21 Novembre 2016
Le Conseil d'Etat a autorisé les crèches lors des festivités de fin d'année s'essayant à raccommoder par les deux bouts une vision archaïque de la place de la religion dans la vie publique et la laïcité. C'est un peu vain puisqu'a priori une crèche – même si élément décoratif – est rarement trouvée dans la communauté juive ou musulmane de France ou chez moi. Elle est donc une spécificité d'une unique religion … surtout si elle est inaugurée par toute la chrétienté locale et réclamée par celle-ci comme étant de « leur tradition » ou leur prétendue identité.
A ce titre, on trouve d'ailleurs un peu pour tous les goûts. Une inauguration par Eric Ciotti de la crèche « départementale » qui propose une visite guidée de 450 crèches dans différents villages – Celle de Béziers par Ménard et des ecclésiastes dans toute la splendeur de leur mission. Celle de la commune « le Vaudoué » qui n'hésite pas à inviter dans la population à boire du vin chaud …. et, qui ce 13 novembre, a affiché la messe de St-Hubert avec bénédiction des chiens de chasse ! Celle de Fréjus dont le maire n'hésite pas à déclarer : « Comme vous le savez, je me suis engagé dès le début de mes fonctions à garantir cette magnifique tradition chrétienne, une tradition profondément ancrée en Provence et plus particulièrement à Fréjus. » Celle de Civitas au Parlement Européen que j'ai relaté à l'époque. Celle de la commune de Woippy (en Moselle) pour boucler une liste déjà longue. Ainsi, s'il s'agissait d'un simple élément décoratif, déposé là – parmi d'autres – dans un ensemble qui se souhaite cohérent (comment le Conseil d'Etat va statuer sur la cohérence d'une décoration?) – pourquoi autant de simagrées, de discours de maires de commune laïque qui n'en font pas autant lors des festivités, fort nombreuses, juives ou musulmanes ?
La loi de la laïcité est pourtant assez simple. Elle permet à tous d'avoir la religion de son choix, de la pratiquer ou non, et d'installer une crèche dans son foyer afin de transmettre à ses descendants cette « tradition » festive.
On peut aussi accepter la dimension mercantile de la crèche de Noël dans les magasins – qui d'ailleurs se contentent, la plupart du temps, de minimiser l'objet à sa plus simple conception et qui les pose – là, sans faire de discours inauguraux. On se demande ce que peut avoir à vendre une mairie, une école publique et la place publique si on n'est pas dans le pays des santons.
Le Conseil d'Etat a, dans ses décisions, volontairement occulté cette réalité derrière ces crèches publiques. Ce n'est pas tant qu'elles soient exposées dans des halls d'entrée – et de savoir si la décoration est cohérente ! - mais ce qui est dit et fait autour par des maires élus d'un état laïque qui font qu'elles dépassent le stade de la simple décoration de fin d'année pour devenir à un outil de prosélytisme religieux et identitaire exclusif. Ces crèches inaugurées contreviennent à la loi de la laïcité, à la neutralité des mairies, d'autant plus qu'à part quelques rares exceptions leur existence dans le paysage urbain est récente. Elles ornaient – quitte à rappeler les traditions – les églises …
Mais ça c'était avant que le Conseil d'Etat ne devienne un expert en décoration de fêtes de fin d'année !
Pour les obédiences maçonniques, c'est la grande confusion. Hormis le GODF qui a publié un communiqué protestant contre les décisions du Conseil d'Etat et remettant en cause sa capacité de "décorateur" de fêtes de fin d'année, les obédiences sont - par trop - silencieuses. La Fédération Française du Droit Humain a, de son côté, publié un communiqué concernant l'abrogation du délit de blasphème et remettant en cause le concordat Alsace-Moselle, dans le cadre de sa démarche ouvertement laïque. En dehors de ces deux manifestations défendant l'une et l'autre les principes de la laïcité, les obédiences françaises semblent se désintéresser des sujets habituellement couverts par elles.
En 2007, les obédiences ensemble s'insurgeaient contre le discours de Latran. Un peu moins de 10 ans plus tard, ces mêmes obédiences semblent oublier leurs engagements alors que la laïcité n'a jamais été autant menacée.
On ne peut pas échapper au double discours des politiques - surtout classés "à droite" mais il y en a aussi "à gauche" - qui défendent le principe de la laïcité que lorsqu'il s'agit de l'islam. Les crèches de Noël appartiendraient, selon eux, à une "tradition de foi chrétienne" (catholique, mais on sait que les catholiques considèrent que les chrétiens sont tous aux pieds du pape), à une "identité nationale", quant ils ne militent pas ouvertement pour une re-christianisation de la France.
Est-ce que les obédiences sont tombées dans le piège fatal d'une laïcité à deux vitesses ? C'est à croire. Peut-être faut-il aujourd'hui (re) commencer le débat mais au sein des obédiences elles-mêmes qui semblent s'être perdues en chemin. Pourtant, il y a une règle simple sur laquelle tout le monde peut s'accorder et qui ne devrait pas conduire le pays et les obédiences dans le flou dans lesquelles elles se trouvent aujourd'hui : ce que l'on interdit aux uns "au nom de la laïcité" doit être interdit aux autres. Ainsi, ces crèches de Noël sont pour les catholiques ce que sont les voiles pour les musulmans : du folklore, du décors, ... mais surtout des "signes ostentatoires religieux". De la "nativité" à la mort du même personnage, il n'y a - finalement - que les crèches et les crucifix.
Le 14 octobre 2016, dans le cadre du projet de loi " Égalité et Citoyenneté ", les sénateurs ont adopté à la majorité l'article qui abroge le délit de blasphème en Alsace-Moselle. Le Conse...
http://www.droithumain-france.org/abrogation-delit-de-blaspheme/