4 Octobre 2017

Devant les nombreux éclats et manœuvres politiciennes des obédiences maçonniques, vous êtes parfaitement en droit de vous demander « et la franc-maçonnerie dans tout cela ? ». Lorsque l'on analyse les causes de ces débordements, cette franc-maçonnerie, à laquelle vous et moi tenons, n'a jamais cessé de créer des divisions pour des motifs « spirituels » … ou encore, nouveau mot à la mode, « rituellique » à tel point que certains font le vœu d'un rituel unique.
Ce n'est pas pour moi tant une question de rituel qu'une question de personnes et de personnalité. Aucun rituel ne peut se prétendre une « vérité révélée » … En effet, un rituel doit être étudié. Chacun est laissé libre de son approche. Du moins en théorie. J'ai beaucoup aimé le rite français parce qu'il ne disait rien. Il était donc facile d'y travailler et d'y laisser libre court à sa propre émotion et créativité. J'ai été plus critique vis-à-vis du REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté) qui en disait trop, voir laissait peu d'espace d'expression à la sœur ou au frère.
Or, dans les deux cas, celui ou celle qui se contente d'une lecture littérale d'un rituel est fichu pour l'initiation. Celui ou celle qui se contente de ce que tout le monde dit n'est guère mieux aidé.
A l'inverse, le rite français est le rituel idéal pour les fainéants de la franc-maçonnerie … Ils ne sont pas invités à le remplir de leur propre approche. Le Rite Ecossais Ancien et Accepté, c'est la même chose – étant déjà bien « rempli », cela suffit largement. A côté de cela, il y a les étiquettes que le 20ème siècle a donné à certains rituels … et curieusement, des étiquettes à l'opposé de celles du 19ème siècle.
Au 19ème siècle et durant la première moitié du 20ème siècle, le Rite Français était un rite destiné aux petits bourgeois de la classe moyenne « encartés ». Le REAA a pris des lettres de noblesse de la rébellion, de la remise en cause sociale, et même du féminisme. Ainsi, je peux retourner la relation franc-maçonnerie/rituel dans tous les sens, rien n'en sortira de plus.
Ce n'est pas le rituel qui forge le franc-maçon et la maçonne. C'est le franc-maçon et la maçonne qui forgent le rituel. Qui en portent la responsabilité.
Pour arriver à cette intéressante équation, il faut du courage, du travail, de la volonté, … et, en fait, sortir du rituel, le quitter pour être, enfin, en franc-maçonnerie qui – elle – ne peut se passer de rituels, tant et si bien qu'elle en a besoin de plusieurs.
Je rêve d'une franc-maçonnerie qui veut tout. Une franc-maçonnerie qui ne soit pas consommable, assimilable à une marchandise ayant besoin d'une étiquette pour exister. Je ne veux pas d'une franc-maçonnerie qui se dit « plus sociétale », « plus spirituelle », « plus régulière » ou « plus adogmatique » et je ne sais quoi encore.
Je ne veux pas d'une franc-maçonnerie lessivielle qui lave plus blanc que blanc. Je veux une franc-maçonnerie du tout possible au lieu d'une franc-maçonnerie où tout est impossible. Je veux une franc-maçonnerie vivante qui soit dans les rues, plutôt que dans un musée, cimetière du passé, où seuls les morts ont droit de cité.
Je ne veux pas d'une franc-maçonnerie qui se cache derrière des discours creux et vides sur ses valeurs – qui de toute manière ne sont pas respectés – des bibles poussiéreuses, un GADLU ou devenir une « boîte à outils » pour des politiques … qui se transforme, dans les faits, en carte de visite, minable petit carton, pour ces derniers. Je veux une franc-maçonnerie qui parle. Pense. Respecte. Une franc-maçonnerie heureuse. Je veux mettre dans le même temple : tout. Tout, c'est tout. Ce n'est pas rien. C'est assez simple et, après tout, c'est bien la promesse des obédiences. Une promesse qui n'est pas tenue. Tout comme leurs déclarations de principes … qui, pour le coup, portent bien leur nom « d'idéal » c'est-à-dire qui n'existe pas. Pas encore. C'est encore à faire.
Cette franc-maçonnerie n'est pas impossible, un doux rêve que je ferais, mais une réalité qui émerge au fil des mots. Le dire est déjà la faire exister quelque part. D'autres l'ont fait avant moi. C'est déjà prendre conscience que quelque chose ne va pas, est insuffisant, que l'on a été trompé et que l'on tient aux promesses qui nous ont été faites lors de notre initiation.
A moi, il me fut promis de ne jamais me demander de m'agenouiller. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde ! Or, je n'ai fait qu'expérimenter que – sans cesse – il me le fut demandé. J'ai fait le serment de ne jamais me plier à aucun exercice de génuflexion sur l'autel de ma loge-mère. Je m'y tiens bien debout. J'y excelle même.
Je veux une franc-maçonnerie qui ne portera pas que le titre, mais qui sera. Humaniste et initiatique. Ni plus. Ni moins. Une franc-maçonnerie courageuse. Ce qui, de nos jours, est déjà trop demander. En un mot, je veux une franc-maçonnerie qui veut tout.
