30 Juin 2017
Je dois, tout d'abord, cet article aux témoignages d'une amie et de sœurs du GODF. Suite à mon article donnant des conseils aux femmes dans leur choix d'une obédience mixte, j'ai été à nouveau interpellée par mon « oubli » que j'aurais fait : le GODF. Oublier le GODF serait un tour de force que, même moi, je ne saurais faire. Un article précédent traitait (plus ou moins) du même sujet. Ici, il s'agit d'étayer ....
Certaines soeurs du GODF expliquent que lorsqu'elles visitent des loges du GODF, elles sont tuilées … mais pas les frères (au même grade) de leur loge qui les accompagnent. D'autres encore prennent soin de téléphoner au vénérable de la loge afin de vérifier si elles ne seront pas refoulées à la porte du temple. Ce qui arrive, malheureusement, encore trop souvent. D'autres ont fait l'expérience de discussions surréalistes, embarquant dans une machine à remonter dans le temps, sur la place des femmes au GODF …située quelque part entre la potiche et la plante verte.
Celles qui ont intégrées le GODF, après un plus ou moins long parcours dans une autre obédience mixte (voir féminine), sont (trop souvent) invitées à y retourner … parce qu'au GODF on a tout compris sur la mixité, sur les femmes, tout ça, tout ça.
Quant à celles qui sont initiées au GODF, elles ne le sont pas « complètement ». Il faut vérifier si elles ont tout compris, surtout si elles sont jeunes, jolies, actives et indépendantes. Au GODF, on est des hommes, vieux, moches, passifs …. et pas féministes du tout. Elles le confirment.
Quant aux conseillers de l'ordre qui peuvent, d'ailleurs, être le grand maître de l'année, s'ils sont interpellés par une de ces sœurs en quête d'une réponse à ses nombreuses questions sur la (réelle) mixité au sein du GODF et sur une éventuelle réflexion commune, ils détournent la tête et vont voir ailleurs.
Pour les fondateurs des loges mixtes, voici un exemple "régional". Un frère, alors que le débat battait son plein, a déclaré s'opposer à l'initiation des femmes au GODF parce qu'elles « ont la maternité comme initiation». Ceci en tenue devant moult visiteuses. Cela ne les a pas fait rire. Ce frère est devenu, quelques années plus tard, fondateur d'une loge mixte du GODF. Je ne dis pas que tous sont aussi stupidement sexistes. Or là – cela pose un problème quant aux motivations de ce frère et – par ailleurs – permet aussi de soupçonner que bons nombres de ces « fondateurs » sont contre la mixité mais y voient un moyen soit de contrôler les sœurs du GODF et d'ajouter une ligne à leur CV maçonnique. En effet, qu'est-ce que ce frère peut apporter dans une loge mixte, initiant des femmes - qui - qu'on se le dise - n'ont pas qu'un utérus?
En bref, à la lueur de ces témoignages, si j'avais une ennemie profane, c'est au GODF que je l'orienterais. Comme je n'en ai pas (des ennemies profanes), mon blog s'appellant « la Maçonne », voir même que c'est moi « la Maçonne », il y a des conseils que je ne donne pas et ne donnerais pas. Ceci me permet d'ajouter que la féminisation des noms est un sujet scandaleux au sein du GODF comme, d'ailleurs, tout ce qui touche à la féminité.
Le GODF a son service de communication, un grand maître qui fait le tour des médias ... qu'ils s'en débrouillent. S'ils ne parlent pas - voir jamais - de la mixité, de l'initiation des femmes au GODF, ce n'est pas moi qui en parlerait pour eux.
2387 sœurs contre 53 000 frères, ce n'est pas parler techniquement de mixité. A ce titre, le GODF est plutôt mal placé pour faire la leçon à qui que ce soit. Ce n'est pas tant une affaire d'effectif, mais bien une question de définition.
La mixité ne peut être conçue que s'il y a égalité de fait entre les frères et les sœurs … et pas uniquement dans leur loge respective – dans toute l'obédience et à tout niveau. En effet, lorsque l'on intègre une loge, c'est aussi une obédience qui est choisie. Les soeurs du GODF sont condamnées (ou presque) à rester enfermer dans leur loge alors que le GODF a toujours été considéré comme d'un naturel particulièrement ouvert et accueillant à bien des endroits. En fait, lorsque l'on est une femme et soeur, pour visiter des loges du GODF sans encombre, il ne faut pas être membre du GODF. Cela s'appelle un comique de situation.
Si vous trouvez les réactions de ces frères particulièrement violentes à l'égard des soeurs de leur propre obédience, il faut néanmoins les contextualiser en revenant sur l'histoire (très courte) de la mixité au GODF.
L'initiation des femmes au GODF n'a pas été décidée par les loges. En 2009, le GODF avait voté contre l'entrée des femmes à hauteur de 56%. Il ne s'agissait pas de faire accepter l'entrée des femmes dans toutes les loges du GODF mais uniquement dans celles qui le souhaitaient. Lors du convent de 2007, l'entrée des femmes a été refusée par le convent à hauteur de 57%.
Or, si le vote de 2009, le GODF refusait l'initiation des femmes, le vote permettant de rendre l'ordre (officiellement) masculin n'a pas été possible – faute d'un quorum suffisant – comprendre par là que les joyeux délégués du GODF étaient absents majoritairement.
Ces votes ont été tous annulés pour vice de forme. La Chambre Suprême de Justice Maçonnique a émis un arrêt, en avril 2010, considérant que rien n'interdisait dans les textes du GODF l'entrée des femmes. Frédéric Desmons, Léon Richez et Georges Martin* se sont retournés dans leur tombe. Cela fait, en effet, un siècle que tout le monde le savait … sauf le GODF !
Si le débat a été houleux, le fait que les médias traditionnels se passionnent pour le refus constant des convents du GODF à l'entrée des femmes n'a certainement pas été apprécié par les dignitaires de cette obédience qui ne cessent de s'afficher « libéraux» et « ouverts». On participait plutôt à une guerre de fermeture.
Les votes « annulés » pour une raison ou une autre ne permettent pas de savoir quelle était la tendance réelle des loges du GODF – et donc de la majorité des frères – vis-à-vis de l'entrée des femmes. Etaient-elles pour ou contre? Si elles votaient aujourd'hui, qu'en serait-il?
On peut juste conclure que les loges furent dans l'impossibilité de s'exprimer … et que leurs votes ont été, tous, déboutés. On peut même soupçonner que l'impossibilité de voter « la masculinité » - ajout nécessaire – faute d'un quorum suffisant - a été organisée sciemment par les conseillers de l'ordre et le grand maître de l'époque.
Cette situation particulière explique certainement l'ostracisme que vivent certaines sœurs. Au lieu de relancer le débat, nos pauvres frères font le nécessaire pour éloigner toutes prétendantes qu'elles soient initiées au GODF comme eux ou des transfuges d'autres obédiences. Typiquement masculin.
La politique (avec un petit « p ») ne s'arrêtait pas à ce débat sur la mixité ou la non-mixité où aucune femme n'a eu son mot à dire. En effet, « on » prévoyait la fin des obédiences mixtes. "On" les disait menacée. « On » prévoyait même que les frères du GODF, refusant la mixité, allaient s'évader et demander leur réintégration dans d'autres obédiences masculines. « On » imaginait, même – toutes les sœurs de la GLFF l'ont entendu au moins une fois ces dernières années – que les obédiences féminines allaient à leur tour accepter la mixité (et pourquoi pas les autres obédiences masculines?) et se coucher devant le GODF. « On » rêvait à un raz-de-marrée.
Fin 2012, il y avait (déjà) 1400 sœurs au GODF. Fin 2015, il n'y en a que 2387. A peine 246 femmes intègrent le GODF par an en moyenne (sur ces 4 dernières années). Le GODF affirme qu'il existe presque 400 loges mixtes. Ces loges mixtes n'initieraient ou ne recevraient même pas une femme ou soeur par an?
La GLFF, obédience spécifiquement féminine, affiche un solde quasi nul bien qu'elle initie environ 1000 femmes par an (pour 450 loges), le nombre de départ creusant l'écart. Les effectifs de la Fédération Française du Droit Humain ont continué à évoluer sans avoir besoin d'en faire une publicité (aussi) tapageuse que le GODF.
Nous sommes, en effet, bien loin de la ruée promise. Les obédiences historiquement mixtes ne sont aucunement menacées. En effet, elles continuent à apporter aux femmes la meilleure solution pour une démarche maçonnique en mixité.
Les Grands Maîtres du GODF aiment faire des moulinets avec leur bras, user et abuser de trémolos lorsqu'il s'agit des sœurs au GODF. Parfois au détour d'une conférence, on en trouve une. Or, dans les faits, la physionomie du GODF n'a absolument pas évolué malgré la présence de femmes dans les loges. En effet, si la mixité impliquerait, de fait, une égalité entre les hommes et les femmes, elle doit aussi conduire à une réflexion et à des préoccupations plus larges y compris spécifiquement féminines.
Le GODF brille toujours par son absence dans les grands mouvements de ces dernières années pour l'amélioration de la condition féminine dans le monde. Alors que de nombreuses obédiences mixtes et féminines apportaient leur soutien aux Espagnoles, qui risquaient de voir supprimer leur droit à l'IVG, le GODF est resté muet. Il l'est resté, tout autant, pour les Polonaises, les grandes marches féministes secouant les USA et arrivant jusqu'en Europe ... (OK, les bonnets roses, c'est par leur truc).
Ses interventions publiques (communiqués) concernent uniquement la laïcité et les religions. Le rapport annuel 2014-2015 du GODF, document de 28 pages, que l'on trouve sur son site, destiné aux loges afin de leur donner une « ligne » (de pensée?), n'exprime aucune idée spécifique concernant les droits des femmes et même celui des enfants. Les conférences qui y sont indiquées concernent la République, l'écologie, la pauvreté, l'extrême-droite, l'Europe, la laïcité (encore et encore) … comme si les femmes n'appartenaient à aucun de ces débats. Même au 19ème siècle, le GODF faisait mieux.
L'expérience « mixité » est reléguée à des sombres confins. L'éducation nationale s'interroge plus, à ce sujet, que le GODF. Ce n'est déjà pas très brillant, c'est tout dire !
A l'instar des députés qui votaient contre le congé maternité « au nom de l'universalité » au tournant du 20ème siècle, le GODF n'accepte pas la féminité, part obscure de l'humanité – et comme le disait si bien Freud « continent noir » - se cachant derrière un « universalisme » intégriste. Il participe à l'intérieur de ses loges à l'effacement d'un genre, l'affublant de tous les stéréotypes s'il paraît bien trop féminin.
Si les grandes questions sur la prostitution, la PMA pour toutes et les conditions de carrière et salariale des femmes en France, paraissent anecdotiques pour le GODF, cela ne l'est pas pour les femmes et, par conséquent, des femmes désireuses d'entrer en franc-maçonnerie pour pouvoir aussi y réfléchir.
Pour ce qui concerne la démarche maçonnique, les soeurs sont « adoptées ». Une sorte de « mise à l'essai » si vous préférez. D'où les demandes pour ne pas dire brimades diverses dont elles sont les victimes. Elles sont juste tolérées – sous la contrainte d'ailleurs – L'entrée des femmes ne permettant pas au GODF de récupérer des obédiences « mixtes » complètes ou en partie - et par là des capitations comme l'hégémonie espérée sur le territoire français – il s'en désintéresse faisant "avec".
Une nouvelle fois, le GODF est passé à côté de l'histoire, ce n'est pas accepter l'entrée des femmes qui est le plus difficile mais leur permettre une démarche maçonnique égale à celui des frères en intégrant dans cette démarche des questions de société et maçonnique qui les concerne. C'est considérer que l'universalité, c'est savoir parler des hommes comme des femmes - avec ce qu'ils ont de particulier et d'original - Ce n'est pas faire des femmes des "non-hommes" ... c'est concevoir que ce "elle" est aussi l'humanité. Voilà en quoi, le GODF échoue - Pur produit d'une société de consommation, il zappe l'essentiel comme les fondamentaux.
Ce n'est pas, par hasard, que le Droit Humain a été fondé, il y a plus d'un siècle, par des féministes hommes comme femmes et que, dans l'ensemble, les obédiences mixtes savent intégrer ces questions sur les femmes facilement sans débattre de leur intérêt ou utilité préalablement comme elles savent aussi s'intéresser au masculin, à l'enfance, à la laïcité, à la religion, à l'écologie ... avec les femmes "en plus" et non pas "en moins".
Au train où cela va, le GODF attirera de moins en moins de femmes au fil des années. Les premières ayant essuyé les plâtres ne réussissent pas à bouger les lignes, craignant d'ailleurs se faire – par trop – remarquées. Il existera, bien sûr, des loges « mixtes » au GODF qui réussiront à réunir une forme de parité et intégreront en leur sein une réflexion comme une pratique sur l'égalité, mais elles deviendront accessoires … comme d'ailleurs elles le sont déjà. Avec ces quelques soeurs, elles seront "à part", comme isolées du reste de l'obédience qui ne s'en intéressera plus.
Le GODF pourra faire comme les Anglaises au début du 20ème siècle. Il attendra avec toute sa patience qu'il n'y ait plus de femmes pour redevenir mono-genre ... Si cela me fait rire lorsqu'il s'agit de ces soeurs qui ont fondé ainsi la première obédience féminine en tant que telle au monde, c'est bien moins drôle - je trouve - pour ce qui concerne le GODF.
En attendant, elles continueront, cependant, à apporter leur tribu aux messages publicitaires des grands maîtres. Ils pourront se faire mousser dans les médias profanes. Après tout, il suffit qu'il existe que quelques femmes pour que le GODF puissent prétendre avoir découvert l’élixir de jouvence qu'est la mixité …
Faut-il pour autant souhaiter que des femmes en soient à se battre pour obtenir, simplement, ce qui est acquis dans d'autres obédiences comme dans leur vie personnelle et professionnelle ? Non. Mais à chacune de faire ses propre choix … et je sais très bien celui que les femmes ne feront pas : répéter une histoire qu'elles connaissent trop bien comme une chanson trop triste.
* L'argument que rien ne s'oppose à l'entrée des femmes dans les textes du GODF a été un des arguments des tenants à l'initiation des femmes fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Il a fallu attendre plus d'un siècle pour qu'une instance du GODF le reconnaisse. Entre temps, les femmes se sont organisées sans cette obédience.