25 Août 2013
Astride Mandos : Dis-moi pourquoi, certains frères, en particulier ceux de la GLDF, considèrent que les femmes ne peuvent pas pratiquer le REAA ?
Ma très chère Astride, j'avais déjà entendu cette réflexion de la part de quelques frères. Jusqu'à ce que tu me poses la question, je m'étais contenté uniquement de hausser les épaules, sans me demander d'où cette idée venait.
La GLDF et ces frères, à mon avis, confondent la maçonnerie opérative et la maçonnerie spéculative. La GLDF est une obédience qui considère que la franc-maçonnerie remonte aux bâtisseurs de cathédrale, ce qui est pour beaucoup un mythe, plutôt qu'une réalité historique.
Ces frères estiment qu'une femme ne peut pas physiquement faire le travail d'un maître maçon ou de tailleur de pierre. Suite à un raccourci intellectuel, que je ne peux comprendre, ils pensent que de ce fait, les femmes sont incapables de comprendre le REAA.
En admettant que les femmes soient physiquement incapables de tailler des pierres - ce qui n'est pas le cas - la franc-maçonnerie spéculative ne consiste pas à jouer du maillet et du ciseau, mais à utiliser ses qualités humaines et intellectuelles.
Cet argument "que les femmes ne peuvent pas comprendre" a été utilisé moult fois, leur interdisant l'accès à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, à l'université, à certains métiers, et à de nombreuses activités. Si ce n'est pas leur intelligence qui est mis en doute, c'est leur force physique ou leur physiologie qui leur empêcherait ceci ou cela. Pour ce qui nous concerne, il a été l'argument principal voulant interdire l'initiation des femmes. La "Nature" immuable des femmes - indiscrétion, physiquement faible, intellectuellement handicapée, était le discours des francs-maçons contre l'initiation des femmes.
Oswald Wirth a synthétisé tous ces arguments, en considérant de surcroît, qu'il existe une spécificité symbolique des bâtisseurs inaccessible aux femmes. Guénon et Neudon le suivent.
Au début de l'histoire du Droit Humain, les femmes initiées étaient traitées dans les magazines maçonniques de "harpies", "viragos". Des "fausses maçonnes". Elle étaient "immorales", foulaient des pieds toute une société.
Nous sommes en 2013. Espérez que ces arguments n'existent plus relève vraisemblablement d'une utopie. Ces hommes, normalement intelligents, vivent à la même époque que nous. S'il existe des différences entre les hommes et les femmes, il n'y a pas de supériorité naturelle des hommes. L'écrire, même, me semble anachronique.
Astride Mandos : Pourtant, dans le REAA, il y a de nombreuses allusions qui ne pourrait pas convenir aux femmes.
Il faudra remonter à l'histoire du REAA et des 3 premiers degrés. Le REAA a été écrit au début du 19ème siècle. Il est vrai que certains passages sont sanglants, voir même violents. Même si cela paraît curieux qu'une femme prévoit de se couper la gorge pour quelques secrets - elle préférera le poison - le théâtre classique propose bien pire.
Le déroulement du rituel des 3 premiers degrés est identique à celui du Rite Français, d'où il vient, qui n'est pas plus inaccessible à la compréhension des femmes que le REAA.
Astride Mandos : On est bien d'accord que le REAA est basé sur une quête métaphysique (connaissance de SOI) . Il a pris aussi au fil de l'histoire un volet humaniste (rassembler ce qui est éparse) pour permettre la construction du temple. Mais alors si tout est symboles, comment séparer l'homme de la femme
Le but de la franc-maçonnerie est la quête de la Vérité, progrès de l'humanité et de soi. Dans ces termes, finalement, on y écrit ce que l'on veut, en fonction finalement de soi. L'être humain est au centre du débat. Il s'agit d'une démarche essentiellement ésotérique. Il n'y a pas possibilité de séparer les hommes et les femmes. La franc-maçonnerie est spéculative - de l'esprit -
Astride Mandos : A moins de dire qu'avec les influences de ces différentes tradition dont il s'inspire: hermétique, pythagoricienne, kabbaliste et Johanite, la femme ne peut pas être inscrite dans ces Ecoles de la pensée.
Au fait avons nous une âmes???
Donc ce n'est pas qu'il ne peut pas convenir aux femmes, mais bien ce que les hommes pensent des femmes qui les interpellent sur la possibilité que nous puissions nous élever.
Une femme peut prendre l'épée, une femme peut s'arracher le coeur, bien plus qu'un homme.
Nous portons en nous la notion de sacrifice.
Les femmes peuvent tuer. Conduire des armées. Construire des temples.
Il n'y a pas de mystère qui leur soit interdit.
Oui, les cieux se vengeront de tous les maux,
Et ne souffriront pas que le meurtre reste impuni.
Alors demeure ici, Hieronimo, et que leur volonté soit faite,
Car les mortels ne peuvent choisir leur moment.
Per scelus semper tutum est sceleribus iter
Frappe, frappe au but, là où le mal s'offre à toi,
Car les vices sont le chemin vers d'autres crimes,
Et il n'est pire résolution que de vouloir donner la mort.
Celui pour qui par la patience, atteint
Une vie paisible, terminera sa vie sereinement.
Fata si miseros juvant, habes salutem;
Fata si vitam negant, habes sepulchrum:
Si la destinée apaise tes malheurs,
Alors tu as la santé, et tu seras heureux;
Si la destinée te refuse la vie, Hieronimo,
Tu auras tout de même une tombe.
Si rien de tout cela ne t'est accordé, que ceci soit ton réconfort:
Les cieux ont recouvert celui qui n'avait pas de sépulture,
Et pour conclure, je veux venger sa mort.
Une reprise de "Mon amie la rose" de Françoise Hardy.