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La Maçonne

Pourquoi le féminisme ?

Geneviève Fraisse, en 1987, tentait une définition de « l'individu féministe » dans un article que j'ai retrouvé. Elle y déclare : « Le féminisme et l'individu féministe portent ainsi en eux l'utopie de la femme nouvelle ».

Il y a interaction entre l'expérience de vie de la femme, « individu féministe », et ses revendications. Pour être plus explicite, il suffit de regarder les biographies des féministes du 19ème siècle. Maria Deraisme comme Madeleine Pelletier ont vécu, toutes les deux, comme « la femme nouvelle ». Est-ce que leurs choix de vie ont été fait en fonction de leurs revendications ou est-ce que leurs revendications ont trouvées une origine dans leurs mode de vie ?

La lutte contre l'esclavage puis par la suite celles pour les droits civils des noirs américains ont été menés, bien sûr, par des noirs américains, mais aussi par des blancs. La question du modèle de « l'homme libre », de « l'homme nouveau », ne se posait pas. La question du modèle de « la femme nouvelle », de la « femme libre », se pose. Pour les premières féministes, il y en avait pas.

Geneviève Fraisse reprend, dans ce même article, la notion « d'inventeur social », c'est-à-dire de l'individu qui se dégage de la multitude.

« Les féministes sont définitivement marquées par l'avant-garde et par la marginalité, par une prise de conscience radicale et par le rejet, subi et revendiqué, d'une normalité » explique-t-elle.

Il est, en effet, impossible que toutes les femmes soient féministes, alors que l'on peu pré-supposer que tous les esclaves ont rêvé à l'abolition de l'esclavage, devenant de facto abolitionniste avant d'être simplement victimes. Ainsi, lorsque je pose la question « pourquoi le féminisme ? » et même « pourquoi être féministe ? », je viens de démontrer que si le féminisme a une utilité, « être féministe » n'est possible que si l'on sait se réinventer soi-même.

Toutes les femmes occidentales peuvent considérer que le féminisme est une lutte d'arrière-garde, comme d'ailleurs des hommes considèrent que c'est être anti-homme, sans pour autant que les unes et les autres sachent expliquer les différences sociales et économiques de leurs contemporaines par rapport aux hommes et/ou proposer des solutions (qui ne soient pas féministes) pour y remédier. Ces femmes et ces hommes appartiennent à la multitude, se conformant à la norme.

Lorsque la contestation devient une norme, n'est plus supportable, que l'injustice est à ce point plus négociable, que l'avancée juridique et la modification des mentalités deviennent possibles. On peut ainsi relire autrement les contestations féministes des années 70, en tant que norme contestataire sans avoir été avant-gardiste, ne réinventant pas (ou très peu) la « femme nouvelle » se contentant de devenir celles qui fut rêvée par d'autres.

Pourquoi être féministe ? La question au final revient à se demander : comment voulez-vous vivre vous-mêmes ? Qu'elle est la « femme nouvelle » que vous voulez être ? Qu'est-ce qui vous en empêche ? Les questions ne sont pas très compliquées. Elles peuvent aussi se poser pour les hommes. Grâce à ses questions, on a fini par parler de l'école, des études, des métiers, comme de notre rôle social, qu'il a fallu accordé au féminin.

Le féminisme a toujours partie liée avec la franc-maçonnerie. La « femme nouvelle » a un sens symbolique. La démarche maçonnique de « construction de soi » allant vers une « amélioration de l'humanité » s'accommode plutôt bien de la démarche féministe. C'est être à la fois sujet et cause, à la fois individu et penser multitude. Se ré-inventer comme sujet social. Le féminisme est, de fait, foncièrement humaniste : il ne peut exister sans envisager aussi "l'homme nouveau" comme une société nouvelle.

Pourquoi le féminisme ? Très certainement parce que la multitude des individus, trop occupée de rester dans la norme, ne sait répondre et solutionner les inégalités entre les femmes et les hommes que ce soit dans nos sociétés occidentales choyées comme dans d'autres pays.

Pourquoi le féminisme ?

Fraisse Geneviève. Du bon usage de l’individu féministe. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°14, avril-juin 1987. Dossier : Masses et individus. pp. 45-54;

http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1987_num_14_1_1854

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P
Chère Maçonne,<br /> <br /> Merci de t'être donnée la peine de commenter mon commentaire. Le dialogue est préférable au monologue.<br /> <br /> Mais tu me caricatures en écrivant: "Contrairement à toi, je ne crois pas qu'un individu apprécie être maltraité, torture, affamé, de n'avoir aucun droit ... et qu'il ne se projette jamais en tant qu'être libre, libéré en se créant comme tel. Je ne crois pas non plus qu'une femme battue aime d'être battue."<br /> <br /> Je ne le crois pas plus que toi mais les généralisations sont toujours risquées. Certains esclaves ne subissaient pas ce que tu décris. Quand ils comparaient leur condition à celles d'autres esclaves qui, eux, étaient sauvagement maltraités, ils en ressentait une reconnaissance vis à vis de leur maîtres. Ils pouvaient aussi accepter la sécurité de recevoir le "minimum vital" que leur état d'esclave leur garantissait alors que des hommes "libres" autour d'eux travaillaient tout autant et crevaient de faim. Ce n'est pas pour rien qu'après être libérés de nombreux esclaves restaient au service de leurs maîtres. <br /> <br /> Ai-je besoin d'ajouter que ce n'est pas une plaidoirie pour l'esclavage, juste un constat ? <br /> <br /> Quant aux femmes libérées elles sont différentes mais pas nécessairement « nouvelles ». Se libérer permet de s’épanouir, donc devenir réellement soi-même dans la plénitude de son être. Cela me semble être l'objectif des féministes. L'initiation, elle, a le même but mais doit nous mener au-delà de nos limites individuelles.
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P
Vous dites: "l'on peut pré-supposer que tous les esclaves ont rêvé à l'abolition de l'esclavage, devenant de facto abolitionniste avant d'être simplement victimes. (Mais) je viens de démontrer que si le féminisme a une utilité, « être féministe » n'est possible que si l'on sait se réinventer soi-même."<br /> <br /> Je ne crois pas que tous les esclaves rêvaient de la liberté, pas plus que toutes les femmes. Dans certaines conditions être esclave peut être ressenti comme une protection contre l'incertitude. <br /> <br /> Je ne vois pas pourquoi il faudrait être une "femme nouvelle" pour être féministe. Une femme se voulant libre telle qu'elle est devrait suffire.<br /> <br /> <br /> Enfin, je suis surpris de lire :« Le féminisme a toujours partie liée avec la franc-maçonnerie. » Sur de nombreux sites féministes que je visite je n'ai jamais vu aucune référence à la franc-maçonnerie. Il y en a sans doute mais "toujours" est abusif. La phrase suivante: "La démarche maçonnique de « construction de soi » allant vers une « amélioration de l'humanité » s'accommode plutôt bien de la démarche féministe. » insinue que la situation serait plutôt inverse. Dans un certain sens la franc-maçonnerie aurait un lien avec le féminisme...
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L
Peter, <br /> - J'ai bien écrit : "Il est, en effet, impossible que toutes les femmes soient féministes, alors que l'on peu pré-supposer que tous les esclaves ont rêvé à l'abolition de l'esclavage, devenant de facto abolitionniste avant d'être simplement victimes. " <br /> <br /> Contrairement à toi, je ne crois pas qu'un individu apprécie être maltraité, torture, affamé, de n'avoir aucun droit ... et qu'il ne se projette jamais en tant qu'être libre, libéré en se créant comme tel. Je ne crois pas non plus qu'une femme battue aime d'être battue. <br /> J'ai d'ailleurs bien précisé en citant Fraisse que : "Les féministes sont définitivement marquées par l'avant-garde et par la marginalité, ..." <br /> Ce qui ne signifie pas que toutes les femmes ont rêvé d'avoir le droit de vote au 19ème siècle et qu'aujourd'hui toutes les femmes rêvent d'avoir des salaires égaux aux hommes pour le même travail, d'un meilleur partage des tâches ménagères, ou encore de voir disparaître le plafond de verre ... non, effectivement, il y en a qui n'y pense même pas. <br /> <br /> - La question du féminisme dans mon texte n'est pas les revendications, mais bien l'idée de projection de soi, de se "ré-inventer", de se "re-créer" ... Ce qui a bien une dimension initiatique, non? Du 1er au 3ème, il s'agit toujours de "renaître", de passer différentes épreuves et faire différents voyages, jusqu'à voir sa mort mis en scène ... pour en faire quoi? pas pour se dire que "l'on est bien comme on est et qu'il suffit de se vouloir libre". Donc oui, être féministe, c'est bien comme le dit Fraisse "porter en soi l'utopie de la femme nouvelle". <br /> <br /> - La démarche féministe n'est pas uniquement une réflexion sur les femmes (et leur liberté) mais sur l'humanité (homme/femme) et sur la société, ainsi une démarche maçonnique (si elle comprend bien une "amélioration de soi", c'est-à-dire la construction d'un être nouveau", s'accommode très bien de la démarche féministe ... et non pas l'inverse. A moins que ce soit la démarche féministe qui soit moteur de la démarche maçonnique.