20 Juillet 2019
Tout en écrivant mon article publié ce jeudi, je suis tombée par hasard sur des critiques à l'égard de « Médiapart », média exclusivement en ligne, payant et qui se fait fort de soulever quelques scandales politico-financiers.
Comme l'étude des médias est mon dada, mon petit vice personnel, mon activité secrète, je me suis interrogée autant sur le fond et la forme de ces critiques qu'elles soient personnelles ou faites par d'autres médias.
Tout d'abord, c'est un journaliste Pascal Jalabert sur LCI qui demande à un journaliste de Médiapart de révéler ses sources, faisant bondir toute la profession y compris ses collègues.
C'est ensuite – sans surprise – BFM-TV qui grince des dents, estimant que, sur le coup-là, Médiapart est allé trop loin.
On pourra, d'ailleurs, à ce propos s'amuser à parcourir la critique de « Arrêt sur Image ».
Ces médias nous font le coup du héros, laminé par les critiques ….
De gravité relative – inviter ses copains à manger du homard n'est pas nécessairement puni par la loi – au bout du compte, De Rugy a été contraint de démissionner de sa fonction de ministre.
Est-ce que le but (recherché et secret) de Médiapart est de faire démissionner des ministres de la macronie arrosés par divers scandales ? Je ne saurais le dire …
Ce n'est d'ailleurs par le premier des ministres de Macron et au sens large de la Vème République qui se fait rattrapé par ses petites affaires. D'ailleurs, si la macronie semble dépasser tous les records, c'est aussi notre relation avec les hommes et les femmes politiques qui a évolué. Ils ne sont plus des illustres intouchables … De Rugy est d'ailleurs un de ces personnages parfaitement inconsistants et médiocres que semble apprécier Emmanuel Macron, qui nous donne le sentiment que l'on est tous bien plus intelligent. Nous soignons nos complexes. Ça, finalement, c'est bien, non ?
Les français demandent une politique saine, honnête et à leur service. A défaut d'être à leur service, d'être honnête, ils se contentent des révélations des journaux sur Pierre, Paul ou Jacques. Cette fois, cela a été le tour de François.
Médiapart n'est pas allé plus loin que d'ordinaire. Pas plus qu'avec Cahuzac ou encore Fillon. Cahuzac a été condamné à la prison, commué au port d'un bracelet électronique.
Quant à François Fillon, il est mis en examen.
Pour l'un comme pour l'autre, sans les révélations des médias, ils vivraient actuellement des jours heureux sans être inquiétés par l'ombre d'une enquête. Cela pose question sur le contrôle des politiques qu'ils soient ministres ou parlementaires que ce soit au niveau des partis politiques eux-mêmes ou, encore, au niveau des institutions de l'Etat. Force est de constater que les différentes lois sur la « transparence » ne suffisent pas. A priori, les médias – du moins certains d'entre eux – se chargent de pallier à ces lacunes. Peut-être est-ce cela qui dérange ? Ces lois qui nous sont vendues comme imparables montrent leurs limites.
Le niveau de confiance des français à l'égard de leurs médias n'a jamais été aussi faible, selon une étude de Reuters Institute (que vous pouvez trouver en cliquant ici) qui classe ainsi 38 pays. Le taux de confiance des français est de 24 % et a perdu 11 points par rapport à 2018. Elle se classe bonne avant-dernière juste avant la Corée (!). Le taux de confiance à l'égard de BFM TV est de moins de 5% et se classe ainsi en dernière position des médias « préférés » des français. La cause de cet effondrement est la couverture des manifestations « Gilets Jaunes ».
A titre comparatif, 40% des britanniques ont confiance en leurs médias, les belges ont un taux de confiance de 49% et les allemands affichent quant à eux, 47%.
Les médias en France n'ont aucun impact sur l'opinion publique. Ainsi, imaginer que c'est « à cause de Médiapart » que De Rugy a été contraint de démissionner, c'est mentir. Il a démissionné parce qu'il s'est planté comme tous les politiques falots dans sa com'.
A la lueur de ces données, lire des articles de médias attaquant un autre média comme Médiapart, qui joue son rôle de lanceur d'alerte, peut paraître complètement hallucinant.
En effet, si les français se méfient de leurs médias, ils sont convaincus à hauteur de 47% qu'ils jouent leur rôle de « chiens de garde » ( watchdog rôle que c'est écrit dans le rapport) vis-à-vis du pouvoir.
Ces critiques risquent de paraître complètement contre-productives et desservir les quelques médias qui jouent ce jeu dangereux. En effet, le projet de réforme de Macron sur la Liberté de la Presse a pour objectif de limiter les investigations et de décider ce qui, selon lui, est bon de publier ou pas. Pour que la presse française puisse rester libre, il faudra qu'elle devienne étrangère. Ce qui pour les médias sur le net n'est pas compliqué.
Derrière cela, la question est évidemment économique. Médiapart prend des parts de marché non négligeables, alors que bons nombres de médias – dont « L'Express » et on peut aussi parler de « l'Humanité » - connaissent des difficultés, n'hésitant pas à licencier des journalistes. Le « scoop » De Rugy est, bien évidemment, une perte-sèche pour ces médias, soit en abonnement direct ou encore en annonceurs. Casser un (autre) média, c'est casser un concurrent.
Certes, on peut aussi considérer – à juste raison – qu'il s'agit, là encore, d'un moyen de soutenir Emmanuel Macron, affaibli par une « nouvelle affaire » en France comme à l'étranger. Les plus grincheux sont d'ailleurs bien ceux qui soutiennent Emmanuel Macron. Cela fait effectivement beaucoup en si peu de temps : l'affaire Benalla dont on a apprécié les nombreux épisodes, les manifestations des Gilets Jaunes, le désastre Nathalie Loiseau aux Européennes et par la suite, et maintenant De Rugy mais aussi on peut ajouter les insultes de Benjamin Griveaux à l'égard de ses collègues LREM … mais aussi au sujet de Vesoul, épisode lui révélé par « Le Point » qui bizarrement n'est pas attaqué pour ses révélations.
Forcément, cela énerve.
Cependant, limiter la critique de Médiapart à des histoires de jalousie entre médias ou journalistes, ou encore aux rares et téméraires partisans de Macron, c'est considérer que le monde politique n'est qu'une soupe.
Les partis politiques sont eux-mêmes en pleine mutation. Trouver des têtes de liste bien proprettes devient compliqué. L'expérience Fillon est un exemple. Médiapart au même titre que d'autres médias – car il n'est pas le seul – peut déstabiliser n'importe quelle élection à l'avenir.
C'est certainement cela qui fait peur. Les homards sont cuits.