificatifs de l'univers? Confus, instable en plus d'être incompréhensible ... et peut-être même, tout cela sans but et raison.
Arbre généalogique des Hominidés
Arbre généalogique des Hominidés. © Peter Schmid. University of Zurich
Étrangement pour une athée, je ne me réfugie pas non plus derrière la science, celle qui va nous sauver de notre ignorance, nous rassurer, nous expliquer d'où nous venons. Même si elle y arrivait, elle ne nous expliquera jamais pourquoi.
Au lieu de débattre sur le comment et le qui, questions qui ne me semblent finalement pas si importantes que cela, c'est de savoir pourquoi l'humanité existe, nous existons, et même si cela ne vous intéresse pas : pourquoi j'existe.
La spiritualité n'est pas attachée uniquement à l'homme vis-à-vis d'une religion ou d'une croyance. Elle a une signification qui dans le contexte maçonnique est important : recherche de sens ou d'espoir, ou bien être une réflexion sur l'opposition (philosophique et ésotérique) de l'esprit et de la matière.
Le " pourquoi nous sommes là ?" est au coeur de mon questionnement et très certainement au centre même de ma façon de vivre ou d'entreprendre des choses.
Je m'insurge donc lorsque des francs-maçons souhaitent cantonner et réduire les champs de recherche d'une démarche spirituelle et initiatique à la seule croyance qu'elle soit théiste ou déiste.
Etre athée, ne signifie pas s'être débarrassé de dieu. En effet, il demeure une idée. On n'a pas besoin de croire en une idée, ni même de l'aimer et de lui adresser des prières pour l'examiner et la conserver. Cette idée est un état qui n'est pas représentation de dieu, mais de l'humanité elle-même.
L'humanité suivant ses époques et les civilisations qu'elle a construit a toujours eu des dieux. Ces représentations divines répondraient (au conditionnel) aux questions que l'humanité se pose, désignant une frontière entre le connu et l'inconnu, le compréhensible et l'incompréhensible. D'où cette affirmation que nos croyances contemporaines seraient moins superstitieuses que celles de nos ancêtres et en cela bien supérieures au polythéisme. A croire que vous n'avez jamais mis un pied dans une église !
La science – et vous comprenez pourquoi je ne m'y réfugie pas – aurait désacralisé une partie des mystères de l'univers en nous trouvant des théories plausibles. Notez qu'il s'agit uniquement que de théories et que rien n'est prouvé (ou pas complètement).
Je trouve cela quelque peu vaniteux. Nous ne sommes en rien supérieurs – et nos croyances pas plus – que cette femme (ou cet homme) qui aurait laissé pour plusieurs milliers d'années ses œuvres au fond d'une grotte.
Ces mythes polythéistes ne me paraissent pas être construits pour rassurer des peuples entiers de leur peurs ataviques. Je dirais même que les peurs restent ... S'ils répondent à des questions, quelles sont-elles ? Sont-elles purement physiques ou scientifiques ? Sont-elles d'ordre métaphysiques ? Sont-elles tout cela en même temps ?
Femme de son époque et vivant elle-même dans une société confortable, je n'ai que des questions. Je cherche en sus, parce que les miennes ne me suffisent pas, celles des autres, celles qui ont bercés l'humanité depuis son début, sans même savoir ce que l'humanité est vraiment et encore moins quand elle débute réellement.
Je ne cherche pas dieu. Je ne cherche pas à le définir. .Je n'en ai pas besoin. D'ailleurs, ceux qui font cette recherche en maçonnerie serait plus à leur aise, à mon avis, en théologie.
Vous l'avez certainement compris. Ce qui alimente une autre partie de ma démarche, c'est l'humanité, ce qu'elle est, ce qu'elle deviendra, ce pourquoi elle est … Elle est selon moi bien plus incroyable que tous les dieux que l'on m'offrira.
L'humanité – l'être humain – a survécu avec comme seul outil un cerveau et deux pouces, bien peu de chose donc. Lorsqu'il a inventé l'écriture (cunéiforme), c'était pour établir des inventaires de nourritures et de biens afin d'assurer la survie de son clan. Le deuxième usage de l'écriture fut pour écrire de la poésie. Croyez-moi sur parole, j'en suis toujours émue.
S'il a domestiqué des animaux pour se nourrir, il en a domestiqué aussi pour lui tenir compagnie.
A y regarder vraiment, l'humanité demeure ce qu'il y a de plus mystérieux dans l'univers. Aucune science n'en est venue à bout … la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas demain que cela arrivera.
D'un point de vue pragmatique, même si ma démarche n'est pas exploitable par tous et toutes (ce qui n'est pas le but), je préfère quant à moi me pencher sur un sujet, aussi vaste soit-il, dont je suis sûre de trouver quelques exemplaires vivants sur terre .....