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La Maçonne

La Contradiction de Jules Boucher

La Contradiction de Jules Boucher

Mon article « Le Boucher » (http://lamaconne.over-blog.com/le-boucher) relevait, sans que je le souligne spécifiquement, une contradiction notable entre les propos de Jules Boucher sur la jeune Grande Loge Féminine de France (qui ne s'appelait pas encore ainsi) et le fait qu'il cite régulièrement Amélie-André Gédalge, une sœur du Droit Humain du début du 20ème siècle.

Souvenez-vous, Jules Boucher disait au sujet des femmes qu'elles ne pouvaient comprendre le rituel car opératif, alors qu'Amélie Gédalge lui servait régulièrement de fil rouge dans son ouvrage. Il la mentionne par son nom « Gédalge » sans la différencier des autres auteurs qu'il cite.

Pourquoi cette contradiction ? J'avais posé cette question, espérant que quelqu'un allait trouver la trace d'une réponse

Jules Boucher n'était pas, comme nous l'avons vu, un grand visionnaire, et très certainement pas en avance sur son époque. D'autres diraient que c'était un bourgeois bien pensant. Il avait imaginé un échec d'une franc-maçonnerie féminine du fait de l'incapacité génétique des femmes à comprendre un rituel maçonnique.

La particularié de ce qui deviendra la Grande Loge Féminine de France est qu'elle est constituée uniquement de femmes. Les droits d'association et de réunion ont été difficilement acquis pour les femmes. En 1795, elles étaient interdites de se réunir à plus de cinq dans la rue. En 1848, La deuxième République n' accorde pas aux femmes de droits politiques et leur interdit même d'assister aux réunions. Les femmes peuvent adhérer à un syndicat sans l'autorisation de leur mari qu'à partir de 1920. En 1938, enfin, la loi abolie l'incapacité civile des femmes du code Napoléonien, mais le mari peut encore

fixer la résidence du couple et s'opposer à une activité professionnelle de sa femme.

C'est dire qu'avec un tel passif, les mentalités ne pouvaient pas changer - en particulier celle d'un Jules Boucher.

Pourtant, sa culture théosophique ne pouvait que le conduire à citer les travaux d'une sœur du Droit Humain. Parce que voilà, ce que l'on oublie, la théosophie a toujours été mixte, et non pas une mixité "sous-surveillance" – les femmes tenant assez bien le haut du pavé et n'étaient pas inféodées aux hommes – avec la tibétologue Alexandra David-Néel, Héléna Blavatsky, amie de la célèbre Annie Besant.

Par exemple, dès 1887, Papus adhère à la Société Théosophique, fondée quelques années auparavant par Madame Blavatsky et le Colonel Olcott. On admet généralement que Papus et Augustin Chaboseau entrèrent dans le Martinisme par des filiations différentes. Celle de Papus vient d’Henri Delaage, tandis que celle d’Augustin Chaboseau passe par Amélie de Boisse-Mortemart. C’est de la rencontre entre Papus et Augustin Chaboseau que va naître l’Ordre Martiniste.

Qui était Amélie-André Gédalge ?

Née en 1865, Amélie d'Obigny de Ferrière est la fille du musicien Henri d'Obigny de Ferriére. Musicenne, elle aussi, elle fit une brillante carrière, publiant un reccueil de pédagogie, composant des pièces pour piano. Elle épousa André Gédalge, le 6 juillet 1887, musicien, dont on trouve plus facilement quelques notes biographiques.

Amélie et André ont demandé une première fois leur initiation au GODF en 1898-99. Le Conseil de l'Ordre examina la demande de « l'Unité Maçonnique » et rappela à la loge la non-initiabilité des femmes. Le 19 juin 1899, la loge « l'Unité Maçonnique » envoya un courrier au Conseil de l'Ordre stipulant qu'ils sont libres d'initier qui ils entendent. Ils souhaitent néanmoins une réponse claire. On comprendra que le couple Gédalge fut un des incidents – nombreux d'ailleurs – de cette période de l'histoire du GODF pour l'initiation des femmes. Le vœux même fut proposé tous les ans jusqu'à la première guerre mondiale.

André Gédalge, lui, fut initié le 28 mai 1899 et Amélie au Droit Humain. Ils écrivirent ensemble l'Hymne du Droit Humain. ( que vous pouvez retrouver ici http://mvmm.org/c/docs/DH.html)

Le Droit Humain fut fondé en même temps que la GLDF, avec une année d'écart. Les deux obédiences trouvaient leurs effectifs dans la même obédience : la Grande Loge Symbolique Ecossaise, partageant l'origine historique, le rite, et même le Suprême Conseil.

Georges Martin fonda, en secret, le Suprême Conseil du Droit Humain en 1897, pour se protéger des obédiences masculines. Annie Besant fut, quant à elle, initiée en 1896.

Une partie des loges de la Grande Loge Symbolique Ecossaise rejoignirent la jeune GLDF. En 1901, les à peine quatre loges restantes de la GLSE fondèrent la seconde obédience mixte, qui initia comme on le sait Louise Michel, Madeleine Pelletier … origine de l'actuelle Grande Loge Féminine de France, via les loges d'adoption. A savoir que le premier rituel d'adoption ne date que de 1912 et il semblerait même qu'il fut écrit ni plus ni moins par Oswald Wirth. Dire ainsi que le rituel d'adoption est spécifiquement féminin n'a en fait aucun sens. Un mystère quant au rite utilisé entre 1901 et 1912 par les sœurs de la GLDF demeure encore.

Jules Boucher n'avait peut-être jamais rencontré une de ces pionnières, Amélie était décédée en 1931. Néanmoins, il connaissait très certainement les liens assez particulier qui unissait le deux obédiences, Droit Humain et Grande Loge de France. Il ne pouvait donc pas nier ou dénigrer la spécificité du Droit Humain et la compréhension des sœurs – sans même estimer un seul instant – que celles-ci n'étaient pas en mesure de faire un travail personnel.

Pourtant, l'idée que les femmes ne peuvent comprendre le rituel opératif apparaît chez lui, donnant raison aux anglais.

On sait que la manie de la régularité avait touchée la GLDF entre les deux guerres, ayant tenté de se débarrasser de ces loges d'adoption. Nous connaissons la suite après guerre : la bible devenant une troisième lumière en 1954, démarche de la GLDF en 1959 et rupture de ses liens avec le GODF.

Les loges d'adoption prirent leur indépendance en 1946 avec 90 sœurs seulement. Jules Boucher e pouvait avoir la capacité d'analyse lui permettant de soupçonner que ces sœurs allaient fonder une obédience qui allait utiliser le REAA et fonder son propre Suprême Conseil. Pour lui, ces loges d'adoption allaient disparaître. Ce qui était d'ailleurs l'avis de la GLDF, n'ayant investi aucun centime et aucune seconde dans l'affaire.

Il ne pouvait que se contredire.

On peut, aussi, penser qu'un Jules Boucher, ne pouvait pas affirmer haut et fort l'initiabilité des femmes, quoiqu'il ait admiré dans les travaux d'Amélie Gédalge. Il aurait risqué de contredire les anglais – et on sait que cela ne se fait pas. Encore aujourd'hui, nous mesurons la vénération de frères appartenant à la Confédération Maçonnique pour la régularité pour estimer qu'ils seront nombreux à éviter la rigueur d'une analyse.

Lilithement vôtre,

En attendant une éclaircie, je propose une psychothérapie de groupe.

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D
Bien le bonjour à tous .Sur une page de recherche google sur " le Martinisme est il un secte. Une page m'est apparu trompeuse si l'on puis dire .CONCERNANT L' Ordre de Lyon (du Martinisme et des Ordres Martiniste )presque en fin de page j'ai noté qu'il faisait par au internaute que l'Ordre Martiniste de Papus ( Gérard Encausse ) n'exister plus . Et bien il faudrait voir à rectifier de plus il se serve du nom de jules boucher pour affirmer leur dire ""Ordre Martiniste de Papus aujourd'hui disparu"" .Peut être que à son époque il y a eu un ralentissement ou suspension .Mais chose ironique je suis Martiniste de l' (ordre de Papus ou dit Papusien ). Filiation de son fils Philippe Encausse .Nous somme en France ,outre Atlantique ,Pays de l'Est ,Afrique etc,etc... . Voila voila sur ce je vous laisse de par ma plume .
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E
A propos d'Amélie GEDALGE, lire "Contes et Opéras, un chemin d'éveil" Textes présentés par André GEDALGE, petit fils de l'auteur et Irène MAINGUY.
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S
J'aime. Un retour à l'histoire et à la précision des faits n'est jamais superflu.
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