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La Maçonne

Quand la GLFF veut parler de ses dessous.

Le titre d'une conférence de Marie-Claude Kervalla, grande maîtresse de la GLFF,  a fait la risée des réseaux sociaux : les dessous de la franc-maçonnerie féminine. 

Je me suis demandée en quoi consistait ces dessous, si particulier, aux sœurs de la GLFF qui nécessiteraient une conférence spéciale. 

En effet, autant que je le sache, la Grande Loge Féminine de France est une obédience qui pratique les mêmes rites que les obédiences masculines et mixtes, a un mode de fonctionnement similaire à bien d'autres obédiences et ne propose que pour seule originalité un travail en loge « entre femmes ». Ce qui n'a rien d'un dessous. 
Il n'existe pas, d'un point de vue spirituel ou maçonnique, des dessous qui serait spécifiquement féminin en franc-maçonnerie. 

Une pensée tournée vers l'essentialisme ? 

A force de vouloir se différencier d'obédiences maçonniques mixtes, les obédiences mono-genres frisent dangereusement vers une conception des sexes essentialistes.  

Les hommes et les femmes seraient si différents qu'ils ne peuvent pas s'entendre et se comprendre dans une démarche spirituelle partagée en commun. 
Pour nos frères, on sait combien leur libido leur interdit d'avoir une conversation intelligente et spirituelle en présence de sœurs. A les entendre, leur seule présence ruinerait même toute la qualité de leur initiation. Entre vous et moi, c'est le cas sans cela. 

Jusqu'à présent, la GLFF n'avait pas besoin d'évoquer d'éventuels problèmes hormonaux pour justifier un « entre femmes ». Les soeurs  ne se disaient pas incapables d'avoir une démarche spirituelle identique à celle de frères ou à celle vécue en mixité. Elles  n'expliquaient pas que la véritable-initiation-de-tradition n'existe qu'entre femmes ou entre hommes, mais pas en mixité. Elles expliquaient rationnellement leur choix sur un besoin d'émancipation. 

Or, les théories essentialistes, que le Pape lui-même ne nierait pas, influencent de plus en plus une façon de se penser et de s'identifier aux autres. Il faudrait croire que ce serait notre biologie, le fait d'être femme ou homme, qui dicterait notre manière de concevoir le monde, de penser, de vivre, et d'être au monde. 
Les thèses essentialistes ont maintenu les femmes enfermées dans leur foyer durant plusieurs siècles. Elles ont justifiées, pour les hommes, leurs positions dominantes sous prétexte que les femmes « par nature », du fait de leur différence, seraient soumise à des contraintes biologiques les handicapants. 

A ce premier essentialisme, peut s'ajouter d'autres thèses toutes aussi dangereuses : ce serait notre couleur de peau, de yeux ou de cheveux, ou encore nos orientations sexuelles, qui dicteraient nos compétences ou notre manière d'être au monde. source

Pour ces raisons, on ne peut pas accepter une causalité directe entre biologie et social, biologie et franc-maçonnerie. 
On ne peut pas admettre qu'une obédience mono-genre utilise des arguments essentialistes pour justifier un choix initiatique entre personne du même sexe.  
Du point de vue des obédiences masculines, ce fut longtemps la nature des femmes qui leur interdisaient l'initiation. Cette opinion est encore vivace pour une majorité de frères d'obédiences qui se veulent traditionnelles ou régulières. 

 


Un débat féministe vieux de 50 ans.  

Pour une obédience féminine, prétendre que sa pratique maçonnique possède des « dessous » différent des autres démarches ne fait que la part belle à cet essentialisme. 
Pourtant le débat est, d'un point de vue des féministes, déjà un vieux débat. 

Des féministes américaines de la 2ème vague, c'est-à-dire des années 1970, dites « différentialistes », expliquaient ainsi que les femmes étaient véritablement différentes des hommes. Elles posséderaient des qualités exclusives (celles de la mère-nourricières) s'opposant aux qualités guerrières des hommes. Ainsi, elles estimaient qu'il existait une identité de genre. L'idée centrale de ce courant féministe était de reconnaître et revaloriser la féminité, reprochant aux "égalitaires" (en France, on parle d'un féminisme universalisme) de masculiniser les femmes. 


Or, entre une masculinisation des femmes dans un courant égalitaire et de remettre au goût du jour une notion de différences par leur nature, difficile de mettre à plat un débat vieux comme le monde (ou presque).

Dans le courant des années 80, fut intégré dans ce féministe différentialiste, les différences ethniques et sexuelles «entre femmes ». Ainsi, l'idée est que les modalités d'émancipation des femmes blanches judéo-chrétiennes ne pouvaient pas convenir aux femmes d'ethnies, de religions différentes. Autant vous dire que je ne peux pas cautionner – non plus – ce type d'analyse. 

Pour faire simple, les deux courants égalitaires ou essentialistes ont montrés, depuis 50 ans, leurs limites. 

Penser les femmes comme « différentes », relever leurs différences religieuses, ethniques ou même d'orientation sexuelles, est spécifique d'une problématique plus profonde : l'identité et avec elle, la crise d'identité. 

En effet, lister ses différences réelles ou supposées – car est-ce qu'être d'une couleur de peau spécifique est vraiment une différence biologique? - est un moyen de se définir par rapport à l'autre.  Peut-on voir dans le titre maladroit de cette conférence une crise d'identité du côté de la GLFF.

Qu'elle est l'identité de la GLFF ? 

Je ne suis pas la seule à me poser cette question. Nombres de soeurs se la posent - sans remettre en cause leur propre identité. Qu'est-ce la GLFF? Qu'apporte-elle pour les femmes en général et pour les autres obédiences en particulier? Qu'est-ce qui fait que l'on serait mieux, soit en terme de confort, d'écoute, de possibilité de travaux ou de réflexion, ou encore de liberté? 

Avant le 7 juin 2016 très exactement, je savais donner des pistes de réponse. Je le faisais d'ailleurs assez simplement. Je savais dire que l'identité de la GLFF était dans une prise de risque courageuse des fondatrices à monter une obédience maçonnique « entre femmes » et à maintenir cet état alors que le tout-mixité est devenue une norme sociale commune. J'y voyais quelque chose de révolutionnaire dans l'intention plus que dans ce qui en sortait. En effet, fallait-il expliquer que ces femmes "entre elles" fassent mieux que des hommes "entre eux" ou en mixité. 

Aujourd'hui, cette prise de risque est devenue un enfermement. D'une part une scission de la GLFF  a montré un désir d'exclusion d'un certains profils de sœurs. La GLFF s'est enfoncée dans une posture revancharde (comme ici), niant des droits fondamentaux d'association aux soeurs (lire encore là). 

Quant à son fonctionnement, j'expliquais que la GLFF savait régler ses problèmes internes seules. Or, ce n'est pas le cas – je suis bien placée pour le savoir – elle a, aujourd'hui, besoin - de voir une de ses loges condamnées par un tribunal parce qu'elle refuse de respecter ses propres textes, comme je l'ai largement souligné dans mes articles (lire la série d'articles « la Maçonne assigne »). 

L'autre aspect est l'invisibilité et le silence de l'obédience sur des sujets spécifiquement féminins (droits sexuels des femmes comme l'IVG, ou de reproduction comme la PMA) ou encore des sujets plus neutres qui intéressent tout le monde, comme l'éducation, le droit des enfants, la justice sociale, .... Les sujets ne manquent pas. En même temps, peut-on se demander, c'est quoi sa légitimité ? 

De la démarche qu'elle propose  ou d'une réflexion sur celle-ci, la GLFF ne publie rien  pour apparaître original ou assez différenciant. Il faut dire que, depuis quelques temps, la GLFF est entrée dans les mêmes errements que la GLDF. 

Le seul moyen de se différencier, pour une obédience, est de savoir proposer un lieu de réflexion et donc de montrer que l'on sait produire une pensée. Finalement, on se fiche du sujet, de la forme qu'il peut prendre. Force est de constater que la GLFF brille par son absence dans tous les débats qu'ils soient exclusifs à la franc-maçonnerie ou sociétaux. 

Moralité : Pour parler de ses dessous, il serait de bon ton de vérifier qu'ils soient propres et, tout au moins, de savoir les laver en tout intimité.   

Il reste, toutefois, un mystère que je ne sais pas élucider. Je suis la spécialiste des « dessous » de la franc-maçonnerie féminine et des autres obédience. On pourra ainsi s'étonner que je ne sois pas invitée à cette conférence dont le thème me semble complètement destiné. 


 

 

 

Fraser Nancy, « Multiculturalisme, anti-essentialisme et démocratie radicale. Genèse de l'impasse actuelle de la théorie féministe », Cahiers du Genre, 2005/2 (n° 39), p. 27-50. DOI : 10.3917/cdge.039.0027. URL : pour aller plus loin sur l'essentialisme, c'est ici.  

Lépinard Éléonore, « Malaise dans le concept. Différence, identité et théorie féministe », Cahiers du Genre, 2005/2 (n° 39), p. 107-135. DOI : 10.3917/cdge.039.0107. URL : une autre étude à lire en cliquant ici.
 

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D
Chère maçonne, il est indispensable d'alerter l'opinion sur la réalité de la franc-maçonnerie et de ses pratiques nauséabondes en premier lieu avec ses propres membres. Le profil idéal pour postuler en franc-maçonnerie et celui de l'enfant cœur, dont on sait maintenant et heureusement ce que les prêtres, en qui ils ont toute confiance, leurs font subir! Il faut obtenir que l'identité des membres soient déclarées et connues de tous! La finalité de cette maçonnerie et d'essayer d'obtenir des passe-droit , cela n'a rien à voir avec une recherche spirituelle. Il serait temps de balayer les escaliers de haut en bas!
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