14 Novembre 2016
(illustration : USA, repas de Noël - 1935)
Le monde entier a découvert – étonné – le choix majoritaire des américains d'élire Donald Trump à la présidence. Des manifestations anti-Trump ont réuni de nombreux américains dans les rues de plusieurs villes. Ce qui semble bien tardif.
En sus d'être une défaite pour sa seule rivale Hillary Clinton, c'est aussi celle des journalistes, qui n'ont pas vu le « coup venir », estimant hâtivement que Trump-président était aussi impossible qu'un « non » au référendum pour la constitution européenne. Pour mettre cette note d'éxagération que je sais donner à certains de mes propos - je dirais même aussi impossible que le victoire du Front National au 2nd des présidentiels … Les journalistes oublient qu'ils ne représentent pas les électeurs – leur job étant l'analyse en sus de donner l'information brute. En clair, ils spéculent mal qu'ils soient américains – et c'est regrettable – ou européens.
La réalité sociale américaine est ignorée de bons nombres d'analystes. 50 millions d'américains vivent en dessous du seuil de pauvreté – soit 16% de la population. Discrètement, cette année encore, le FMI a demandé aux USA de lutter contre la pauvreté « de manière urgente ». Les inégalités se creusant, la répartition des richesses est devenue un enjeu. Un américain sur quatre cumule plusieurs emplois. 8 à 12% des étudiants des universités publiques sont SDF ou en situation d'importante précarité. Un peu plus de 40% des américains se sont endettés pour accéder à des soins et 1 enfant sur 4 se nourrit avec l'aide alimentaire de l'état. Les prestations sociales sont dérisoires.
Avec 30 000 personnes tuées par armes à feu aux USA (et on ne compte pas ceux tués par d'autres moyens !), l'augmentation de la criminalité complète un tableau déjà bien noir.
(illustration : famille d'agriculteurs - Grande Dépression)
Ces chiffres sont, certes, assez loin de ceux de la Grande Dépression avec ses 25% de chômeurs en 1930 et un taux de pauvreté en explosion. Comme eux, ils sont pas effacés des mémoires et des analyses sur la situation politique actuelle.
Si les photographies illustrant cet article vous choquent - sachez qu'il s'agit de familles américaines lors de la "Grande Dépression", vivant dans le plus grand dénuement. On n'y voit ni starlettes, ni armes, mais une extrême pauvreté.
Il ne faut pas sortir de grandes écoles pour rapprocher cette situation sociale à celles qui ont vu émerger des politiques extrémistes et conservatrices, lorsqu'elles n'étaient pas meurtrières.
C'est bien tout cela que rappelle Donald Trump. C'est pourtant une autre Amérique qui s'exprime derrière ses élections : une Amérique précaire, mobile, peu diplômée, endettée, sans emploi ou les cumulant. Une Amérique qui mérite qu'on la regarde pour ce qu'elle est : désemparée.
Duvoux Nicolas, « Les politiques de lutte contre la pauvreté aux États-Unis », Informations sociales 3/2013 (n° 177) , p. 26-34
URL : www.cairn.info/revue-informations-sociales-2013-3-page-26.htm.
Ponthieux Sophie, « Les travailleurs pauvres : identification d'une catégorie », Travail, genre et sociétés 1/2004 (N° 11) , p. 93-107
URL : www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2004-1-page-93.htm.
DOI : 10.3917/tgs.011.0093.
Libération : N. Devaux, interview
Challenges : "quand le FMI demande aux états unis de lutter contre la pauvreté
Le Monde : "SDF & affamés : une étude pointe la précarité de 50 000 étudiants