27 Janvier 2016
Depuis quelques temps, je possède le dernier numéro du magazine « Humanisme » (numéro 309, novembre 2015) qui est pour le GODF ce qu’est « Point de Vue Initiatique » pour la GLDF, c’est-à-dire la revue des obédiences susnommées. Vous ne serez donc pas surpris que je puisse sursauter à certains articles.
« Humanisme », dans ce numéro, continue un débat sur la féminisation de notre vocabulaire et – dans une plus faible mesure – l’étude de genre. Cette série d’article semble répondre à un autre publié en mai 2015 dans le numéro 307 de cette même revue.
Tout d’abord, Michèle Riot-Sarcey, historienne, voit dans « l’étude de genre » un héritage du siècle des Lumières citant Condorcet, pour ne citer finalement que lui, et présente, assez justement d’ailleurs, ce qu’est l’étude du genre. Cette définition même si elle est juste n’enlève en rien la critique sur cette filiation plutôt surprenante avec le Siècle des Lumières.
Dominique Desmûriers, quant à lui, affirme peu ou prou la même chose à la différence qu’il voit dans l’étude de genre une guerre des sexes et donc la fin du Siècle des Lumières – comprendre la fin de l’universalisme à la papa de la Vème République et des républiques précédentes. De ces deux premiers articles, je souhaite signaler que le siècle des Lumières a pris fin au début du 18ème siècle, avec la Révolution, plus exactement avec la Terreur et l’invention et l’utilisation fraternelle de la guillotine.
En ce qui concerne les droits des femmes, si ce siècle fut féministe (et il faut posséder une certaine imagination pour l’affirmer), cela s’est conclu par le Code Napoléonien. Olympe de Gouges et Condorcet sont, tous deux, des rares proto-féministes de ce siècle. La première fut assez vilainement raccourcie, quant à Condorcet il fut retrouvé mort dans sa prison en 1794. Rien de joyeux, en fait.
Reconnaissons que le fameux esprit des Lumières n’a fait qu’effleurer cette première République. En ce qui concerne les opinions de fond de Dominique Desmûriers invoquant le communautarisme des féministes en les accusant de vouloir diviser l’humanité, de stigmatiser ces messieurs en inversant le machisme, et j’en passe, une seule phrase le résume « j’ai peur des femmes ». Si cela est tout à l’esprit des Lumières, ce que je ne remettrais pas en cause, c’est à désespérer. Dans une seule citation, Rousseau indique le mieux ce qu’était le Siècle des Lumières pour la condition féminine : « la femme est à l’homme, ce que l’homme est à Dieu. ».
Est-ce que les féministes de la fin du 19ème siècle se sont inspirées du 18ème siècle et de la pensée des philosophes ? Rien ne l’indique. Celles des années 1970 se sont engouffrées, faute de meilleure référence, à une égalité universaliste (se la disant universelle). Des millions de femmes en connaissent pour les vivre les résultats et ses limites. Plus clairement, si l’étude des genres a trouvé un précurseur en Condorcet et s’imagine être dans la continuité du siècle des Lumières, tout le monde s’en fiche – y compris moi. Ceci pour une simple et bonne raison : il ne s’agit pas de débattre d’une idéologie, mais d’un ensemble de faits sociaux et culturels comme de l’usage des mots et de leurs genres.
L’article qui va vous plaire (du moins qui m’a fait plaisir de lire) est celui de Patric Jean, auteur et réalisateur, dont le dernier livre s’intitule « les hommes veulent-ils l’égalité ? ». Dans « Comment l’expression Droit Humain nous invite à l’égalité ? » sous-titré « Zéromacho et soixante organisations tentent de répondre à cette question ».
Avant que vous me fassiez un procès, je me dois de répondre à cette question cruciale : qu’est-ce Zéromacho ? Il s’agit d’une association fondée en 2011, composée d’hommes – ou tout au moins les concernant - contre la prostitution et pour l’égalité femme/homme. Il serait intéressant de lire leur manifeste (et de le signer, messieurs).
Patrice (ou Patric) Jean postule dans son article que l’usage de l’expression de « Droits de l’Homme » est aussi peut-être un moyen de marquer la suprématie des hommes sur les femmes.
C’est la « réponse » à cet article (même si peut-être trop succinct) qui m’a, quant à moi, stupéfiée. Manque de chance, il est signé par Samüel Toméi, rédacteur en chef de la revue « Humanisme ».
Ce dernier souhaite rassurer ses lecteurs (on imagine donc qu’il n’a aucune lectrice et que je serais la seule) sur « nos convictions, précisément humanistes et républicaines ». Il s’insurge sur le fait que « Droits de l’Homme » pourrait être remplacé par « Droits Humains » y voyant une « logique de radicalisation de la division de l’humanité ». Qu’est-ce qui dérange Samüel Toméi ? La féminisation des mots. On ose même traiter l’Académie Française de « conservatrice voire réactionnaire », trépigne-t-il. Non, Samüel Toméi n’est pas machiste du tout. Ni lui, ni la langue française ne le sont, parce que tout simplement « les femmes sont des hommes comme les autres ». Il termine son article par un long développement sur la République, ces valeurs, blablabla & bla. Visiblement, Samüel Toméi est fâché, accusant Zéromacho et les 60 associations d’être des néo-féministes. L’insulte est grave ! Relevons le gant.
Le « néo-féministe » existe bel et bien. Sauf qu’il ne concerne pas Zéromacho et associés mais plutôt Samüel Toméi et ses lecteurs qu’il faut rassurer. Le néo-féminisme est un terme qui apparaît dans les années 1920 en Angleterre pour les différencier des Suffragettes, bien trop radicales mais qui surtout ne reconnaissaient pas (ou peu) un rôle social déterminé par la biologie des sexes.
Pour les femmes, il s’agit de la maternité et de l’éducation des enfants. Les hommes, quant à eux, pour ces néo-féministes, gardent tous leurs privilèges (de bonnes études, un bon job, un bon salaire, une liberté de mouvement, etc). Du néo-féministme est issu tous les arguments des différentes politiques natalistes, sur les leçons de couture ou de cuisine à l’école (que les garçons n’avaient pas), et toute la littérature sur la complémentarité des hommes et des femmes.
Ce terme, datant d’une époque que nous imaginions révolue, est repris par les mouvements de féministes catholiques. Les plus grands néo-féministes sont les papes ! Même si elles ne se nomment pas ainsi, on peut aussi pour les mêmes raisons y classer les féministes musulmanes occidentales qui militent pour le port du voile, définissant un rôle social et religieux des femmes tout en leur accordant les droits fondamentaux.
Plus généralement, il concerne toutes celles et tous ceux qui considèrent que les hommes et les femmes ont des rôles déterminés par leur sexe permettant aux hommes et aux femmes d’être des moitiés de pomme, tout en reconnaissant une égalité de droits entre individus. Il s’agit finalement d’un essentialisme bourgeois et parfaitement conformiste. Rien qui ne pourrait choquer Samüel Toméi et ses lecteurs.
Dans tous les cas, ce ne sont pas les néo-féministes qui militent pour la féminisation des noms de métiers. Bien au contraire. Ils militent pour un retour des femmes aux fourneaux pas à ce qu’elles deviennent auteures ou ingénieures, … car ce n’est pas de leur nature. Ce ne sont pas non plus les néo-féministes qui militent pour l’abolition de la prostitution. Pour eux, c’est dans « la nature » des hommes d’avoir des « besoins sexuels ». Samüel Taméi peut toujours considérer que Zéromacho est néo-féministe, comme toutes les associations féministes, si cela lui fait plaisir, mais qu’il ne s’étonne pas que ces associations refusent de confronter leurs idées avec lui…
Que sont ces associations ? La quatrième vague du féminisme. La deuxième vague étant les années 1960-70. Le renouveau féministe des années 90 représente la 3ème vague … Certains considèrent même que nous débutons la 5ème vague !
Il faut reconnaître que, si nous nous penchions, sur le site de Zeromacho, nous jouons dans une autre catégorie que le GODF et sa solution unique : le masculin pour toutes.
Zeromacho a trois portes paroles ; Patric Jean, Frédéric Robert et Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo. On trouve sur ce site les articles de ce dernier publié dans différents numéros de cette revue (je parle de Charlie Hebdo, pas d’Humanisme) qui donne une idée de l’orientation de ce mouvement féministe.
Si Samuël Taméi avait conduit une analyse (et pour se faire avoir pris la juste dimension de la pensée féministe multiforme actuelle), il aurait – à la limite – reproché à Zéromacho d’être des féministes radicaux, pas d’être des essentialistes new age en quête de leur moitié d’orange.
En effet, sans vouloir m’avancer de trop, cette pensée considère que l’humanité est une et indivisible, mais que l’humain a le droit à la différence … tout simplement parce que nous le sommes, différents. Reconnaître cette différence, ce n’est pas la définir et l’enfermer dans un carcan social et économique. Pour la caricature, une femme peut désirer être reconnue comme telle, sans pour autant que l’on lui définisse un instinct maternel ultra-naturel et donc un rôle social en adéquation.
Devant les attaques contre l’expression « Droit Humain » en lieu et place de « Droit de l’Homme », on se confronte à une logique toute masculine qu’il me sera difficile de comprendre.
Mais je vais essayer, très courageusement. Que ce soit en anglais ou en espagnol, les deux langues les plus utilisées dans le monde, « Droits de l’Homme » se dit « Human Rigths » et « Derechos Humanos ». Le débat n’existe qu’en français. Il faut aussi avouer que la pensée officielle du GODF que représente très bien Samüel Taméi se trouve confronter à sa propre impasse.
L’expression « Droit Humain » est parfaitement connue en France et surtout en franc-maçonnerie. Il s’agit du nom de la première obédience mixte « le Droit Humain » qui, d’ailleurs, a choisi ce nom pour les mêmes raisons que Zéromacho évoque de son côté. Le mot « Humain » englobe toute l’humanité sans aucune équivoque, autant les hommes que les femmes. Maria Deraismes et Georges Martin avaient seulement un siècle d'avance!
Les arguments de Samüel Taméi ne sont guère innovants. Nous avons droit même à quelques clichés. Suivant ceux ci, personne ne se déclare « sentinelle de classification jeune recrue » ou même « vigie ». On serait plutôt gardien ou vigile.
Aussi, dans le mot « sage-femme », « femme » ne concerne pas celle ou celui qui exerce la profession mais le sujet de la profession : les femmes. « Sage » dérive du mot « sapiens », celui qui a la connaissance, connaissance dans ce cas des femmes. Bizarrement, on lui préfère aujourd’hui le mot « accoucheur », voir même on parle d’homme sage-femme comme on parlait de femme professeur, femme-médecin, femme policier, avant la féminisation des noms de métier.
Tout aussi bizarrement – il s’agit du seul métier où il était nécessaire de préciser qu’un homme peut se cacher derrière. Samüel Taméi se garde bien d’indiquer ces petits détails syntaxiques. Autant dire que pour Samüel Taméi, sous le prétexte que sentinelle ou vigie est féminin, les femmes ne pourraient pas être auteures, aviatrices ou même institutrices. L’ancien ordre lui convient parfaitement.
S’il accuse Zéromacho de s’être un peu trop ému – ce qui n’est pas très viril de leur part – lorsqu’un député a refusé d’utiliser le féminin à « président », il oublie de mentionner que même l’Académie Française a fini par se rendre à l’évidence : c’est l’usage qui prime et fabrique la langue.
Elle précise bien volontiers dans un long argumentaire qu’elle a, elle-même, décidée bien souvent la féminisation des noms de métier dès 1935, comme « artisane » ou « postière » … Dans cette mise au point en date du 10 octobre 2014, elle précise deux choses :
Pour l’Académie Française, l’usage du masculin est considéré comme plus noble pour les fonctions publiques. Il laisse, dans sa grande mansuétude, l'individu choisir la féminisation de sa fonction ou non. Au bout du compte, c’est l’usage qui fera force de loi (ou de règle grammaticale).
La franc-maçonnerie, au passage, n’étant pas une fonction publique ni encore disposant de titre honorifique suivant la définition de l’Académie Française, maintenir l’usage du masculin est donc contraire à Ses Règles.
Dans « Entre le neutre et l’épicène, quelle place pour les femmes dans les obédiences et ateliers mixtes ? » (in Critica Masonica n°7), Liliane Savary constate la mixité en loge n’offre pas « la place identitaire que les sœurs devraient y tenir, et de fait, le rôle qu’elle devraient y jouer. ». Elle souhaite dans cet article « contribuer à mettre un terme à sa masculinisation généralisée qui sous couvert d’universalité renvoie les sœurs au « rien » du neutre, les maintenant ainsi dans la négation de leur propre identité. » Elle ajoute « Le langage est en soi un instrument de pouvoir disait Roland Barthe ».
C’est peu ou prou, ce que signale aussi Zéromacho. C’est aussi dans cet excellent article que l’on comprend surtout la construction linguistique imposée aux sœurs, désaccordant bien volontiers les genres grammaticaux préférant une « Sœur Orateur » pour la soi-disant beauté de la langue !
La faute de français me paraît, quant à moi, évidente. Samïel Taméi, qui lui-même, accuse les féministes d’alourdir la langue en conviendra certainement, tout comme ses lecteurs qu’il souhaite rassurer.
Ainsi, au lieu de nous faire des leçons de grammaire, il serait bon que nous soyons certaines – et je parle volontiers au féminin – que les règles grammaticales soit respectées dans les loges et obédiences mixtes. « Orateur » a un féminin que l’on n’a pas besoin d’inventer, comme la totalité des fonctions en franc-maçonnerie.
Samüel Taméi ose un argument qui, s’il fait sourire, mérite aussi une réponse. « La volonté de changer les mœurs est un leurre. Même les régimes totalitaires n’y sont pas parvenus. […] La grammaire de 1932 susmentionnée notait que l’on tendait à dire « avocate » pour une femme. Le terme n’a pas besoin de l’interventionnisme de quelques associations féministes ou de l’Etat pour s’imposer de lui-même dans l’usage, à mesure que les professions s’ouvraient aux femmes. Quand les hommes ne peuvent plus changer les choses, ils changent les noms, disait Jaurès. On se venge sur cette pauvre langue française de ne pas obtenir de tangibles résultats. »
Ce n’est pas grâce à Samüel Taméi qu’on obtiendra ces résultats. Pour la partie grammaticale, j’ai déjà répondu. Cependant, il ignore grosso modo tout des luttes féministes du 20ème siècle.
La première avocate en France s’appelait Jeanne Chauvin et elle plaida la première fois en 1907, alors qu’elle obtint un doctorat en droit en 1897. Lorsqu’elle se présenta cette même année pour prêter le serment nécessaire à sa vocation, cela lui fut refuser car s’agissant d’une profession bien trop virile. Il a fallu quelques interventions de féministes et d’associations pour permettre aux femmes d’accéder à ce métier (elle prêta son serment en 1900). La féminisation du mot « avocat » est reconnue par l’Académie Française en 1935, suivant sa mise au point déjà citée.
Une partie de son argumentation est de considérer que « faire pression » sur la langue et le langage ne sert à rien à l’instar des régimes totalitaires. C’est quand même se moquer du monde.
Ce qui me semble totalitaire est bien de nous imposer un « masculin pour toutes» alors que le français permet la féminisation. Il est aussi de vouloir empêcher une évolution de la langue, que même l'Académie Française reconnait ! Ecrire cela dans un numéro d’Humanisme dont le dossier est sur le vocabulaire qui s’appauvrit (à notre funeste époque), c'est particulièrement gonflé ! Utiliser le féminin - surtout s'il existe - participe à maintenir la richesse de la langue, au même titre que réfléchir à un mot plus en adéquation avec les besoins et la réalité ressentie de toutes et de tous.
Si – à quelque part – les régimes totalitaires n’ont pas réussi leur tour de passe-passe avec la langue, c’est peut-être parce qu’ils étaient totalitaires.
Si selon Samüel Taméi, la langue et son usage ne font espérer aucune évolution de la pensée et donc des mœurs, à quoi sert la franc-maçonnerie ? En effet, notre symbolique est une série de jeux de mots, censés nous construire et nous éveiller. Le symbole n’est pas que l’objet qu’il désigne, mais aussi le mot qui l’accompagne.
Nos expressions si typiques ne sont-elles pas que des mots mis ensemble pour créer une image et donc une idée ? Anouck Leven dans le premier numéro de Critica Masonica écrivait, non sans humour (il est possible qu’elle n’en fasse pas) ceci :
"L'Homme, les droits de l'Homme, rapprocher tous les hommes par la fraternité... universelle bien sûr !. Ah ce masculin englobant ce féminin ! Qui n'a pas entendu (voire dit) « Homme, veut-dire femme» ? Il faut être un homme pour entendre femme lorsque le mot homme est prononcé. Généralement, une femme parle d'une femme ou des femmes en employant le mot femme, (…)
Homme relève du masculin et se réfère au masculin, un point c'est tout. Il faut une certaine outrecuidance pour prétendre que le masculin et le féminin sont désignés par le masculin, en toute banalité, et que s'en offusquer serait s'attarder sur des détails qui n'ont aucune importance. Outrecuidance et surdité. (...)"
L’usage actuel du féminin dans les médias est un signe que nos mœurs ont évolué. Les conférences et travaux de ces dernières années sont autant de signes positifs quant à cette évolution.
Être une femme n’est pas être le mal. Devrais-je dire "le mâle""? Les femmes ne sont pas une minorité qu’il faut cacher derrière le voile du « masculin». Cela ne va pas rassurer Samüel Taméi et ses lecteurs : elles sont des êtres humains au même titre que les hommes, mais ne sont pas des hommes.
Néanmoins, il a raison sur un point - à le lire - les mentalités changent très lentement.
Critica Masonica à retrouver sur son blog : http://criticamasonica.over-blog.com/
La mise au point de l'Académie Française (citée en partie) : http://www.academie-francaise.fr/actualites/la-feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-ou-titres-mise-au-point-de-lacademie
Zeromacho : https://zeromacho.wordpress.com/
A lire aussi : http://information.tv5monde.com/terriennes/feminisation-des-mots-la-france-en-retard-22877
Conform-Edition librairie, éditeur de livres maçonnique et revues maçonnique
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http://conform-edit.com/revues-maconniques/humanisme2013-07-25-20-13-05_/humanisme-n-disponibles
Pour retrouver ledit numéro d'Humanisme et d'autres.