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La Maçonne

Ce que nous devrions retenir de « L'Ordre du Temple Solaire ».

« L'Ordre du Temple Solaire », secte fondée en 1984, fut à l'origine de, ce que la justice en France considère être des « suicides collectifs » ayant fait plus de 74 morts, dont plusieurs enfants. 
L'histoire de « l'Ordre du Temple Solaire » est aussi celle de ses deux gourous : Luc Jouret et Joseph Di Mambro. 


Le Temple Solaire. 

Joseph Di Mambro, né en 1924, bijoutier, s'était intéressé à l'ésotérisme depuis les années 50. De 1956 à 1970, il est d'ailleurs membre de l'AMORC, association internationale Rose-Croix. 
Quittant l'AMORC, il commence à créer ses propres structures comme, en 1974, le « Centre de Préparation à l'Age Nouveau ». En 1976, avec l'achat d'une ferme en Haute-Savoie, il installera sa première communauté dans une filiation « Rose Croix ».  En 1979, l'incendie (criminelle?) de la ferme mettra fin à ce projet mais surtout permettra à Joseph Di Mambro de s'installer à Genève (Suisse) avec sa nouvelle « Fondation Golden Way ». 

Luc Jouret, né en 1947, est un médecin homéopathe. Jusque là, rien d'extraordinaire bien qu'il  soit passionné par des « médecines parallèles » frisant l'escroquerie. 
Il sera membre sous le nom de Ulrich von Einsiedel , puis deviendra grand maître de « l'Ordre Rénové du Temple » en 1983-84, succédant à un certain  Julien Origas, alias Julien Humbert. Ce premier personnage mérite une mention spéciale puisqu'il fut le chef de la gestapo de Brest, il fut ordonné prêtre dans une église gallicane (a priori l'église gallicane de Gazinet),  une de ces innombrables fausses églises. Dans cet «Ordre Rénové » on y trouve l'ex-aumônier de Mussolini, Gregorio Bacolini qui en sera le « grand prieur ». 
Cet ordre néo-templier  fut fondé aux débuts des années 70 par Raymond Bernard, grand maître de l'AMORC. Constatant la fascination de ses adeptes à la mouvance néo-templière, il souhaitait apporter une structure leur permettant de « jouer » aux templiers. Rapidement, s'y réuniront 500 membres. En 1972,  Raymond Bernard se séparera de l'Ordre Rénové du Temple. Origas sera régulièrement invité par Di Mambro et Jouret. Il verra en Jouret son potentiel successeur (il mourra en août 1983). Jouret obtiendra (ou plus exactement forcera) la « grande maîtrise ». Une année plus tard, il devra quitter l'ordre avec une trentaine de membres dans ce que l'on appelle aujourd'hui « une scission ». 
 S'appuyant sur Joseph Di Mambro et sa fondation « Golden Way », les deux hommes fonderont ce que nous connaissons sous le nom de « l'Ordre du Temple Solaire ».  

Les inspirations pour ce mouvement sont multiples. Sans ses références à l'ordre médiéval chevaleresque des templiers, « le Temple Solaire » et donc chrétienne, il n'aurait aucune substance. Toutefois, il a d'autres nombreuses références : Rose-Croix tout d'abord, la théosophie de HP Blavatsky et, bien entendu, l'école Arcane d'Alice Bailey, occultiste anglaise considérée comme étant à l'origine du New Age, mais aussi l'ésotérisme dit « égyptien ». 
Un autre ordre, « inspirateur » de Di Mambro et Jouret, jouera un rôle : l'Ordre Souverain du Temple Solaire – qui n'a rien à voir avec le Temple Solaire de Di Mambro et Jouret – 
y. Fondé en Juin 1967, il sera actif qu'à partir de 1973. En 1978, les dirigeants de l’OSTS s’engageront dans une mission particulière : infiltré la  Franc-Maçonnerie classique, afin de faire entrer l'esprit « templier » dans ses structures. Une manière de mettre main-basse sur les obédiences en encourageant ses adeptes à une double appartenance. Ce qui se soldera par un échec. Cependant, Di Mambro et Jouret pilleront largement ses rituels pour constituer les leurs. 


Cependant, il faut souligner quelques particularités : l'un Di Mambro se dit « médium » alors que l'autre Jouret est « guérisseur ». Le Temple Solaire développera toujours un argumentaire élitiste et en jouera pour gagner des adeptes qui seront des « élus », détenteurs d'une « vérité ». 

Joseph Di Mambro et Luc Jouret se partageront les rôles :  le premier sera, très certainement, celui qui créera l'escroquerie, se basant sur son expérience, alors que le second sera le recruteur. 
Luc Jouvret donnera pas moins de 200 conférences en France en l'espace de 10 ans. 
Le « Temple Solaire » trouve des ramifications en Suisse, en France, au Canada … Il s'organise autour de trois structures permettant d'ouvrir les portes lors des plusieurs étapes de recrutement. En effet, entrer dans l'Ordre du Temple Solaire n'était pas donné à tout le monde. Di Mambro et Jouret sélectionnaient leurs adhérents. 
De 1984 à 1994, soit 10 ans, personne ne s'inquiétera vraiment du Temple Solaire alors qu'il comptait plus de 400 membres en 1989 et en 1994 environ 600 membres. 

Début des années 90, l'autorité « spirituelle » de Di Mambro est contesté. Des membres démissionnent l'accusant de les avoir manipulé par des mises en scène spectaculaires lors des cérémonies. 
En Martinique, Lucien Zecler, président de l'ADFI, enquêtait sur l'Ordre du Temple Solaire.  Seul le Québec semblait réagir au risque sectaire que représentait le Temple Solaire. Le Service de Police Nationale Québécois ouvre une première enquête sur le Temple Solaire, considéré comme mouvement terroriste. Il venait  d'apprendre qu'un de ses membres cherchait à se procurer des armes à feu équipés de silencieux. L'Ordre du Temple Solaire est ainsi mis sous écoute. Luc Jouret et deux autres membres sont condamnés pour l'achat illicite d'armes. 
De son côté, le couple Di Mambro est inquiété par une enquête de la brigade financière sur des transferts de fonds importants. 

Quant aux membres « donateurs », ceux-ci protestent aussi dès 1993. Les gourous avaient monté plus de 50 associations et possédaient une 100aine de compte. Certains réclament le remboursement des fonds qu'ils ont investi dans l'Ordre pour la création de « Centre de Vie ». Les adeptes communiquent entre eux et soulignent les démissions successives et régulières de ceux qui gèrent les comptes. (source)
Les dons s'amenuisent. Les adeptes démissionnent. Plusieurs réclament à être remboursés. 

La paranoïa des deux gourous montent d'un cran. Face aux accusations qui se multiplient, Di Mambro et Jouret crient au complot, un complot visant à les détruire. Cet enchaînement d'événements les poussera certainement de développer la notion de « transit » vers la planète Sirus. 

Les 4 et 6 octobre 1994, au Québec, on retrouve les cadavres de Tony Dutoit, sa femme Suzanne Robinson et de leur bébé Christopher Emmanuel Dutoit, considéré comme l'antichrist par Di Mambro. L'enfant a été tué d'un pieu dans le cœur. Les deux autres cadavre sont ceux de Colette Rochat et de Jerry Genoud, membres du Temple Solaire. 
En Suisse, ce même 4 octobre 1994, en Suisse, des incendies se déclarent dans plusieurs chalets. On découvre 23 morts à Cheiry et 25 à Salvan. 

  •  À Cheiry, les victimes ont absorbés des soporifiques et ont été tués par arme à feu ;
  • ·À Salvan, ils sont morts par empoisonnement.

Parmi les victimes, on compte Jouret et Di Mambro mais aussi les anciens membres de l'Ordre Rénové du Temple. Les 15 et 16 décembre 1995, dans le Vercors, en France, 16 personnes dont 3 enfants sont trouvées immolées par la le feu. Ce dernier carnage semble être conduit par une femme qui se disait, elle aussi, médium et recevoir des messages de Di Mambro. 
Malgré la mort des deux gourous, des membres ont souhaité poursuivre le Temple Solaire et ont continué à se rencontrer.  Enfin, le 22 mars 1997, au Québec, cinq personne se suicident. 

Est-ce que les autorités policières et judiciaires pouvaient prévoir ses suicides collectifs et ses assassinats de masse ? En effet, il est difficile de distinguer ceux qui se sont suicidés de ceux qui ont été assassinés. La plupart des victimes ont été droguées, tuées et immolées par le feu. Certaines ont laissé un mot d'adieu à leurs proches. D'autres semblent s'être rendu à un rendez-vous en ignorant ce qu'il allait advenir. 

En dehors de conflits internes et de départs d'adeptes, et des soupçons de trafic d'armes qui ont abouti à la condamnation de Jouret au Canada, il n'existait aucune procédure judiciaire  émanant de membres ou d'anciens membres contre le « Temple Solaire » dont on a vu que sa maturation s'est effectuée sur une période de 20 ans. 
En somme, il s'agissait, vu de l'extérieur, d'une association comme une autre qui offrait à des personnalités de la classe moyenne et supérieure une expérience spirituelle. Tout au plus, du fait de l'aspect « délirant » de la démarche elle-même, pouvait-on supposer qu'il s'agissait d'une escroquerie. 
Aujourd'hui, est-ce qu'un « temple solaire » serait condamné par la justice en France ? 

L'impossible définition juridique. 

En 1982, une première enquête avait été effectuée contre les sectes et a donné lieu au rapport Vivien. Sur les 116 groupes concernés par ce rapport,  les églises et mouvements chrétiens sont écartés. « L'objet du présent rapport n'est pas de considérer les dissidences chrétiennes comme partie intégrante de l'étude » lisait-on page 44. 
De ce rapport, on se félicitait même qu'aucune secte « considérées comme dangereuses ne se réfère directement ou pour l'essentiel à la tradition judéo-chrétienne ».

Autant dire que le « Temple Solaire », tout au moins à l'époque « l'Ordre Rénové du Temple », qui puisait son ésotérisme sur une période particulière de l'histoire de l'Eglise de Rome : les templiers et les croisades, ne pouvait que passer entre les gouttes. Ainsi, l'Ordre Rénové du Temple, qui comptait comme grand prieur l' ancien aumônier de Mussolini – n'intéressait pas les pouvoirs publics ainsi que les « églises gallicanes » et ses faux évêques et prêtres. Est-ce à dire que ce qui serait d'origine chrétienne serait comme immunisé de la dérive sectaire ? 

Les suicides de masse du Temple Solaire ont choqué l'opinion publique. Dès 1995, cela a conduit à l'excès inverse : on se mettait à en voir partout et une commission parlementaire en a dressé  une liste estampillée et remise au Ministère de la Justice. 
Cela a décrédibilisé la lutte contre les systèmes sectaires en France définitivement. Cette liste, en effet, a été remise en cause dès sa première édition. Non seulement, elle fut établie par des parlementaires et deux membres d'associations « anti-secte », sans faire appel à des spécialistes – mais ensuite en dehors de produire une liste à la Prévert, quelques peut diffamantes pour les associations innocentes, elle n'apportait aucune preuve permettant de considérer qu'il y avait risque de dérives sectaires. 

Enfin, la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 dite loi « About-Picard »,  tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, fut voté par le parlement français. 

Aujourd'hui, en 2019, nous sommes sans définition de ce qu'est une « secte » et de ce qui peut mesurer sa dangerosité. Encore moins, n'avons-nous été en mesure d'établir une législation éprouvée. En effet, aujourd'hui, on ne peut que parler de « dérives sectaires ». 
L'exemple de la « Scientologie » est parlant. Tom Cruise, représentant de la Scientologie a été reçu par Nicolas Sarkozy, mais aussi par Emmanuel Macron comme nous l'apprend Libération dans un article en date du 18 avril 2019. Selon Tom Cruise, la « Scientologie » est victime de discrimination.  

La première affaire mettant en cause la Scientologie, en France, date de 1983 … et a traîné 15 ans permettant de déclarer les faits prescrits. L'état français a été condamné plusieurs fois pour la lenteur de sa justice.  En 2009 encore, alors que la Scientologie risquait une condamnation pour escroquerie, il s'est avéré qu'un aménagement des lois votés quelques mois plus tôt empêchait sa dissolution. 
Ainsi en 2013, les deux principales associations « scientologues » n'ont pas été interdites bien qu'elles furent condamnées pour « escroquerie en bande organisée », « recel aggravé », « extorsion » et « exercice illégal de la médecine ». 

Depuis août 2015, une enquête est  ouverte concernant les agissements de scientologues au sein d'une société Arcadia qu'ils ont noyauté et coulé, en mettant en place des méthodes de travail qui font froids dans le dos.  (source)

« Pour Minne, la notion de dérives sectaires traduit « l’incapacité scientifique de déterminer la dangerosité de ces groupements spécifiques ainsi que le souhait de recentrer l’attention et l’action uniquement sur des comportements basés sur des pratiques d’un groupement en évitant tout jugement à l’égard de la doctrine ou d’une idéologie ». Cette évolution conceptuelle a deux applications pratiques : d’abord on s’intéresse à tous les groupes ou associations suspectes ; ensuite on ne cherche plus à définir ce qu’est une secte mais bien à établir des critères qui doivent faire craindre l’évolution vers une dérive sectaire. »  expliquent Guivarch Jokthan et Glezer Daniel - in « Victimes de dérives sectaires : place des expertises psychologiques et psychiatriques ». 

La liste des éléments (de l'UNADFI) qui définirait la « secte » ou la « dérive sectaire » et qui ferait qu'elle serait dangereuse n'est guère plus solide.  
Pour en revenir à l'Ordre du Temple Solaire, ne s'applique qu'à lui : « le caractère exorbitant des exigences financières » et la « déstabilisation mentale ». Et encore. Le principal donateur, un certain Camille Pilet n'était pas « assujetti » ou escroquer, mais un acteur particulièrement actif et convaincu de la mouvance sectaire. 

Jouret et Di Mambro ne recrutaient que des personnes riches, cultivées et disciplinées. D'une certaine mesure, on peut considérer que certaines de ses règles participaient à des « atteintes à l'intégrité physique », par des régimes alimentaires stricts, une rythme de vie harassant, ou encore de développer un trouble obsessionnel avec une désinfection exagérée. Cependant, les adeptes n'étaient pas obligés de vivre dans les communautés, Les enfants n'étaient pas embrigadés. 
Hormis les six qui ont été tués, on note que les trois adolescents survivants au Québec le sont parce qu'ils ont négocié leur survie avec leurs parents. Ce qui montrent que les enfants étaient relativement protégés (on peut même dire exclus) du Temple Solaire et avaient réussi à préserver leur libre-arbitre. Le plus vieux n'avait que 16 ans. (source)

Les deux seuls enfants qui ont intéressé les gourous sont la fille de Di Mambro qu'il a déclaré être le "christ cosmique", "suicidée" à l'âge de 12 ans avec ses deux parents, et l'enfant d'un couple canadien, un nourrisson âgé de quelques mois, assassiné d'un coup de pieu dans le coeur et déclaré "antéchrist" par Di Mambro. 

Avec 200 conférences à son actif, Jouret ne tenait pas de discours « antisocial » et le premier démêlé judiciaire date de 1993, soit après 15 ans d'existence. Le seul circuit économique que Di Mambro et Jouret détournaient étaient les dons qui étaient fait pour le compte du Temple Solaire. En aucun cas, ils paraissaient vouloir « infiltrer  les pouvoirs publics ». Pourtant, malgré cela, le Temple Solaire a 74 morts à son actif. 


Une dimension psychologique à étudier. 

Dès 1995, en dehors d'un jugement sur un modèle de croyance et un mode de vie, c'est la dimension psychologique des adeptes comme des gourous qui auraient été nécessaire d'être analysé après le "temple solaire". 

Le Centre Contre les Manipulations Mentales Roger Ikor  (CCMM) dont un des présidents fut le député Vivien du rapport du même nom que j'ai cité, considère les mouvements sectaires qu'uniquement sur son aspect psychologique : la manipulation mentale. Dans ce cadre, il établissait un « profil psychologique des gourous » https://www.ccmm.asso.fr/228-profil-psychologique-des-gourous/ 

« Qu’ils soient hommes ou femmes, Français ou étranger, leurs déviances ont toujours les mêmes origines : une volonté de notoriété, de pouvoir, de puissance financière et affective. Tout aussi craint qu’adulé, la parfait gourou répond ainsi à un profil psychologique déterminé par les spécialistes et repérable en sept points. Une personnalité paranoïaque » expliquent-ils. 
Ce serait, selon eux, des communicants possédant un certain charisme, ayant des tendances mégalomanes. Ils sont animés par un besoin de puissance et de domination sur les autres. L'argument financier, largement utilisé pour contrer les sectes, seraient aussi un moyen d'avoir un «pouvoir » sur les autres en les appauvrissant et/ou en utilisant des moyens financiers que les gourous sont convaincus avoir droit. 
Cependant, si n'importe qui peut aimer le pouvoir, l'argent (au point d'escroquer ou de voler), cela ne suffit pas pour faire « un gourou ». Un politique condamné pour abus de biens sociaux ou encore pour détournement de fond n'est pas, techniquement parlant, un « gourou ». On ne peut pas considérer ses électeurs ou ses proches collaborateurs être sous "emprise". 

Les gourous sont des grands paranoïaques sujets aux délires de persécution. Le monde entier est « contre eux » …Ils se trouvent des ennemis partout.  Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du groupe, ils mettent en place une situation de crise permanente : suspicion, dénonciation, promesse de punition (des adeptes peu dociles) ou de récompenses pour les dociles … S'estimant persécutés, criant régulièrement au complot, ils sont aussi agressifs, violents ou encore tout simplement procéduriers.

Le gourou est aussi affabulateur et menteur : il se crée une nouvelle personnalité, une nouvelle vie, des ennemis et des amis imaginaires, des gloires … ou des capacités normales ou paranormales. Là encore, il faut tracer une frontière. 
Se croire plus intelligent que l'on est ou croire que l'on possède des  dons paranormaux comme parler à des esprits n'est pas « être un gourou ». 
Le gourou ne supporte pas la distorsion, normale et logique, entre l'image qu'il a de lui-même et celle que l'on a de lui. Il veut, plus que tout, que les deux concordent – qu'il soit reconnu  pour ce qu'il croit être. Il ne veut s'entourer uniquement de personnes qui l'adulent. Ils refusent toute contradiction. 

Le gourou ne supporte pas être considéré comme une personne « normale », insignifiante , d'une intelligence moyenne, … Il va s'inventer un passé glorieux, des diplômes, mentira sur son métier et ses activités, … suivant les circonstances et les besoins. 
Pour nous en convaincre, il suffit de lire les curriculum tronqués des gourous domestiques – ceux qui se contentent d'un groupe de la taille d'une famille comme Bernard Boumedine qui se disait « agent de la DST », ou encore Jacques Masset, éboueur de métier qui s'était autoproclamé « psychothérapeute » (source)
Di Mambro disait avoir des dons de médium et discutait de l'avenir de l'Ordre avec une mystérieuse « loge de Zurich ». Georges Roux se disait être le Christ, puis – tant qu'à faire – dieu lui-même. 

Nous nous heurtons, de toute manière, à une question : est-ce que les gourous croient en leur délire ? Est-ce de mythomanes paranoïaques ou de dangereux psychopathes ? De même, la place de l'adepte est à interroger. Est-il objet ou sujet ? 
Autrement dit, les gourous agissent-ils uniquement pour être entourer d'une petite cour tel des monarques et préserver leur sentiment de supériorité ou cherchent-ils à escroquer froidement un maximum de personnes ? 

Thierry Lamote  est l'auteur d'une longue étude concernant la scientologie. Il quitte les thèses de « manipulation mentale » entourant la secte. Il remet en doute que soit-là, la spécificité de ce qui fait une « secte » d'une autre association. 
Le fondateur de la scientologie (disparu en 1967) était un malade. Il a traversé divers stades et plusieurs crises délirantes. Il était très certainement schizophrène.  Paranoïaque, il croit à un vaste complot des psychiatres alliés aux communistes pour contrôler l’humanité. Son délire lui permet de se reconstruire – plus exactement de « faire sens » à ses hallucinations et à ses récits sur les extraterrestres – à se construire une société qui lui correspond. En 1967, il disparaît en mer suite à une des ses fuites « délirantes » entourés de quelques uns de ses adeptes. 
En France, plus loin dans le temps, Georges Roux, ancien postier, se disait être dieu, convaincu d'avoir des pouvoirs de guérisons, allant jusqu'à demander au pape de se convertir à sa (nouvelle) religion. Fin des années 50, il comptait 5000 adeptes.  Il préconisait un régime végétarien de type « cru », sans alcool, café, thé et tabac. Là encore, Georges Roux croyait à son « délire » - se construisant par ailleurs une vie agréable au fond de son manoir - 
 
 J.-Cl. Maes, psychologue clinicien et psychothérapeute familial systémique,  fondateur de SOS-Sectes en Belgique, développe lui la théorie d'une « secte à deux » , « c’est un couple composé d’un gourou et d’un adepte ». Le « gourou » peut être un pervers sexuel, un conjoint maltraitant, un escroc, … Ce sont des narcissiques.   En tant que tel, ils cherchent à se créer une société (une famille) qui le reconnaisse pour ses qualités. Il a besoin de l'adepte. Il en est dépendant. 

L'adepte.  La manipulation mentale remise en cause ? 

C'est Georges Roux et son expérience « mystique » qui soulève indirectement la question. Certes, se prendre pour Christ, puis par la suite dieu … un guérisseur, relève d'un délire. Qu'il y croit ou pas, n'est pas la question. Dans les années 50, on comptait 5000 adeptes. Comment peut-on parler de « manipulation mentale » avec comme seuls outils trois livres et une vague revue  dans les meilleures années ?   
Le profil psychologique des adeptes de mouvements sectaires a été régulièrement définis. Il ne s'agit plus de personnes vulnérables, souffrant de divers troubles, -  mais des  personnes qui traversent une période dépressive, une situation d'échec ou encore un deuil et qui sont, à un moment donné de leur vie, fragilisée. 
On peut être embrigader « en allant bien ». La souffrance est supportable et le futur adepte se cherche tout et rien à la fois – un pansement peut-être – dans l'espoir d'aller mieux au lieu de simplement « bien ». 

Le lavage de cerveau et encore la manipulation mentale  existent-ils vraiment ? En effet, ne fait-il pas parti du « mythe », ce dont on a besoin d'entendre ? Si oui, à quel moment peut-on parler de manipulation ? Cela questionne non pas sur le gourou mais sur les adeptes et ce qui est appelé leurs réceptivités. Cela pose une autre question : dans quelle mesure peut-on perdre (et est-ce que l'on peut) son libre-arbitre ? Est-ce que l'adepte est, finalement, qu'un légume vidé de tout esprit critique, capacité de raisonnement, ou encore de ses simples facultés cognitives ? 

Pour être manipulé, il faut être manipulable. L'adepte entre dans une secte – échange un service contre de l'argent – pour une promesse : promesse de mieux-être, de guérison physique ou morale, … Pour l'Ordre du Temple Solaire, rien de tout cela. La promesse était d'appartenir à une élite, d'avoir une meilleure compréhension du cosmos et d'être « sauvé » en qualité « d'élus ». 
Bien sûr, appartenir à cette élite se mérite – et l'argent ne suffit pas. Il fallait travailler (dur), se soumettre à un régime spécial, sacrifier son confort et  y « croire ». 

Si humainement, nous avons tous droit « à l'erreur », la société – en général – ne l'admet pas. Tout au moins, se tromper dans nos engagements, nos amitiés, nos croyances, nos opinions, n'est pas facile à reconnaître. 

Les témoignages des survivants du Temple Solaire montre que certains reconnaissent que même en ayant les preuves sous les yeux de l'escroquerie, ils se refusaient de considérer s'être trompés à ce point durant plusieurs années. De même, ils craignaient être exclus du groupe – la « punition » pour leur infidélité – s'ils émettaient des doutes sur les capacités et compétences de Di Mambro et Jouret, s'ils criaient au mensonge ou à l'escroquerie. 


La violence des gourous. 

Si on peut remettre en cause la thèse de la « manipulation mentale », on ne peut pas nier l'existence de violences physiques ou psychologiques, affaiblissant les adeptes et, entrant dans ce que Casoni, Dianne, et Louis Brunet. (In « Processus groupal d'idéalisation et violence sectaire », Déviance et Société, vol. vol. 29, no. 1, 2005, pp. 75-88) appel « Processus d'idéalisation ». C'est tout simplement le processus qui lie un individu à un gourou, qui poussé par un processus d'identification narcissique, attribue à un autre individu ou encore une doctrine, « l'essentiel de son amour pour lui-même », plus exactement une partie de sa vie et l'essentiel de son avenir. « Processus » parce que, comme on s'en doute, cet attachement entre l'adepte et le gourou ne se fait pas en un jour, mais sur une durée plus ou moins longue. 

L'idéalisation relève du narcissisme (développé par Freud). Au lieu de s'attribuer la part de grandeur et de surestimation (nécessaire dans une certaine mesure pour son développement psychique), l'adepte l'attribue à un autre, (le gourou), porteurs à ses yeux de qualités ou de compétences qu'il n'a pas. C'est une immaturité affective qui si elle est mal dirigée permettrait d'effacer sa propre personnalité, ses propres besoins au profit de l'autre, l'idéal. On retrouve le même fonctionnement dans le cas de l'amour-passion ou encore, dans un autre genre, dans la relation du soldat à son commandant (dans l'armée) - Le soldat n'étant pas « amoureux » de son chef, mais niant son identité jusqu'à sa sécurité et sa vie, pour sa patrie, son pays – qui est lui support d'un idéal. 
De là, se construit dans une secte une triple relation déviante entre le gourou, l'adepte et les autres membres du groupe. 
« L’adepte et le leader sont donc unis par des besoins narcissiques complémentaires et par la satisfaction que chacun procure à l’autre. Le leader fournit à l’adepte, même en l’absence de contacts individuels, la possibilité de « trouver » l’être idéalisé qu’il recherche et de « s’unir » à cet être idéalisé, grâce au projet commun qu’ils partagent; et, de son côté, l’adepte fournit au leader l’idéalisation dont il a besoin. » explique l'auteur. 
Bien évidemment, cet échange entre le gourou et son adepte permet une codépendance : le gourou est dépendant de la dévotion de son adepte et l'adepte a besoin de la reconnaissance du gourou. Bien évidemment, si le gourou et l'adepte partagent un même « amour », ils partagent les mêmes désamours, les mêmes haines.

Le recours à des clivages – divisant la société et l'environnement – en « bon » ou « mauvais » conduit à créer des situations violentes à l'égard de l'extérieur (par la dénonciation d'un ennemi, le mal) ou à l'égard d'adeptes jugés infidèles, des boucs-émissaires, nécessaires pour resserrer les rangs.

La violence est donc, dans des mouvements sectaires, nécessaires – si ce n'est pas obligatoires – Non pas pour affaiblir l'adepte – dans l'idée que faible, il sera plus réceptif et perdra son sens critique – mais parce que cela maintient le processus d'idéalisation soulignant la force du leader, le sentiment d'impuissance de l'adepte face au leader, … 
Le gourou a peur de perdre la reconnaissance-amour de ses adeptes, reconnaissance qu'il sait non mérité d'une part mais surtout fragile. Le recours à la violence permet de lier – de manière complètement perverse – le gourou à son adepte de la même manière qu'un conjoint violent ou un despote domestique.

Enfin encore, une cause de la violence des gourous est la blessure narcissique - craignant que leur médiocrité et leur usurpation soient découvertes - ils mordent. C'est d'ailleurs, très certainement, le cas de figure de Di Mambro et Jouret.  


Comment éviter les dérives sectaires ? 


L'histoire des dérives sectaires montre une chose : personne ne peut être certain d'être immunisé contre elles. Cependant, tout est une affaire de confiance en soi (avant d'avoir confiance en l'autre). Un gourou n'est pas puissant mais peut être délirant, paranoïaque, narcissique et menteur. La demande d'argent exorbitante peut être une réalité, mais n'est pas obligatoire. 
Comme nous l'avons vu, la dérive sectaire est à l'exacte mesure du gourou. Si celui-ci recherche un amour inconditionnel, une reconnaissance pour caresser son ego, il peut ne pas avoir d'exigence financière extraordinaire mais avoir besoin que de créer autour de lui une cellule, un groupe, qui lui soit dévoué. De même, une dérive sectaire ne demande pas obligatoirement une rupture avec ses proches, son environnement direct comme son travail, mais peut avoir une demande d'exclusivité ou des interdits dans d'autres domaines. 
Cependant, pour ma part, c'est plus dans les agissements ou les comportements du gourou (ou de certains adeptes) qui importent dans une dérive sectaire comme les atteintes à la dignité, à la liberté de la personne, ou encore aux principes des droits universels.
L'Ordre du Temple Solaire était une secte bien avant les suicides-meurtres. Il ne l'est pas parce qu'elle développait des croyances que l'on peut juger absurdes, … Il l'est pour une toute autre raison et cela depuis son origine : Il était interdit à ses adeptes d'adhérer à une autre doctrine que celle développée par Di Mambro et Jouret. 
Ce n'est pas non plus parce que les adeptes ont remis en cause les délires de Di Mambro qu'ils sont morts, mais parce qu'ils y croyaient. Ceux qui ont survécu à ces massacres sont ceux qui ont douté. 


Doutez. 


 

 

 

 

 

Sources : 
Maes Jean-Claude, « Chapitre 3. Le profil de l'adepte de secte », dans : , Emprise et manipulation. Peut-on guérir des sectes , sous la direction de Maes Jean-Claude. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, « Carrefour des psychothérapies », 2010, p. 37-54. URL : https://www.cairn.info/emprise-et-manipulation--9782804101503-page-37.htm 

Haefliger Stéphane. Salvan et l'ordre du temple solaire : un point de vue sur les discours de réception. In: Quaderni, n°28, Hiver 1996. Utopie et imaginaire de la communication. pp. 11-27.
doi : 10.3406/quad.1996.1134 - http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1996_num_28_1_1134

Chantin Jean-Pierre. Les sectes en France. Marges et dissidences. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°66, avril-juin 2000. Religions d'Europe. pp. 67-78;
doi : https://doi.org/10.3406/xxs.2000.4563 - https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_2000_num_66_1_4563

Guivarch Jokthan, Glezer Daniel, « Victimes de dérives sectaires : place des expertises psychologiques et psychiatriques », L'information psychiatrique, 2012/6 (Volume 88), p. 467-475. DOI : 10.3917/inpsy.8806.0467. URL : https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2012-6-page-467.htm 


Arthur Mary. Approche psychanalytique du discours sectaire. Psychologie. Université Nice Sophia Antipolis, 2013. Français. NNT : 2013NICE2019. Tel-00868681(Thèse)


Casoni Dianne, Brunet Louis, « Processus groupal d'idéalisation et violence sectaire », Déviance et Société, 2005/1 (Vol. 29), p. 75-88. DOI : 10.3917/ds.291.0075. URL : https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2005-1-page-75.htm 


Scientologie :Article Libération - l'alinéa qui sauve la Scientologie et lire aussi ici : Article Libération : la scientologie sauvée

Article "Temple Solaire" : pour ceux qui souhaitent avoir plus de détails sur son ésotérisme. 

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V
Bonjour, <br /> <br /> C'est un article bien rédigé et agencé dans les idées.<br /> <br /> Merci beaucoup de nous avoir partagé ce contenu.
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A
Merci infiniment La Maçonne pour cet article très complet, très clair et qui a fortement résonné en moi. Moi qui ai choisi de me tourner vers la FM après m'être "perdue" dans plusieurs groupes de développement personnel dont les organisateurs et organisatrices avaient tout de ces "gourous" dont tu dresses le profil psychologique... et après être tombée sous l'emprise de l'un d'eux (ancien membre de l'A.M.O.R.C entre nous soit dit)... et en être sortie, après un sursaut de conscience où, comme vous le dites, j'ai douté... Sortie qui s'est faite non sans difficulté, au bout de plusieurs mois de réflexion, et qui a été suivie d'une longue période où il a fallu que j'accepte ma part de responsabilité, et aussi de narcissisme, dans cette relation de gourou-adepte. <br /> Votre article vient poser de vrais mots sur mon vécu. <br /> J'espère avancer maintenant sur le bon chemin avec la FM. Réponse à partir de début septembre ;-)
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L
Merci beaucoup pour votre témoignage. J'ai écrit cet article parce que je suis persuadée que beaucoup de personnes peuvent s'y retrouver. Bien sûr que nous sommes toujours responsable de nos relations mais nous ne sommes pas coupables pour autant. Personne ne mérite d'en souffrir.
R
Excellent article !
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A
J'ai entendu dire qu'un membre d'un suprême conseil avait eu des démèlées judiciaires liées à un assassinat politique, et pourtant il semble que ce personnage se trouve toujours au sommet de certains hauts grades.<br /> <br /> Nous en avons également connu d'autres qui ont eu quelques comportements plus que douteux pendant la seconde guerre mondiale et dont l'un s'est retrouvé grand secrétaire d'une obédience bien connue tel Jean André Faucher. Concernant ce dernier sur wikipédia il est indiqué : <br /> Lors de l'épuration, Jean-André Faucher est dénoncé comme étant un indicateur de la Gestapo, et la Cour de justice de Limoges le condamne (juin 1946) à l'indignité nationale, et à la peine de mort par contumace pour « crime de trahison en temps de guerre »1.<br /> <br /> Il vit ainsi une cavale de 3 ans, pendant lesquelles il est, sous diverses identités, au 14e régiment de tirailleurs sénégalais, professeur dans une école privée d'Angers, ou encore employé dans une société d'assurances parisienne. Il collabore ensuite sous un faux nom au journal La Seine, proche de la SFIO. Il s'engage après la défaite dans la Légion française des combattants en Haute-Vienne, organisation vichyste d’anciens combattants, et devient conseiller ouvrier des Chantiers de jeunesse. Paul Marion le fait devenir délégué à la Propagande du maréchal Pétain. Jean-André Faucher contribue à des revues telles que Réagir (des Gardes du peuple révolutionnaire), et fut un des responsables de la Jeunesse de France et d'Outre-mer (dont la revue était Franc-Jeu).<br /> <br /> En juin 1943, il aurait déserté alors qu'il devait être requis pour le STO, et aurait été arrêté, puis incarcéré au camp allemand de Soulac-sur-mer, d'où il se serait échappé peu après. Il participe au journal collaborationniste Je suis partout, dans lequel il fait l'éloge de la Révolution nationale. <br /> Bref comme tu le dis si bien la maçonne, il faut garder son libre arbitre et surtout ne pas hésiter à douter.
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O
Bonjour, <br /> Merci pour cette étude détaillée et précise de la secte, du gourou, de l'adepte, qui me rappelle le comportement d'un ancien grand maître d'une obédience mixte ainsi que celui de ses nombreux courtisans. Un grand maître dont le passé et/ou les études sont restées inconnus et le demeurent. <br /> J'aime le mot de la fin : doutez
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L
Merci... la secte est une situation extrême... mais le sectarisme existe effectivement dans certaines obédiences - du moins du fait surtout de certaines personnalités nocives. J'espère que cet article permettra à beaucoup de mettre des mots sur quelque chose de vécu , passé - présent...
J
Sur les sectes, une bonne analyse par Michel Ciment sur Eyes wide shut,. la fille de Kubrick fut absorbée par la scientologie, finalement que nos présidents aient reçu Tom Cruse n'a rien d'étonnant..Moi non plus je ne comprenais rien à ce film, j'étais déçu car Kubrick faiait toujours des chef d’œuvres <br /> Rosemary's baby n'est pas mal non plus dans le genre , ah hollywood;<br /> https://www.dailymotion.com/video/x12mybc
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