25 Juillet 2019
Pour changer, je vais parler de féminisation des noms. Lorsque je dis «pour changer », c'est bien entendu une vue de l'esprit ayant abordé la question sous divers angles, maçonniques ou non, plusieurs fois en six ans.
Je pensais avoir déjà tout dit ou presque sur la question. J'ai d'ailleurs, pour vous, exhumer de mon blog quelques vieux articles sur la question.
Peut-être n'ai-je pas assez abordé l'argument, très limite, de « l'universalisme » qui est dégainé dès lors que certains conservateurs veulent limiter la féminisation des noms et, par conséquent, la féminisation tout court ?
Même la République (la Vème, la nôtre, donc) accepte et milite pour la féminisation des plus hautes fonctions politiques et administratives.
Reprenons, néanmoins, depuis le début … Ce sera plus simple. Il semblerait que certains (et même certaines) ne suivent pas. Heureusement que la Maçonne est là pour nos retardataires.
La féminisation des noms (noms de métier, noms de fonction) a toujours été un des nombreux combats féministes. Ceci est un fait historique. Cela peut se tortiller comme on veut. Les faits sont néanmoins cruels.
Dès lors que les femmes ont souhaité obtenir des fonctions, suivre des études, avoir certains métiers, … elles ont aussi souhaité que cela s'accorde au féminin. La féminisation participe à la reconnaissance des femmes dans la société, au travers de différentes activités dites « masculines », de ses métiers et de ses compétences.
La langue – dont le français – évolue. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on appelle le français « langue vivante ». Si ce n'était pas le cas, on parlerait encore toutes et tous en « vieux français » - Entre vous et moi, nous n'aurions pas cette discussion, parce que la féminisation des noms n'étaient pas un problème, bien au contraire.
La langue évolue uniquement grâce à l'usage. C'est la rue qui fait l'usage d'une langue. C'est la rue qui est créatrice des nouveaux mots. Ces vilains mots que l'on appelle « néologismes » qui ne sont pas reconnus par l'Académie Française, jusqu'à submergée par leur utilisation, elle craque. Bon d'accord, elle ne l'explique pas ainsi. Elle dit, bien au contraire, que moderne, elle sait suivre son époque de la hauteur de sa bienveillance et de son amour indéfectible pour les belles lettres. Néanmoins, le fait est que c'est l'usage qui fait loi. C'est l'usage que l'Académie Française mesure.
Une de mes passions secrètes est la lecture d'un dictionnaire étymologique. Pour comprendre un mot, le sentir, le respirer, il faut aller au cœur de son origine, de son histoire et de ce qu'il signifiait.
Le mot est une petite chose corruptible mais bien vivante.
Au 19ème siècle, il s'est passé un fait grave. Les femmes sont devenues des handicapées, des éternelles mineures et ont perdu le peu de droit qu'elles avaient. Cela s'appelle le « code civil napoléonien ».
De là, les femmes sont devenues incapables, jetables, marchandises et matrices à fabriquer des héritiers. L'usage a fait du féminin une saleté, une injure imprononçable. Etre femme et le revendiquer équivalait à dire qu'on était des handicapées mentales, impropres à toute dignité.
Fin du 19ème siècle, la première vague du féministe – par l'usage du féminin – a souhaité transformer l'image négative des femmes en une image positive. Une sorte d'exorcisme, en fait, contre le patriarcat. Commence alors une nouvelle histoire : les premiers mots de métier se féminise. Le 20ème siècle et le 21ème siècle a permis de mettre régulièrement le sujet à l'ordre du jour. D'ouvrir le débat. L'usage du féminin permet aux femmes d'être visibles dans la société.
Au niveau de l'Etat, au niveau de l'usage, au niveau de l'Académie Française, ce combat est maintenant gagné. Bien évidement, ile reste quelques chapelles récalcitrantes. Le GODF, comme la plupart des obédiences mixtes; en sont.
Dans mes précédents articles, j'expliquais que l'Académie Française ne se montrait pas (ou plus) défavorable à l'usage du féminin, en particulier pour des fonctions comme Ministre, Présidente, Directrice, Préfète, Rectrice, ….
Jusque là, l'argument utilisé par l'Académie Française était que la féminisation faisait perdre de la dignité à la fonction. Figée sur un féminin profanateur, l'Académie Française, si elle savait adopter des « postières » et des « avocates », souhaitait préserver au masculin certaines fonctions comme si les femmes restaient des éternelles interdites, des préposées par accident ou négligence.
On leur reconnaissait le droit de devenir professeure mais pas une ministre ou encore une secrétaire d'Etat. En somme, il s'agissait là d'imposer par la langue un plafond de verre. (Vous pouvez lire ou relire l'article de la Maçonne de janvier 3018)
Le discours féministe a repris vigueur. Pour les mêmes raisons – comme quoi en deux siècles les choses n'évoluent pas vraiment – que les féministes de la fin du 19ème siècle, la féminisation est aussi la reconnaissance des qualités des femmes, de leur dignité, de leur compétence, à toutes les fonctions possibles. Elles ne sont pas dans la société comme une "minorité" substituable à une autre.
En février 2019 (oui, cela date d'hier), coup de théâtre à l'Académie Française. Une commission d'étude a rendu public un rapport sur la féminisation des noms.
« Si la féminisation des noms de fonctions, de titres et de grades fait apparaître des contraintes internes à la langue française qu’il n’est pas possible d’ignorer, il n’existe aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions. Celle-ci relève d’une évolution naturelle de la langue, constamment observée depuis le Moyen Âge (on trouve par exemple au Moyen Âge « inventeure », « chirurgienne », « commandante » – ou, plus souvent, des substantifs féminisés par l’intermédiaire du suffixe « -esse », comme dans « venderesse », « mairesse », « chanteresse » ou « devineresse »). » Explique cette commission.
« On se gardera d’oublier qu’un certain nombre de formes féminines ont été rapidement abandonnées par l’usage : ainsi le terme « peintresse », employé dès le XIIIe siècle au sens d’« épouse d’un peintre », et qui désigne du XVIe au XVIIIe siècle une femme qui s’adonne à la peinture (avec une éclipse au XVIIe siècle, où l’on disait plutôt : « la peintre »), n’est plus usité au XIXe siècle. Bien d’autres vocables connaissent une durée de vie encore plus courte (ainsi « chirurgienne », ou encore « autrice », employé lui aussi du XVIe au XIXe siècle, où il est supplanté par « autoresse », dont l’emploi n’est pas parvenu à s’enraciner). Il serait simplificateur de dire que les noms de métiers se sont toujours féminisés librement, en particulier au temps des corporations. Mais à partir de leur abrogation en 1791 par le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, il en fut ainsi, comme l’attestent les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie française – la huitième édition (1932-1935) a donné entrée à un grand nombre de formes féminines ; dans la neuvième édition (en cours de publication) figurent par centaines des formes féminines correspondant à des noms de métiers. »
[….] « De nos jours cette féminisation s’effectue d’elle-même, tant dans le secteur privé que dans le secteur public où l’usage l’a déjà consacrée dans la quasi-totalité des cas, même si quelques termes, pour lesquels la recherche de solutions doit être poursuivie, soulèvent une difficulté. Presque toutes les appellations professionnelles employées possèdent déjà un féminin reconnu par les dictionnaires. »
Hormis le fait que l'Académie Française nous explique qu'elle s'est montrée beaucoup plus cool qu'il n'y paraît avec la féminisation des noms de métiers et de fonctions, ce compte-rendu de 20 pages est juste passionnant à lire. (et vous pouvez le trouver en cliquant ici)
Voilà, les choses sont dites : le débat sur la féminisation des noms de métier est terminé. D'ailleurs, cela depuis 2014. L'Académie Française reconnaît l'utilité et l'usage de cette féminisation du moment qu'il respecte les règles du français. La question aujourd'hui est de savoir si l'usage permettra de sauver ce vieux mot « autrice » plutôt que le moderne « auteure ». L'Académie Française n'éditera pas de listes …. car nous sommes, nous dit-elle, en pleine transition.
Ce document nous présente surtout les règles d'accord. En fait, l'Académie Française nous propose une leçon de grammaire afin de nous permettre d'utiliser le féminin et de l'accorder au mieux.
Ainsi, on peut lire :
« Les noms de métiers (ou même de fonctions, tels que « ministre », « maire », ou les titres, comme « maître ») se terminant par un « e » muet se prêtent assez naturellement à cette forme, même s’il existe un usage ancien consistant à féminiser le nom de manière plus marquée (« mairesse », « maîtresse », « poétesse » illustrent cet usage). Il en va de même pour les substantifs dont le masculin se termine par « o » (« une dactylo », « une imprésario », « une soprano »
Il n’est évidemment pas question de modifier d’une quelconque manière les usages existants, dont certains ont tendance à tomber en désuétude, mais de déterminer de quelle manière et dans quelles conditions il est possible d’en créer de nouveaux. Il existe de nombreuses formes de féminisation marquée : « -er/-ère », « -ier/-ière », « -ien/-ienne », « -in/-ine », « -teur/-trice », etc. Dans le cas où le nom masculin est terminé par une consonne, l’adjonction d’un « e » final est aujourd’hui usuelle : « une artisane », « une experte », « une croupière », « une principale », « une plantonne », « une maçonne », « une mécanicienne », « une jardinière », « une cheminote », sauf dans quelques cas particuliers, dont le nombre reste limité (« une mannequin », « une médecin » ou « une femme médecin », « une femme marin », « une femme matelot » ou « camelot »…)
La forme la plus courante, et non la moins difficile à féminiser est celle des noms de métiers, très nombreux, se terminant par « -eur », qui peuvent ou ont pu se féminiser en « -euse », « -esse » ou « -eresse », « -eure », ou encore par le recours à la forme masculine accompagnée par l’article, l’adjectif, le pronom ou le verbe au féminin. Deux formes de féminisation des noms en « -eur » semblent entrer en compétition : la forme en « -euse », plus ancienne et dont l’usage reste attesté dans un grand nombre de cas, et la forme en « -eure », qui est devenue très courante aujourd’hui. La règle est simple : la déclinaison en « -euse » s’opère lorsqu’un verbe correspond au nom (on a ainsi « une carreleuse », « une contrôleuse », « une entraîneuse », tirés des verbes « carreler », « contrôler », « entraîner ») ; dans le cas contraire, l’usage s’en tenait jusqu’à une date récente à la forme masculine (« une docteur » ou « une femme docteur », « une proviseur »). On observe que l’absence de déclinaison au féminin laisse de plus en plus souvent la place à une forme en « -eure ». Cette terminaison est commode à forger et n’est pas perceptible à l’oreille : du point de vue de la morphologie et de l’étymologie, un nombre assez réduit de cas soulèvent une difficulté. Si l’emploi du suffixe « -eure » peut parfois entrer en compétition avec le seul emploi de l’article (défini ou indéfini), il apparaît toutefois que cette forme de féminisation est particulièrement répandue dans le cas des métiers exercés dans une large proportion par les femmes : il en va ainsi pour le féminin « professeure ». « La professeur » (l’apocope familière « la prof » est très ancienne) présente un caractère quelque peu restrictif, même s’il n’y a pas lieu de s’interdire cette possibilité offerte par la langue. L’emploi de ces formes en « -eure », qui fait débat, et cristallise certaines oppositions au mouvement naturel de la féminisation de la langue, ne constitue pas une menace pour la structure de la langue ni un enjeu véritable du point de vue de l’euphonie, à condition toutefois que le « e » muet final ne soit pas prononcé. L’usage est en train de se former : cette forme de féminisation s’appliquera-t-elle à tous les substantifs en « -eur » qui n’ont pas de féminin ? Il n’entre pas dans la mission de l’Académie d’anticiper sur les évolutions en cours, et qui ne manqueront pas de se poursuivre en fonction des transformations de la société et des mœurs.
[…] Les juridictions recourent encore aux termes « demanderesse » ou « défenderesse », « bailleresse » est encore en usage, mais « doctoresse », « notairesse », tout comme « mairesse », sont en train de disparaître (« docteure » a supplanté « doctoresse »)
[…] Un cas épineux est celui de la forme féminine du substantif « auteur ». Il existe ou il a existé des formes concurrentes, telles que « authoresse » ou « autoresse », « autrice » (assez faiblement usité) et plus souvent aujourd’hui « auteure ». On observera que l’on parle couramment de « créatrice » et de « réalisatrice » : or la notion d’« auteur » n’est pas moins abstraite que celle de « créateur » ou de « réalisateur ». « Autrice », dont la formation est plus satisfaisante, n’est pas complètement sorti de l’usage, et semble même connaître une certaine faveur, notamment dans le monde universitaire, assez rétif à adopter la forme « auteure ».
[…] Quant aux règles syntaxiques, elles conseillent d’accorder systématiquement les adjectifs et participes avec le substantif (« une conseillère principale », « une contrôleuse adjointe », « une directrice générale », etc.). »
J'arrête -là la reprise de ce document sur ces points grammaticaux qui, vous le savez, sont ma priorité absolue pour la bonne tenue de mon blog.
L'Académie Française relève le 2ème problème de la féminisation : celui des fonctions.
« On n’est pas sa fonction : on l’occupe. L’identification entre ce qu’est le titulaire d’une fonction et ce qu’il fait n’est jamais entière, dans la mesure où la personne en charge d’un mandat représente autre chose qu’ellemême. Un grade correspond de la même manière à un degré d’une hiérarchie : distinct de son détenteur (qui peut, sous certaines conditions, être dégradé), il est défini dans un statut et existe indépendamment de celui qui l’acquiert. Il est par ailleurs aisé, dans la plupart des cas, de distinguer la fonction du métier ou du grade : « professeur (de français, de mathématiques, de langues…) » est un métier, « agrégé de l’Université » est un grade, conféré par la réussite à un concours, et que l’on conserve même si l’on quitte la fonction publique ; « préfet » est un grade, « préfet de la région Normandie » est une fonction temporaire (la perdre n’implique pas l’exclusion du cadre préfectoral) ; « auditeur (au Conseil d’État) » est un grade, « rapporteur » est une fonction. Il faut enfin rapprocher les grades des titres, en particulier des désignations honorifiques exprimant une distinction de rang (il en va ainsi pour les degrés de la hiérarchie des ordres nationaux, qui confèrent à leurs titulaires un grade ou une dignité marqués par le port d’un insigne). »
C'est quelque peu tiré par les cheveux, mais cela se tient techniquement parlant. Sauf qu'en réalité, il existe des agrégées, des auditrices, des rapporteuses, …. et que finalement la distinction entre les deux n'existe pas vraiment.
C'est d'ailleurs ce que constate l'Académie Française. Il fallait qu'elle justifie son ancien truc de la « noblesse du grade et de la fonction » qui doit rester « masculine » parce que l'indignité, elle, est depuis Adam et Eve, féminine. Elle nous fait le coup de « l'implication juridique » (c'est un argument nouveau) mais qui ne tient pas vraiment : l'Etat ayant mis en place un guide de féminisation de ses fonctions depuis 1999, document publié par la "Documentation Française" d'une 100aine de pages que je vous ai trouvé ici. A l'époque de son édition l'Académie Française, avait crié au scandale fustigeant ce gouvernement de réglementer la langue derrière son dos.
« Il est indéniable que la langue a jusqu’à présent marqué une certaine réserve à féminiser les appellations correspondant aux fonctions supérieures de la sphère publique. Il ne revient pas à l’Académie française de chercher une explication théorique à ce fait de langue, mais il est clair que la situation est dans ce cas très différente de ce qu’elle est pour les noms de métiers courants et pour les noms de fonctions subalternes et médianes. » Cela toutes les féministes le disent aussi.
Sans rire (l'Académie Française est une institution sérieuse), elle continue ainsi :
« Les pratiques sont toutefois inégales selon les administrations ou les domaines de la sphère publique : les grands corps de l’État (inspection générale des finances, inspection générale de l’Administration, corps diplomatique et corps préfectoral) et les plus hautes juridictions (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour des comptes, Cour de cassation) sont dans l’ensemble engagés dans une libre féminisation des titres, grades et fonctions. Dans la plupart des cas, les appellations employées au masculin s’y prêtent aisément : « inspectrice » est de longue date implanté dans l’usage ; il en va de même d’« auditrice », de « conseillère » (mais on parlera de « conseillère maître » à la Cour des comptes…) – en revanche « maître des requêtes » (au Conseil d’État) ne se féminise pas, alors que « maîtresse de conférences » s’est imposé à l’Université.
[…] Il en va de même pour les grades ou dignités dans les ordres nationaux ou ministériels : si le Journal officiel recourt à des formes telles que « chevalière », « officière » ou « commandeure », celles-ci ne sont pas pour autant reçues dans l’usage."
Ceci juste pour aider les hauts grades ....
Quant à l'armée, contrairement aux idées reçues, la féminisation s'opère elle-aussi avec ses générales, ses colonelles, ses lieutenantes, … et autres commandantes. On bloque comme pour d'autres métiers au mot « chef » aussi bien pour « chef d'escadron » que « chef d'orchestre » tout simplement parce que l'usage hésite entre cheftaine, cheffesse (ancien terme) ou le tout simple « cheffe ». L'armée a coupé la poire en deux, comptant dans ses illustres rangs des sergentes-chef, ou des adjudantes-major.
Maintenant que vous avez compris que l'Académie Française ne s'oppose pas du tout à la féminisation des noms et que la République est sauve. Je vais me pencher sur la décision du Conseil de l'Ordre qui nous offre à nos yeux ébahis un premier motif.
Tout d'abord, le GODF se dit «propriétaire des rites » (cela d'ailleurs nous sommes nombreuses et nombreux à le regretter) et n'accepte pas cette féminisation puisque grande absente des rituels utilisés. (lire ici le premier article de François Koch, sur le blog "la Lumière")
On tombe de sa chaise. S'il y a bien quelque chose de constant dans les loges du GODF est bien leur difficulté à respecter un rituel tout court (c'est même parfois assez affligeant et sachez que je suis loin d'être une puriste).
De plus, autant que je sache, l'usage veut que les noms de plateaux soient abrégés sous la forme maçonnique.
Ainsi, il n'existe pas de moyen de vérifier si « Ora.°. » est au féminin ou au masculin … De même, comme je me suis tuée à l'écrire ces 6 dernières années – bon sang de bonsoir ! – cela coûte quoi d'accorder au féminin des mots qui existent en français comme orateur/oratrice, surveillant/surveillante, expert/experte, … et j'en passe ?
L'Académie Française le précise : le minimum requis est de respecter la règle des accords. Ce qui logiquement ne nécessite pas de philosopher trois siècles. Une "Soeur Expert" est que cela plaise ou non, pas du français mais du charabia.
Un rituel n'est, en outre, pas tout à fait la même chose et porteur du même sens que les règlements généraux d'une obédience. Ainsi, si les règlements généraux n'ont pas été corrigés, les rituels eux vivent leur vie dans une loge et désigne bien des êtres humains qui peuvent être des femmes ou des hommes – et être fiers et heureux de l'être, avoir envie de le revendiquer, et de l'exprimer – Je me demande à quoi cela sert d'être dans une loge mixte si le féminin et la féminité dérangent.
Un rituel respecte la règle de l'usage ... et celles et ceux qui travaillent dessus en ont pleinement conscience.
C'est le second article de François Koch (à lire ici) qui a, cependant, éveillé mon intérêt. Tout d'abord, on y apprend que le débat sur la féminisation des noms au sein du GODF a été introduit par une loge qui, ô rage !, s'appelle « Frédéric Desmons Laïcité » qui ferait presque croire aux fantômes et aux esprits réincarnés. Oui, je vais bien.
Celles (surtout celles) qui connaissent leur classique savent que c'est ce même Frédéric Desmons qui, en 1869, a porté le premier au GODF comme question au convent l'initiation des femmes avec Maria Deraismes comme éventuelle première initiée.
Finalement sa proposition a été refusée. Maria Deraismes, quelques années plus tard, a fondé l'actuel Droit Humain. A l'époque, très certainement, les frères expliquaient qu'ils devaient faire face à " une affaire qui risque d’être embêtante pour la suite de la vie de l’Obédience.» Ainsi, le GODF est passé à côté de l'histoire de l'entrée des femmes en franc-maçonnerie. Cela durant 150 ans.
A quelque part, après avoir pris comme titre distinctif un tel patronyme qui pour la plupart n'est que le nom d'un des très nombreux grands maîtres qu'a compté le GODF, il fallait lui faire honneur. Là aussi, on note une évolution - il leur a fallu quand même six ans - pour tenter une percée sur cette question douloureuse qui était rejetée massivement par les défenseurs de la mixité ; la féminisation des noms.
Toute une vie de retard sur moi - ce n'est pas rattrapable - , mais que 5 ans de retard sur l'Académie Française - qui n'est pas connue pour être l'institution la plus progressive - c'est cela la mixité au GODF.
Le GODF lors du convent de 2018 a voté une nouvelle fois contre la mixité. 69% des loges sont « pour ».
Il faut respecter la fameuse règle des trois-quart, soit pour que la proposition soit adoptée compter plus de 75 % des loges qui votent pour. Par rapport à 10 ans plus tôt, c'est un progrès – même si les votes des loges ont tous été annulés, considérés comme frauduleux pour une raison ou une autre par la "justice maçonnique" du GODF. Toutefois, à l'époque de Frédéric Desmons, l'opposition à l'initiation des femmes était certes majoritaire mais pas aussi affirmé que l'on le pense. Cela se tenait qu'à quelques voix de différence.
Toute chose égale par ailleurs, 69% des loges, pour une obédience qui ne cesse de nous expliquer combien elle a réinventé l'initiation des femmes est un score misérable.
D'ailleurs, à toutes fins utiles, connaissant les habitudes du GODF, nous ignorons comment fut organiser ce vote. A la va-vite à la fin du convent, genre à 21 heures, histoire d'assurer que la proposition ne passe pas ?
Imaginez que le Droit Humain vote une même question et nous sorte un tel score ! Ce serait scandaleux. François Koch est magnanime. Le GODF est, bel et bien, contre la mixité. Sur le coup-là, on ne peut pas faire mentir le Conseil de l'Ordre.
Une première partie a été gagnée (ou perdue) et la conséquence est directe :
« Au Grand Orient de France il n’y a pas de Loge mixte, il n’y a pas de Loge masculine, il n’y a pas davantage de Loge féminine(…) le Convent a voté contre la mixité, de même qu’il a voté dans la même séance contre la masculinité. » peut-on lire sur l'article de François Koch.
Autrement dit, les loges mixtes ne sont pas reconnues – tout au moins leur particularité qui est la mixité est jetée aux orties avec l'eau du bain et le bébé. Elles n'existent, tout bonnement, pas.
La GLDF utilise la même rhétorique : ce qui est créateur de la mixité n'est pas les frères mais les soeurs. Dire qu'il n'y a pas de loges mixtes signifient que les soeurs n'existent pas, du moins qu'ils n'existent pas de femmes initiées. Pour le GODF, ce doit un peu plus tordu : Dès lors qu'une femme est initiée, ce n'est plus une femme. La part féminine n'est pas initiable. Elle est comme tuée par l'initiation et cela devient des frères comme les autres, des hommes.
Il est aussi intéressant de découvrir, dans le cadre de ce débat, qu'il a été demandé aux loges du GODF, lors du convent de 2018 – et là, c'est se prendre une claque – de se déterminer sur « la masculinité ». En effet, cela n'a pas le même sens qu'un vote sur la mixité.
Il est communément admis que la mixité est acquise pour les loges du GODF qui le souhaitent. Tenter de passer à l'étape suivante, soit que toutes les loges deviennent mixtes, reste une proposition qui ne choque pas et se présente même comme logique.
Par contre, faire voter les loges sur la « masculinité » a un tout autre sens. Si les loges avaient voté « pour » une masculinité qu'aurait-il fait des sœurs ? Est-ce que la question suivante était : comment se débarrasser des soeurs du GODF ? Pourquoi poser une telle question aux loges s'il n'y avait pas une intention de ce type ?
On en voit d'ailleurs une première utilisation de ce vote : la mixité n'existe pas au GODF.
C'est au moins un intéressant signal d'alerte : il y a quelques forces, des frères ou des loges, qui souhaitent supprimer non pas les loges « mixtes » mais les quelques milliers de sœurs, présentes dans les loges. C'est d'ailleurs le plus simple pour que la mixité n'existe (réellement) pas.
Autre contradiction de taille. Une femme initiée au GODF peut-être une sœur, mais jamais elle ne pourra être une apprentie, une compagnonne, une maîtresse, une trésorière, une secrétaire, une surveillante, et ne parlons pas qu'elle n'a aucune chance de devenir un jour conseillère de l'ordre … au nom de l'universalisme. Pourquoi n'appellent-ils pas les sœurs « des frères » comme le font très bien, au demeurant, les loges féminines anglaises ? Ce qui nonobstant me fait aussi hurler.
Après tout, cette reconnaissance du genre des sœurs ne nuit-elle pas autant à l'universalisme qu'un emploi du féminin ?
Or, ce qu'il en ressort est parfaitement exprimé à la fin de l'article de François Koch. Cela résume en une seule phrase : nos frères ne sont pas encore prêts. Ces pauvres petits ont besoin de temps. Ils sont au bord de la route, dépassés par l'évolution de la société. Récalcitrants au changement … Il faut y aller tout doucement. Parce que si la société elle avance, eux reculent, freinent des deux pieds, se montrant ultra-conservateurs ...
Ne venez pas me dire que la féminisation des noms n'est pas un débat prioritaire. Le Conseil de l'ordre estime lui que c'est une situation bien embêtante pour la suite de la vie du GODF. Cette question est, pour lui, à la fois dangereuse et cruciale.
Alors que toute la société y compris l'Académie Française a acquis le principe d'une féminisation des noms de métiers et de fonctions à tous niveaux sans que cela nuise à l'Universalisme Républicain (avec toutes les majuscules), le GODF – tout au moins son Conseil de l'Ordre – lui y voit un véritable risque. Ce que l'on constate est qu'il est complètement arriéré et que sa définition de l'Universalisme est à la hauteur de son mode d'élection du Grand Maître : il n'a jamais quitté la Troisième République.
De plus, nous découvrons avec une certaine inquiétude que les conseillers de l'ordre, fut-ce t-il énième troisième sous sous grand maître adjoint de l'adjoint ont aucune connaissance même de l'origine du mot "franc-maçonnerie" et par conséquent de "franc-maçon" ou "franc-maçonne".
« Franc-maçonne » se dit très bien depuis plus de 60 ans à la Grande Loge Féminine de France sans que cela perturbe l'universalisme républicain. Comme le signale François Koch, cette féminisation est reconnue par le dictionnaire Larousse.
Le Droit Humain, à ses débuts, utilisaient volontiers le féminin. Maria Deraismes fut la première franc-maçonne en France. Le Droit Humain a compté plusieurs Grandes Maîtresses. Ce qui n'est pas rien. Le féminin est utilisé dans des loges au Droit Humain dans d'autres pays francophones, dont le Québec. Il n'est donc pas spécifiquement interdit.
Toute la littérature sur la franc-maçonnerie dites « d'adoption » démontre un usage du féminin courant et mentionnaient la présence en loge de franc-maçonnes. Les soeurs francs-maçons n'existent, en réalité, que depuis la seconde moitié du 20ème siècle, quelque part après la Seconde Guerre Mondiale. Interdire la féminisation des noms, comme vient de le faire le Conseil de l'Ordre, n'est pas respecter "la Tradition" (et on remarquera que le GODF utilise aussi la Tradition contre les soeurs), mais bien au contraire.
Rappelons aussi que « franc-maçonnerie » est invariablement un mot féminin … et ne se dit pas, de nos jours, franche-maçonnerie. D'après mon dictionnaire étymologique, le mot "franc-maçonnerie" apparaît la première fois qu'en 1747 - avant on parlait de "franche-maçonnerie".
Il existait, effectivement – mais c'était bien avant le GODF – une « franche-maçonnerie » … et donc des « franches-maçonnes » ... La première loge dites d'adoption connue de nos jours apparaît en 1740 (Bordeaux).
"Franc" est un mot qui apparaît en 1080 (toujours d'après mon dictionnaire d'étymologie). Tout au long du Moyen-Age, il signifiait "libre". Son sens dérivé 'dire ouvertement ce qu'il pense" apparaît cependant au XIIème siècle. Son féminin est "franche" comme les "zones franches" ou "villes franches". ..."Franc" désignait une catégorie juridique d'hommes et de femmes, ou de régions, c'est-à-dire libres de tous servages. Les hommes ou les femmes "francs" pouvaient être reçus dans une corporation de métiers. L'interdiction d'initier des esclaves et des domestiques dans la Constitution d'Anderson vient de là.
"Franc" a donné lieu à de nombreux dérivés, comme "franchir" au XIIème siècle qui a avait pour sens "libérer", pour être remplacé par "affranchir" au XVème siècle. Le sens moderne "franchir un obstacle" n'apparaît qu'au XIVème siècle. Apparaît ainsi "infranchissable"en 1792, mais aussi la "franchise" au XIIème siècle. "Franc" a donné aussi le mot "franquette" vers 1650, dans "à la bonne franquette" en 1750, soit "librement", "libre de tous protocoles". e
Aujourd'hui, le sens moderne de "franc" le plus courant est "honnête". Toutefois, il existe encore des expressions soient d'ordre juridique comme "zones franches" (libres de toutes taxes) ou encore "franc de port" (libre de tous frais de port), par exemple. Pour ce qui nous concerne, "franc" dans "franc-maçonnerie" ou encore "franc-maçon" a toujours le sens de "libre" ou d'émanciper.
On peut se mélanger les pinceaux avec le "franc" de "français" ou encore de "France". Les deux mots ont la même origine, le francique "frank" du peuple les francs (germains) qui fut latinisé en francus. Son féminin est dans ce sens "franque" (une région franque, une femme franque, une royauté franque) et a donné lieu aux dérivés "franciser" (XVIème siècle) ou encore "francisation" en 1796. Si le féminin de franc en "franche" est toujours utilisé, "franque" ne l'est plus - du moins se réfère qu'à une période de l'Histoire de France.
"Franc" dans "franc-maçonnerie" n'est pas vraiment un invariable. Je peux écrire "francs-maçons" ou "franc-maçons" au pluriel sans que quelqu'un m'arrache un oeil. Par contre, comme vient de nous l'illustrer parfaitement le sous troisième adjoint grand maître adjoint, la plupart des francs-maçons ont oublié ce que "franc" signifie. Ils sont peu nombreux à ouvrir un dictionnaire de temps à autre ou encore à consulter des vieux rituels. Il est devenu un invariable quelque part vers la fin du 18ème siècle et totalement au 19ème siècle.
Cependant, "maçon" a toujours accepté le féminin de "maçonne". "Maçon" est aussi un mot d'origine francique, makon, qui a été latinisé très exactement au VIIème siècle par Isidore de Séville qui avait pour sens "préparer l'argile employée dans la construction de parois". Il signifiait "faire" et a donner le mot allemand "machen" et le mot anglais "to make". Les dérivés "maçonner" apparaît en 1220, maçonnage en 1250 et enfin maçonnerie en 1280.
Les mots "franc" et "maçon" ont une même origine et semblent avoir traversé les frontières dans un sens comme dans un autre. "franc-maçonnerie" apparaît sous cette forme, en français, dès le 13ème siècle dans un texte relatif aux règlements d'une corporation de métiers qui n'acceptait que des hommes "libres de tout sevrage".
L'Académie Française reconnait le droit de l'usage dans l'évolution du français. Elle ne s'autorise même plus à imposer quoique ce soit concernant la féminisation des noms et fonctions. Ainsi, de quel droit le Conseil de l'Ordre du GODF impose aux loges et aux 50 000 frères et soeurs, un certain usage du français - et en conséquence, un rejet massif de la féminisation des noms ?
J'ai cherché. Je n'ai trouvé personne qui s'opposait à la féminisation des noms. Aucune religion, aucun mouvement conservateur; masculiniste, sexiste ou encore d'extrême-droite n'oseraient s'y opposer. Certes, peut-être qu'un Alain Soral ou un Eric Zemmour, sexistes notoires, ne supportent pas cette féminisation des mots s'opposant ainsi à la féminisation de la société.
J'ai cherché. Je n'ai trouvé aucun autre communiqué d'une association, d'une institution, d'un ministère, qui interdirait la féminisation des noms à ses usagers pour quelque motifs que ce soit.
Les seuls qui s'illustrent ainsi, c'est l'actuel Conseil de l'Ordre du GODF. Dogmatique, me semble être un mot trop doux.
Femme, féminin et féminité : le genre introuvable? - La Maçonne
Ici du site egaligone.org Depuis quelques temps, je possède le dernier numéro du magazine " Humanisme " (numéro 309, novembre 2015) qui est pour le GODF ce qu'est " Point de Vue Initiatique " po...
http://lamaconne.over-blog.com/2016/01/femme-feminin-et-feminite-le-genre-introuvable.html
Ah ! Si les femmes étaient des frères ... - La Maçonne
Gérard Contremoulin, sur son blog " Sous la Voûte étoilée ", http://www.souslavouteetoilee.org/2014/03/la-franc-maconnerie-a-t-elle-un-genre.html a produit un très court article invitant à un...
http://lamaconne.over-blog.com/2014/03/ah-si-les-femmes-etaient-des-freres.html