31 Mai 2015
J'ai rencontré Catherine Jeannin-Naltet, celle que vous connaissez pour être la Grande Maîtresse de la GLFF, ce samedi 30 mai 2015, alors qu'elle descendait de charge au bout de 3 ans de mandat. Marie-Thérèse Besson venait tout juste de prêter serment devant les députées de la Grande Loge Féminine de France, lorsque Catherine Jeannin-Naltet vint me rejoindre dans le hall d'entrée.
Des sœurs en robe ou en civil, dans ce petit hall, discutaient et s'affairaient autour des stands des artistes, de livres et décors maçonniques causant un léger brouhaha. Catherine Jeannin-Naltet m'évoquera plus tard ce qu'elle appelle le « cocooning de la GLFF et des logess », ce sentiment d'être protégées. Or, dès lors, après avoir traversé Paris – Paris, bruyante, merveilleuse, cosmopolite, historique, sale et tout autant majestueuse où il y a ni jour, ni nuit – c'est bien ce sentiment que j'éprouvais. Ceci, bien plus qu'en province.
Nous nous installâmes toutes les deux dans une petite cour afin de prendre un bol d'air. Assises toutes les deux sur un muret, mon interview commença. Il s'agit plus sûrement d'une discussion à bâton rompu, l'une racontant et l'autre notant. Elle me fit remarqué que d'habitude les blogs (et autres blogueurs) préféraient interviewer la nouvelle plutôt que celle qui descendait de charge. C'est sous son mandat que j'ai ouvert ce blog, cela était important pour moi et, je l'espère pour mes lectrices et lecteurs, que cette année maçonnique se conclut aussi par l'interview de cette Grande Maîtresse, connue pour son franc-parler et sa forte personnalité.
Elle avait lu les quelques questions que j'avais préalablement préparées et me dit : « En fait, tu voudrais savoir comment c'est d'être Grande Maîtresse ».
- C'est exactement cela !
- C'est une expérience merveilleuse ! On demande de transposer le modèle de la loge dans un Conseil Fédéral. Par analogie, il y a les mêmes fonctions de Surveillantes, d'Oratrices, de Trésorières, de Secrétaires, etc. La 1ère année d'une Conseillère Fédérale est son apprentissage, sa seconde année le degré de compagnonne et la dernière année, sa maîtrise. Le Conseil Fédéral est composé de 10 Grandes Officières. Il y avait une Grande Chancellière que ne savait comment placer en tenue. A la place, sous mon mandat, nous avons créé une mission de Grande Maîtresse Adjointe aux affaires intérieures, comme il existe déjà une Grande Maîtresse Adjointes aux affaires extérieures (1) Le Conseil Fédéral s'est organisé en groupe de travail pour travailler par thème. La loge permet de vivre ensemble, avec des sœurs différentes. Chaque année, un tiers des Conseillères Fédérales (2) changent. J'ai travaillé avec des sœurs que je ne connaissais pas et des officières que finalement, contrairement à la loge, je ne choisissais pas puisque élues entre elles.
- Dans le monde de l'entreprise, changer un tiers de son staff tous les ans est impossible. Fis-je remarqué.
- C'est la méthode maçonnique qui permet que cela fonctionne. Un Conseil Fédéral, c'est appliquer cette méthode. La démarche initiatique est notre socle. Il faut avoir la méthode, se l'appliquer à soi-même, avant de la porter à l'extérieur. S'il n'y a pas les bases, cela ne sert à rien de vouloir porter nos valeurs. Il faut d'abord être clair avec soi-même avant d'expliquer à la société comment faire.
- On ignore, bien souvent, que la mission d'une Grande Maîtresse est une charge lourde qui demande du temps – et que c'est aussi du bénévolat. Comment organisais-tu tes semaines.
- C'est terrible ! C'est 360 jours par an ! J'exagère à peine ! Lorsque je me suis installée et que les chantiers étaient en route, j'ai souhaité prendre une journée pour moi par semaine. Je n'ai jamais réussi à le faire. Il y a toujours quelques choses : les colloques, les conférences, les salons du livre, les assemblées générales, les conseils fédéraux, les visites, les tenues de grandes loges, les convents .... Comme dans une loge, il y a aussi les ordres du jour à préparer, … Chez moi, j'ai trois ans de retard sur tout, mon ménage, mes rangements de placards, … Heureusement qu'il y a une épicerie qui ferme tard à côté de chez moi. Je faisais mes courses à la dernière minute.
- Tu as la réputation d'être une bosseuse. Remarquais-je (3)
- Je suis une bosseuse bizarre. Je suis une fainéante. En fait, je travaille sous adrénaline avec une épée dans le dos. Je peux abattre une grosse quantité de boulot mais que sous adrénaline. Une Grande Maîtresse ne peut pas savoir tout faire. Nous ne pouvons pas être des spécialistes en tout. Nous ne pouvons pas être des gestionnaires, des juristes, des communicantes. Moi, c'était la communication. Mon franc-parler, je ne sais peut-être pas dire les choses comme il le faudrait, les gens ne comprennent pas, peut-être le ton de ma voix … J'aurais peut-être dû prendre des cours. Or, je veux rester moi-même. Je m'exprime comme cela. Mais c'est moi, ma vérité. On peut ne pas être d'accord. C'est cela aussi notre méthode. Savoir accepter que tout le monde n'a pas la même opinion.
- J'ai noté que tu as pourtant fait des progrès en communication.
- En fait, je n'aimais pas la communication au début de mon mandat. Puis, j'ai fait des conférences publiques. (4) J'essaye de parler clair aux profanes afin d'expliquer les spécificités de notre obédience. Cela a très bien marché ! Des profanes sont venues frappées à notre porte. La communication, maintenant, m'intéresse. Une sœur maîtrese est libre de ses paroles et de ses actes « en conscience », par rapport à elle-même. « Ma vérité » doit être dite. Je veux être moi-même et être acceptée comme je suis.
- Quels conseils donnerais-tu aux profanes et apprenties ?
- C'est que l'on peut être déçu par certains maçons (ou maçonnes), mais la méthode est exceptionnelle, à condition de la travailler, de l'appliquer à soi-même. Elle a 300 ans et elle est toujours d'actualité. ! Nous pourrions avoir des files d'attente derrière nos portes si elle était mieux connue. J'étais trop cartésienne. J'ai une formation universitaire. Travailler avec son cerveau ne suffit pas. Cela vous coupe du reste. Il faut aussi utiliser son cœur, ses sentiments, son intuition, sa créativité …
- Sa part d'irrationalité.
- Oui, mais attention ! Pas cui-cui-les-petits-oiseaux ! Ne pas planer ! Cela ne sert à rien d'empiler les médailles si la méthode n'est pas concrétisée dans sa vie. Cette méthode nous permet de porter des valeurs universelles et de les faire vivre. L'année prochaine, il y aura à la BnF (5) une exposition ayant pour thème les apports de la franc-maçonnerie à la société. Attention ! On n'a pas tout fait ! Mais cela montre que la franc-maçonnerie peut être porteuse de progrès pour tous.
- Et l'avenir de la Grande Loge Féminine de France ?
- La GLFF se porte bien. Nous sommes parties de 90 sœurs à aujourd'hui à 14130. L'exemplarité est nécessaire. Beaucoup de sœurs n'ont pas acquis le premier degré. La transmission est nécessaire. Il ne faut pas penser les passages comme une sorte de concours ou de formalité. Une sœur de l'obédience avec laquelle tu devrais discuter aussi, Anne LGLL explique que l'histoire des droits des femmes est liée avec l'histoire de la franc-maçonnerie féminine. C'est les militantes des droits des femmes qui ont poussé la franc-maçonnerie. Beaucoup ne s'en rendent pas compte : notre plus grand trésor est la paix civil. Une fois perdue, on ne sait ni quand, ni comment la retrouver. Nous devrions en prendre conscience.
Autrefois, il y avait des « ténors » au sein de la GLFF, des sœurs plus anciennes qui connaissaient l'histoire de l'obédience et la transmettaient aux nouvelles. Aujourd'hui, il n'y a en a plus. Elles sont moins nombreuses. Les députées, elles-mêmes, ne suivent pas d'une année sur l'autre et ne se transmettent pas les affaires de l'obédience. Les sœurs doivent s'impliquer dans leur obédiene. Nous sommes maçonnes tout le temps.
- Quel est ton meilleur souvenir ?
- Mon meilleur souvenir a été lorsque les 11 premières Conseillères fédérales sont parties. Ces sœurs avaient travaillées avec deux grandes maîtresses. Elles avaient beaucoup apprécié Denise Oberlin, mais avait aussi aimé travailler avec moi. Le repas de départ a été très émouvant. J'ai connu des assemblées difficiles, mais j'ai vécu trois années de rêves. J'ai eu l'occasion de travailler avec des conseillères fédérales merveilleuses.
La conversation se poursuit encore quelques minutes. Elle me relate l'appuie qu'elle a eut des anciennes grandes maîtresses, dont Marie-François Blanchet, ses espoirs pour la nouvelle Grande Maîtresse : "La nouvelle Grande Maîtresse Marie-Thérèse Besson travaillera dans la continuité. J'espère qu'elle pourra poursuivre ce que ses prédécesseuses ont mis en place."
Maçonne énergique, rigoureuse et convaincue, Catherine Jeannin-Naltet aura apporté, durant son mandat, une pierre à l'édifice de la GLFF. Cette descente de charge sera pour elle l'occasion d'investir son énergie dans d'autres projets pour l'obédience ou associatif. Aujourd'hui, elle n'a rien de défini.
Merci à Catherine Jeannin-Naltet d'avoir pris de son temps de convent pour cette interview.
Quant à moi, j'ai juste oublié de lui demander quelle musique elle préférait …
Lilithement vôtre,
Notes :
La Grande Maîtresse Adjointe aux affaires extérieures est en charge des loges hors hexagone, mais aussi des relations internationales.
Les conseillères fédérales au nombre de 33 sont élues par tiers lors des convents, après que leur candidature a été préalablement validé ou notifié par les congrès régionaux. Hormis les fonctions de Grandes Officières, les conseillères fédérales sont en charge des loges en région.
Oui, oui, il y a des fuites au sein du Conseil Fédéral !
En effet, Catherine Jeannin-Naltet a été très active (aussi) auprès des régions apportant son concours à de nombreuses conférences publiques. Il fut même une période où j'avais des difficultés à faire suivre les informations sur ces conférences sur mon blog tant elles étaient nombreuses. a communication de la GLFF a nettement évoluée sous son mandat, avec la reprise de l'ancien logo de l'obédience, un nouveau site, des communiqués plus nombreux sur des faits de société, un site-web mis à jour régulièrement … et un groupe de travail « communication » au sein du Conseil Fédéral.
Bibliothèque Nationale de France – Paris. Aurais-je un scoop?
Elisabeth Jacquet de la Guerre : Venez Minerve
Des infos sur mon blog : http://lelutindecouves.blogspot.fr/2012/05/elisabeth-et-lesprit-francais.html Tiré du Sommeil d'Ulysse. Interprètes : Sophie Landy et La Pelegrina. Site de la Pelegrina :...