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La Maçonne

De l'eugénisme, du nazisme à la théorie du grand remplacement.

Pour comprendre en quoi la « théorie du grand remplacement » de Renaud Camus, défendue par Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut et leurs supporters, est dangereuse pour la société en sus d'être d'un racisme radical, il faut remonter aux pires thèses de l'eugénisme qui ont servi de base au nazisme. 

L'eugénisme n'est pas une invention du nazisme qui n'a fait que reprendre à son compte une série de théorie qui circulaient dans de nombreux pays, dont la France.  

L'eugénisme en France. 

L'eugénisme repose sur l'hypothèse qu'une catégorie d'êtres humains porteraient des gènes nuisant à une supposée pureté d'une race ou encore une autre catégorie de personnes considérée, par les eugénistes, comme supérieure. 
 
Ainsi, fin du 19ème siècle, parallèlement à l'industrialisation de l'Europe, les théories eugénistes concernaient les européens, opposant une classe sociale à une autre. Jusqu'au début des années 1930, l'eugénisme français a produit toute une théorie hygiénistes et sur la natalité, se voulant positive. On leur doit l'examen médical pré-nuptial afin de vérifier que les futurs mariés n'étaient pas touchés par une maladie honteuse et contagieuse (je nomme la syphilis) ou encore le fameux « carnet de santé » (1939) que le régime de Vichy a utilisé comme moyen de contrôle de la population. 

 

De politiques natalistes d'après la Première guerre mondiale, des préoccupations sanitaires qui ont suivi, l'eugénisme s'est finalement tournée vers une mesure que l'on n'imagine même plus de nos jours :

le calcul de la valeur sociale d'un individu, soit sa productivité auquel on soustrait la somme de ses frais.

Lors de la session d'ouverture du cours libre en hygiène sociale de 1932, intitulée « L'avenir et la préservation de la race : l'eugénique »,  Sicard déclara : « II est puéril en effet de mesurer la vigueur et l'avenir d'une population uniquement par le nombre des naissances que l'on enregistre chaque année. Ce qui constitue la valeur d'une nation, c'est le nombre des adultes sains en état de travailler, de produire et de se reproduire sainement; ...ce qu'il faut envisager, c'est bien moins le nombre que la qualité ». 

Il considérait que « ...la natalité des classes pauvres est beaucoup plus considérable que celle des classes riches (...). La misère est, avec l'alcoolisme, la syphilis et la tuberculose, un puissant facteur de dégénérescence (...) et les enfants des classes ou populations pauvres présentent, par rapport aux enfants des classes ou populations riches ou aisées, une infériorité de développement physique, intellectuel ou moral (...), résultat surtout des fatigues et des privations de la mère pendant la gestation, d'une alimentation insuffisante dans le jeune âge, des mauvaises conditions de logement, du travail précoce et mal encadré » 
«... cette infériorité ne disparaît pas avec l'âge, se transmet par hérédité, et s'accentue de génération en génération » 

Ainsi, il estimait que la famille de classe inférieure avait en moyenne cinq enfants par couple tandis que la famille supérieure n'en avait que deux, dans deux générations les descendants de la moitié inférieure de la population représenteraient 85 % de la population et, en cinq générations, 99 %. De ce scénario, Sicard concluait : 
« Le péril grave qui menace les nations civilisées c'est la disparition des classes supérieures, la disparition des élites, la submersion des classes les mieux douées, les plus intelligentes et les plus capables, par les classes inférieures » 
«Notre système d'assistance », disait Sicard, « favorise la multiplication des classes inférieures et va directement à rencontre de la sélection naturelle et du progrès de l'espèce ». 

Aux côtés de Sicard de Plauzole, décédé en 1968 (assez de temps pour qu'il comprenne que l'on ne comptait pas le remplacer), médecin et professeur, président de la Ligue des Droits de l'Homme, on trouve Justin Godart, avocat et député, puis maire de Lyon socialiste, mais aussi Victor Basch, qui fut le cofondateur puis le Président de la Ligue des droits de l'homme, plusieurs députés et sénateurs, ainsi que de nombreux médecins, dont Henri Toulouse, psychiatre distingué et chef de la Ligue nationale française de l'hygiène mentale.

Ces derniers, pour éviter ce « péril grave », militaient pour la libéralisation des moyens de contraceptions … 
Cette précision historique pour souligner que l'eugénisme sous couvert de natalité, de contraception ou encore de considération sanitaire, n'a jamais caché son intention première quelque soit le milieu et le programme proposé. 
Les « pauvres » étaient pauvres parce qu'ils étaient programmés génétiquement à l'être et/ou ne méritaient que de l'être. Plus nombreux, accusés (à tort) de faire plus d'enfants que la classe des « élites », Sicart et ses amis les considéraient comme la cause d'un déclin national. 

Lorsque l'on entend aujourd'hui certains discours politiques, qui ne peuvent être classés comme situés à l'extrême-droite, le pauvre subit le même mépris résonnant comme un racisme. Ces derniers mois, il n'a jamais été autant attaqué . Accusé d'« achèter des écrans plats plutôt que des affaires scolaires » (Blanquer),  sur « les gens qui ne sont  rien » opposés à « ceux qui réussissent » ou pour terminer la “majorité de femmes pour beaucoup illettrées” [de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau (Finistère)] (Macron); ou en menant des politiques (comme celle de l'assurance chômage) touchant les plus démunis, le racisme anti-pauvre est toujours une réalité imprégnant nos politiques actuelles – cela sans pour autant être eugénistes (quoique ?). 

Toutefois combien pensent que les classes populaires font des enfants juste pour le plaisir de toucher des allocations familiales ou encore qu'avec un peu de volonté on ne devient pas pauvre ? 

Rapidement, l'autre question taraudant les eugénistes fut l'immigration. Suite à la première guerre mondiale, une immigration venant des pays de l'Est et du Moyen-Orient a permis la reconstruction du pays. En 1930, 11% des travailleurs étaient issus de l'immigration et jusqu'à 40% dans les mines et la sidérurgie.  Entre le chômage (crise de 1929) et les courants extrêmistes de droite, l'immigration est devenu un problème.

Lors de la Première Guerre mondiale, les médecins ont constaté une répartition différente des groupes sanguins suivant l'origine géographique. Est ainsi né la « séro-anthropologie » faisant courir des chercheurs d'un bout à l'autre du globe pour échantillonner les populations, espérant ainsi avoir un élément pour définir « la race ». 
René Martial, un médecin de santé publique comme Sicard de Plauzole, expert en santé et en immigration pendant les années vingt, a vu, dans cette technique, un nouveau moyen de trier les immigrés potentiels. 
Voici résumé ses recommandations , dans son livre, La race française :

« Gardez les "O" et les "A", éliminez les "B", ne gardez les "AB" que si l'examen psychologique est favorable». Les juifs et les immigrés des pays de l'Est étaient directement concernés. 


Le premier a parlé, en France, de stérilisation des populations immigrées était Charles Richet. Lui aussi président de la société Eugénique, prix Nobel en 1913, dans son livre «  La Sélection humaine » , il écrivait : « Lorsqu’il s’agira de la race jaune, et, à plus forte raison, de la race noire, pour conserver, et surtout pour augmenter notre puissance mentale, il faudra pratiquer non plus la sélection individuelle comme avec nos frères les blancs, mais la sélection spécifique, en écartant résolument tout mélange avec les races inférieures », ..., « après l'élimination des races inférieures, le premier pas dans la voie de la sélection, c'est l'élimination des anormaux »

Début des années 30, suite aux législations américaines mais aussi suédoises, l'idée de la stérilisation est devenu une des préoccupations des eugénistes. 
L'objectif était d'éliminer les « innombrables déchets de la vie, les malades, tels que les tuberculeux, les tarés incurables, les fous et aussi ces dangers sociaux de la névrose, de l'alcoolisme », et plus loin « ces pathologiques moraux que sont les criminels et les aliénés sociaux ». 
Si les bonnes âmes se sentaient concernées par les stérilisations « sociales » des femmes pauvres, ayant déjà des enfants, les stérilisations pour des motifs « économiques » ou « judiciaires » ou même « raciales » étaient considéré par trop extrême. Certains des médecins interrogés préconisaient plutôt des camps de travail où les sexes seraient séparés ou l'interdit des mariages grâce aux examens pré-nuptiaux. 

Ceci pour préciser que la loi nazie de 1933 de « préservation de la race » ne choquèrent pas les eugénistes français et n'était considérée comme une loi supplémentaire à celles existantes en Europe (Suisse, Suède, Angleterre, …). 

Les pays scandinaves ont, quant à eux, maintenu une politique eugénique jusqu'à très récemment. Là encore, basée sur de sérieuses études scientifiques, il était assuré qu'une partie de la population possédait des tares réelles et risquant de conduire le pays dans une nuit longue. Cette politique eugéniste sera soutenue autant à droite qu'à gauche d'où son étonnante pérennité (jusqu'en 1977).  On constatera que, même si le consentement est nécessaire, 50% des opérations peuvent être considérées comme forcées (sur les mineurs et personnes en institution) ou suivant un chantage (sortir de l'institution, obtenir le droit d'avorter, menace de confiscation des droits parentaux). 
L'eugénisme – d'autant plus que le sujet « humain » n'est pas un animal comme un autre – est toujours emprunt d'une forme de racisme soit de classe, sociale, soit touchant les origines ou la culture. 

 

L'eugénisme des nazis. 

L'Allemagne a connu la même évolution qu'en France (et certainement comme tous pays européens), considérant qu'une partie de la population était « inutile », « tarée », « inaptes ».

L'idée étaient de préserver la « race allemande » - plus exactement « l'élite » comme notre français Sicart. Au fil des décennies du début du 20ème siècle, demandant soit des contrôles de naissances, des stérilisations forcées, des internements à perpétuité, … les mouvements eugénistes allemands comme européens avaient publiés une somme d'articles et d'ouvrages édifiants. 

Pour Hitler, la race se définit exclusivement par l'usage de la langue allemande. La germanisation, comme on souhaite aujourd'hui l'expliquer, n'était pas dans son programme. Les populations n'ayant pas la langue allemande comme langue officielle sont considérées comme inutiles et nuisibles à la « race allemande ». Il expliquait dès 1933: « Nous ne connaissons pas la notion de germanisation {den Begriff des Germanisierens). La mentalité des siècles passés, où l'on pensait pouvoir peut-être transformer des Polonais ou des Français en Allemands, nous est étrangère » 

En mars 1935   dans un discours, il précisera : « A la fin, le sang est plus fort que tous les documents en papier (Am Ende ist das Blut stärker als alle papiernen Dokumente). Ce que l'encre a écrit sera un jour effacé par le sang. Cette voix, qui est la plus profonde, couvrira à la fin clairement tous les autres sons ». 

Hitler s'inspirera des travaux de  Hans F.K. Günther, qui mourut tranquillement en 1968 après avoir continué à diffuser ses théories racistes. 
Günther a ainsi définit une classification des races — fondée sur des caractères  physiques (taille, couleur des cheveux, des yeux, dimensions du crâne, etc.) auxquelles il a déterminé des caractéristiques psychologiques. 

Il sera l'inspirateur du nazisme traduisant ainsi son eugénisme, estimant en pourcentage ce qui, selon lui, serait dans le sang (pas si pur, n'est-ce pas ?) des allemands. Hitler, conscient de cette état de fait, le déplorant, souhaitera à le rendre plus pur  d'où sa sordide politique eugéniste.

La construction de la pensée raciste de Hitler va jusqu'à considérer qu'il est lui-même « nordique  spirituellement ». Plus exactement, alors qu'il n'avait pas le physique "nordique", lui - comme d'autres de valeurs - prouvait de leur caractère nordique par leur réussite et leur personnalité. 


Himmler, qui sera un élément clef du nazisme et de sa politique d'extermination, estimait nécessaire de faire un « tri racial » croyant en une possible germanisation d'une partie des populations des pays envahis.  L'idée est que dans les pays occupés, il y aurait quelques individus ayant les qualités nécessaires.  Il s'agissait bien entendu des enfants, qui arrachés à leurs mères, devraient être éduqués en Allemagne. Quant aux autres, ils devront croupir dans l'ignorance, devant apprendre à peine à savoir compter jusque 500, écrire leur nom et surtout se devant obéir aux allemands. «Je ne considère pas qu'il soit nécessaire de leur apprendre à lire », écrit Himmler. 

Peu importe d'ailleurs, l'origine exacte du racisme et de la politique eugéniste de Hitler, il est intéressant de comprendre que les scientifiques allemands y ont rapidement adhéré, certains ayant même, en quelque sorte, préparé le terrain. 

En 1929, Harry H. Laughlin (1880, 1943), un des dirigeants de Cold Spring Harbor – centre de recherche fondé par Charles Davenport en 1904 – publie en Allemagne un article sur les stérilisations eugéniques légales pratiquées aux Etats-Unis. Les idées de Davenport ont permis de fonder l'ERO (l’office des archives eugénistes) en 1910 à Cold Spring Harbor dont le but est de compiler le « pedigree » de milliers de familles. Ce centre d'études, financés par la famille Rockfeller et ensuite la famille Carnegie, fermera en 1939. 

Les suggestions politiques radicales de Harry H. Laughlin ont également provoqué des tensions au sein et autour de l'ORE. Il était connu pour avoir présenté des preuves frauduleuses pour soutenir les politiques de stérilisation forcée. Par exemple, après avoir été nommé au comité de la Chambre pour l'immigration, Harry H. Laughlin a tenté de convaincre le comité qu'il existait des gènes de qualité inférieure provenant des régions du sud et de l'est de l'Europe. Par conséquent, la loi Johnson-Reed a été adoptée en 1924, ce qui a empêché l'immigration en provenance de ces régions. Harry Laughlin a également plaidé pour la stérilisation obligatoire au niveau de l'État. Plus de 35 États ont approuvé ces lois et de nombreuses personnes ont été stérilisées avant que les lois ne soient abrogées. 

La Rockfeller Foundation, dès 1927, avait fondé en Allemagne, ce qui deviendra une institution médicale la plus importante « Kaiser Wilhelm Institute of Anthropology, Human Genetics, and Eugenics », dont le directeur fut Eugen Fischer, proche de Davenport.

C'est sous la direction de Eugen Fischer que fut organisé la stérilisation forcée des "batards de Rhénanie", c'est-à-dire des enfants nés de femmes allemandes et de militaires français et noirs, en 1937. 

En 1929, ils invitèrent Mussolini a mettre en place rapidement les mesures eugénistes en Italie. 

Le nazisme, en arrivant au pouvoir, avait donc à la fois des moyens médicaux et matériels suffisants, mais aussi bénéficiait d'un terrain idéologique qui lui fut fort utile pour ne pas inquiéter ni les allemands, ni les pays voisins. 
En 1933, une propagande était lancée sur le coût des malades mentaux dans laquelle on affirmait que les soins apportés à ces « inutiles » et leurs coûts permettraient de faire vivre une famille de trois enfants. 
Entre 1935 et 1937, l'Office politique et racial produit six films comportant des scènes propres à édifier le public allemand et à le convaincre de « la nécessité d'éliminer la lie de la société pour le bien de la population tout entière », les « vies indignes d'être vécues » visant, en particulier, les handicapés. 
Ainsi, sont éliminé systématiquement les enfants mal formés. 

En 1934, après avoir tué des enfants mal formés est mise en place les stérilisations forcées des femmes qui seraient porteuses d'une incapacité quelconque à porte des enfants « sains ». 400 000 femmes en ont été victimes. 
En 1935 est mis l'interdit des mariages inter-raciaux. Ainsi, les mariages entre Juifs et citoyens de sang allemand ou apparenté sont interdits. Les relations sexuelles extra-conjugales entre Juifs et citoyens de sang allemand ou apparenté sont interdites.  De même, considérant la culture "noire" comme inférieure, durant cette période, les musiques comme le Jazz fut interdit. 

Trouvant la stérilisation forcée insuffisante, Hitler met en place l'Aktion 4. Dès 1939, des chambres à gaz sont construites dans six asiles. Des millions de personnes, acheminées dans des convois spéciaux, sont ainsi tuées par les médecins allemands. Les actes de décès sont falsifiés, permettant de toucher les frais de soins et les familles reçoivent une urne funéraire afin de leur interdire toute autopsie. 
Dès le début de l'Aktion T4, les patients juifs font l'objet d'un sort particulier : concentrés dans quelques asiles, ils sont presque tous gazés à Brandebourg-sur-la-Havel à partir de juillet 1940. 250 000 malades sont ainsi assassinés entre 1939 et 1945. 


La « théorie du grand remplacement » de Camus (Eric Zemmour, Alain Finkielkraut)

La « théorie du grand remplacement » de Camus, soutenue par Eric Zemmour ressemble, comme une sœur jumelle, aux théories eugénistes et s'approchent dangereusement celles du nazisme.

Il y aurait, selon eux, un « remplacement » d'une population par une autre, soit par des naissances nombreuses ou le métissage. Bien sûr, cette soi-disant nouvelle population est, pour paraphraser nos eugénistes du début du siècle dernier, un « grave péril » accentuant le « déclin » de la France. 
Là encore, comme nos eugénistes français dont Sicart, le taux de natalité est envisagé entre une population (les français) et une autres (les immigrés). Taux de natalité basé sur un pif au mètre à la noix que nous rapporte le journal extrêmiste de droite Causeur.
En effet, les femmes issues de l'immigration font autant d'enfants que les autres.

Pour boucler la comparaison, je me dois me baser sur cette citation de Causeur qui défend âprement la théorie raciste en expliquant : « Si certains individus qui s’en réclament sont évidemment susceptibles de s’inscrire dans une perspective raciste, considérer que la notion elle-même est une « théorie raciste » apparaît fallacieux. Le concept de grand remplacement renvoie avant tout à une dimension culturelle, aux mœurs et aux modes de vie. » Ce n'est donc, selon eux, pas raciste … 

Si vous avez lu avec intention cet article, Hitler – lui même suivant l'explication de Causeur – ne pourrait pas être considéré comme raciste ! 
Pour lui, les populations qui parlaient allemands appartenaient la grande « race aryenne » ou « nordique ». Plus exactement, il considérait que la culture primait, plus exactement la langue - plus encore que le physique (la biologie), s'estimant lui-même de la "race aryenne spirituellement". 


Ceci dit, il était en plus de cela un raciste biologique, puisqu'il ne croyait pas en la germanisation des populations vaincues et donc à leur intégration dans le futur grand empire allemand. 
Il faut croire que les tenants du « grand remplacement » à l'instar d'Hitler ne croient pas plus à l'intégration des personnes issues de l'immigration à un aussi petit pays que la France (même s'ils maîtrisent le français). 

N'oublions pas, de plus, que les différentes analyses concernant la racisme contemporain ne repose plus que la biologie (racisme biologique) mais sur des considérations culturelles et identitaires. La France soi-disant « chrétienne » est d'ailleurs un élément de langage de ces racistes. 


« Celle-ci pose à la France des problèmes particuliers, dans la mesure où la culture politique de notre pays est particulièrement hostile à tout ce qui semble vouloir installer des différences culturelles dans l'espace public. Dans des pays ayant une autre tradition, anglo-saxons notamment, combattre le racisme culturel, c'est plaider pour que la différence culturelle des groupes concernés, au lieu d'être un prétexte à exclusion, ségrégation, discrimination raciale, soit reconnue, et puisse bénéficier d'une présomption de légitimité ;... » explique Michel Wieviorka (in La production institutionnelle du racisme. In: Hommes et Migrations, n°1211, Janvier-février 1998. Le racisme à l'oeuvre. pp. 5-15 DOI : https://doi.org/10.3406/homig.1998.3090) 


Et de continuer plus loin, « Ces deux perspectives, celle du racisme institutionnel et celle du nouveau racisme, méritent certes débat ; la première, parce qu'en insistant sur le caractère systémique de la discrimination et de la ségrégation, elle peut exonérer les acteurs du racisme, qui disparaissent du champ de l'analyse : à la limite, personne n'est raciste,  [...] Quant au thème du racisme culturel, il ne désigne pas nécessairement des phénomènes d'une grande nouveauté, et plutôt que d'y voir le nouveau racisme proprement dit, il vaut peut-être mieux y trouver l'idée d'une composante de toute expérience de racisme, mais jamais unique, nécessairement combinée à une autre, d'infériorisation, et jouant un rôle dominant dans les expressions contemporaines du phénomène. » 

Pierre-André Taguieff lui expliquait déjà en 1988 : « Les nouveaux modes de légitimation du racisme dérivent de deux opérations fondamentales : 
d'une part, la production de nouvelles présentations recevables centrées sur la "défense des identités culturelles" ; d'autre part, la mise au point de nouveaux arguments acceptables tournant autour de l'éloge immodéré de la différence. 
En second lieu, c'est sur la question de l'immigration, et de l'immigration instituée en problème social et politique majeur par les effets combinés des propagandes anti-gauche (1982-1985), que se sont cristallisés tous les nouveaux lieux communs de la rhétorique de l'identité culturelle et de la différence, dont la hantise du métissage, perçu comme génocide indirect et ethnocide à moyen terme, constitue le fond affectivo-imaginaire plus ou moins voilé dans les discours produits. » 

Le même article de Causeur souligne « le sentiment » d'être envahi – bref « ça se voit tous les jours ». Sauf que non - à moins d'être obsédés. Comment peut-on se sentir envahis alors que la proportion d'individus issus de l'immigration ne dépasse pas les 10% ? 
Pour terminer mon parallèle avec l'eugénisme du début du 20ème siècle, n'oublions pas que les « élites » se sentaient « envahis » par les pauvres, qui – accusés de se reproduire comme des lapins – étaient considérés comme des « inaptes », craignant , eux aussi, être remplacés. 

Quoiqu'en dise « Causeur », la théorie du « grand remplacement » est bien raciste (puisque le sentiment d'envahissement évoqué reste une perception et n'est pas une réalité) mais est d'une grande banalité dans le grand milieu des racistes :elle désigne  une population comme inférieure et indésirable sous divers prétextes. Elle fantasme une société avec une culture et une ethnie « pures ». 

Derrière la théorie du « Grand Remplacement », il y a – bien entendu – les mesures pour l'éviter. Là, on a du mal à les obtenir clairement.  Ils sont, d'ailleurs, identiques aux pires modèles eugénistes : déportations contrôle des naissances, refus des mariages mixtes, immigration « choisie », … mais aussi l'authentique combat contre un prétendu "séparatisme" qui vient de donner une loi. 

 

 


Stengers Jean. Hitler et la pensée raciale. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 75, fasc. 2, 1997. Histoire medievale, moderne et contemporaine - Middeleeuwse, moderne en hedendaagse geschiedenis. pp. 413-441.
DOI : https://doi.org/10.3406/rbph.1997.4177
www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1997_num_75_2_4177

Schneider William H. L'eugénisme en France : le tournant des années trente.. In: Sciences sociales et santé. Volume 4, n°3-4, 1986. Handicap et politique sociale. pp. 81-114.
DOI : https://doi.org/10.3406/sosan.1986.1041
www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_1986_num_4_3_1041

Taguieff Pierre-André. Science nazie, science de mort.... In: Mots, n°27, juin 1991. Laïc, laïque, laïcité. pp. 99-106.
DOI : https://doi.org/10.3406/mots.1991.1614
www.persee.fr/doc/mots_0243-6450_1991_num_27_1_1614

Taguieff Pierre-André. Les métamorphoses du racisme. In: Hommes et Migrations, n°1114, Juillet-août-septembre 1988. L'immigration dans l'histoire nationale. pp. 114-129.
DOI : https://doi.org/10.3406/homig.1988.1204
www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1988_num_1114_1_1204

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A
Une expérience d'eugenisme dans l'entre deux guerres en France.: https://www-rue89strasbourg-com.cdn.ampproject.org/v/s/www.rue89strasbourg.com/cite-jardin-ungemach-eugeniste-101971/amp?amp_js_v=a6&amp_gsa=1&usqp=mq331AQKKAFQArABIIACAw%3D%3D#aoh=16327755783914&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&amp_tf=Source%C2%A0%3A%20%251%24s&ampshare=https%3A%2F%2Fwww.rue89strasbourg.com%2Fcite-jardin-ungemach-eugeniste-101971
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P
Le calcul de la valeur sociale d'un individu est mis en oeuvre aujourd'hui en Chine, dans le cadre des dispositifs de contrôle de masse de la population; en particulier avec les technologies de reconnaissance faciale. Les "erreurs" atténuent le crédit social de "citoyens" qui se voient refuser l'accès au crédit bancaire , par exemple. La série américaine "Person of interest" était visionnaire...
Répondre
L
Merci. J'ignorais cette application. Je n'ai pas omis de préciser que cette "grande idée" vient de la gauche. On comprend mieux les errements du PS d'aujourd'hui.
L
Camus, Zemmour et Finkielkraut ciblent politiquement et idéologiquement les Cadres et Professions Intellectuelles Supérieures (CPIS) comme Macron l'a fait en 2017 et se prépare à le faire à nouveau. Le problème, c'est que les politiques "plus à gauche de l'échiquier, mais pas trop" pensent aux aussi à cibler les CPIS (pas d'intérêt de parler aux Sans-Nez). En fait, la société française est à droite et élitiste, donc ils ont raison de cibler ceux qui voteront. Revoir la théorie de l'hégémonie culturelle de Gramsci. Ils ont déjà gagné !
Répondre
L
Si les cadres et intellectuels avalent la soupe Zemmour, c'est qu'ils ne sont pas si intelligents que cela - comme se faire avoir par Macron.