15 Septembre 2017
Fraîche, reposée et détendue, j'ai décidé de traiter, avec la fermeté et la rigueur nécessaire, un sujet qui mérite d'être étudié par la seule voie de la plus stricte liberté : bible ou pas bible ?
Afin de compliquer fâcheusement le débat, deux réponses n'ont pas lieu d'être ici: « Oui, parce que c'est une Tradition » ou « Non, parce que ce n'est pas une Tradition ». Entendez-bien le « T » majuscule. Vous l'avez compris l'explication mythologico-historico-maçonnique usuelle n'a pas sa place sur ce blog maçonnique et indépendant qu'est « la Maçonne ». Ce ne sont pas des réponses suffisamment argumentées permettant de justifier ou non sa présence et les longues crises passionnelles que le pape envierait. Oui, je suis dure … avec le pape.
En Franc-maçonnerie, la bible est appelée « Volume de Loi Sacrée », histoire de ne pas dire comme tout le monde. Cela n'en est pas moins qu'une bible, complètement chrétienne, comprenant l'ancien et le nouveau testament. Suivant les récipiendaires, la bible peut être remplacée par d'autres livres religieux lors des prestations de serments. C'est, toutefois, la bible qui est mise sur l'autel des serments à titre de troisième Lumière, accompagnant l'équerre et le compas, et rien qu'elle …
Les obédiences de la franc-maçonnerie libérale n'en mettent pas – en dehors de quelques loges – Elle n'est pas interdite, mais pas obligatoire.
Elle est obligatoire pour les obédiences dites « régulières » et imposée par la Grande Loge Unie d'Angleterre. La GLDF et d'autres obédiences GLTSO, ... par exemple, appartenant au courant dit « libéral et adogmatique », l'imposent. Pour la GLDF, la bible avait désertée l'autel des serments en 1829 et est réapparu en 1953. Cette réapparition accompagnait le désir de la GLDF d'être reconnue par la Grande Loge Unie d'Angleterre – épisode qui occasionna une crise au sein de l'obédience. La crise 2012-2015 de la CMF (fameuse confédération censée recomposer le paysage maçonnique français) a ré-ouvert le débat par la GLDF. Celle-ci (du moins ces dignitaires) se targue, grâce à cette bible et l'invocation au GADLU, être « régulière » et reconnaissable comme telle par la Grande Loge Unie d'Angleterre. Ce qui n'en fut rien. Curieusement, ce sont seulement ceux qui l'imposent qui en parlent, faisant des tentatives d'explication et de justification, bien souvent laborieuses. Les écrits que l'on trouve le plus facilement sont ceux de frères de la GLDF.
En réalité, au travers de cette seule question : faut-il une bible en troisième Lumière ?, il y a plusieurs débats qui surgissent. Où l'ouvrir ? Pourquoi ? Que représente-elle pour un franc-maçon ou maçonne ? Qu'est-ce la « Loi Sacrée » ? Quid du GADLU censé être ce que l'on veut (pour la franc-maçonnerie libérale) ? La seule question qui ne semble jamais se poser est « laquelle choisir ? ». Lorsque on regarde l'histoire de la bible, c'est pourtant la première question à se poser.
Dans mes quelques lectures, j'ai été particulièrement consternée par l'approche unique qui est faite au sujet du « Volume de la Loi Sacrée ». Ce qui importe à nos frères est de définir « Loi Sacrée » avant tout.
Je caricature : c'est une loi, c'est sacré, donc cela suffit pour justifier de son obligatoire présence en tant que troisième Lumière. Heu … Ce ne sont pas des rebelles. L'ordre établi, cela leur va bien. Une fois que c'est établi, il leur suffit d'un tampon « sacré » pour que surtout ils ne remettent ni la Loi, ni le Sacré en cause. Ils ne définissent pas le Sacré, ce qui serait – quand même primordial. En effet, s'ils le faisaient, ils constateraient que la bible "sacrée" est surtout une vue de l'esprit - et surtout une vue religieuse.
Certains affirment, sans sourciller et sans rire, que cette « Loi Sacrée » est « Universelle ». En fait, affirment-ils, la bible est commune aux religions du Livre. Il serait de bon ton de demander l'avis des religions et de demander ce qu'elles en pensent, plutôt que de décider pour elles ce qui leur est commun. De même, si tous vantent le caractère hautement ésotérique du texte biblique, aucun n'explique en quoi il l'est - et même montre qu'ils l'ont testé ...
Je ne vais pas débattre ici sur l'épineuse question « où l'ouvrir ? ». Mes préférences bibliques sont particulièrement éloignées des pratiques maçonniques. Le livre d'Henoch n'appartient pas au corpus chrétien (et même juif), encore moins l'évangile (apocryphe) de Thomas avec son inspirant « Jésus dit : Soyez passant », et bizarrement l'Ecclésiaste ne semble pas faire l'unanimité comme d'ailleurs l'Apocalypse de St-Jean. La bible est généralement ouverte sur le Prologue de l'évangile de Jean. A tel point que si tous les courants et églises chrétiennes le déclaraient dans un bel ensemble apocryphe, les seuls à protester seraient les francs-maçons dits « de Tradition ».
« Au commencement était le Verbe ». Vous n'ignorez pas que je ne suis absolument pas d'un naturel contrariant. Je suis donc particulièrement chagrinée de faire une grave entorse à mon comportement habituel.
Un commencement indique un point fini dans un espace-temps donné. Ce qui limite au moins, par son début, l'infini. L'infini est d'ailleurs n'avoir pas de fin, rien ne certifie qu'il n'a pas le droit à un début. Ce commencement se situe donc quelque part et à une certaine époque. Certes, on ne se sait ni exactement où et quand. Cependant, il est temporel pouvant se situer. Si ce commencement est le Verbe, ce dernier ne peut être ni créateur : le commencement étant fixé tel un bigorneau sur un rocher. Il y a rien de moins créateur qu'un bigorneau. Ni libérateur, puisqu'il est limité dans un temps et un espace. Ni supérieur, n'importe qui peut placer ce commencement là où il veut.
Si je souhaitais me choisir un symbole censé me définir l'indicible, il n'aurait pas de début et encore moins de mot. C'est l'impossibilité de nommer comme de situer qui sépare la manifestation ésotérique de la création à la temporalité humaine, et par conséquent, à sa compréhension. L'indicible est, d'un point de vue ésotérique, incompréhensible. Nommer est déjà connaître et dans le pire des cas avoir au minima le décodeur (ou le radar). Ainsi, lorsqu'il est dit « Au commencement est le Verbe », ma première question est : « y-a-t-il un commencement ? ».
Un franc-maçon (ou maçonne) n'est pas un religieux (ou religieuse). Il n'est pas en devoir d'accepter une interprétation et un dogme par une lecture par trop littérale de n'importe quel texte qui se veut ésotérique. Il m'est facile, de remettre en cause, le « commencement » verbeux et divin. Je n'y crois pas.
Ceux et celles qui sont croyants que peuvent-ils en tirer ? A part, confirmer que "c'est dieu qui a créer le monde"? Rien. Pourquoi devraient-ils remettre en cause leur dogme – surtout si cela leur convient – et j'oserais dire « dans le dur », alors qu'il existe d'autres textes tout aussi intéressants et moins en proximité avec leurs systèmes de croyance ?
Les croyants ne peuvent que s'enfermer en tournant en boucle, ne jamais ouvrir la Bible et donc y mesurer le caractère ésotérique par eux-mêmes des textes qui pourraient les faire avancer – voir même finir par rejeter le bébé avec l'eau du bain, agacé soit par la bible ou la franc-maçonnerie, voir les deux.
A une époque où on peut trouver tout et n'importe quoi sur le net, on trouve une multitude de « planches » sur le Volume de la Loi Sacrée. Toutes (ou presque) expliquent que le Prologue de l'évangile de St-Jean a une haute valeur ésotérique mais sont rare ceux qui s'essayent à une analyse symbolique.
Comment peut-on statuer d'un caractère ésotérique d'un texte sans avoir tenté d'en faire une analyse symbolique par soi-même ? C'est parfaitement incroyable ! Ce n'est pas parce que tout le monde le dit que c'est vrai.
Ce qui peut être ésotérique pour les uns – c'est-à-dire faire avancer sur le chemin de l'initiation – n'est pas forcément vrai pour les autres. De même, on peut tout à fait – et c'est le droit de toutes et tous – considérer que le super-texte-hautement-ésotérique-que-tout-le-monde-même-le-dit est une vraie daube.
L'initiation est une affaire intime avec soi-même. Autrement dit, vous n'avez de compte à rendre à personne. C'est aussi une affaire de sensibilité. C'est un peu comme ceux qui préfèrent à l'art figuratif, l'art abstrait : cela ne s'explique pas. Il y a des textes qui « parlent » et « portent », d'autres qui laissent dubitatif.
Une autre raison pour laquelle je trouve l'usage d'un « Volume de la Loi Sacrée » parfaitement incompatible avec une démarche maçonnique et initiatique est, qu'au vu de l'exercice que je viens de faire, certains esprits chagrins et grincheux, dans certaines loges, crieraient au scandale m'accusant de « parler de religion ». Là, permettez-moi de lever les yeux au ciel : de quelle religion ? D'une religion sans dieu et sans commencement ? Laissez-moi rire !
Pourquoi choisir un livre comme troisième lumière (et symbole constructeur d'une loge) si c'est pour interdire d'en faire l'analyse symbolique sous le prétexte que « c'est parler de religion » ? Est-ce craindre que, justement, le caractère religieux de la bible soit remis en cause ?
Ceux qui imposent, à coup de sermon sur sa valeur morale, se prennent pour des examinateurs de conscience, veillant bien à ce qu'aucune brebis ne s'égare dans une analyse symbolique qui les ferait s'éloigner d'une « foi maçonnique ».
La franc-maçonnerie n'appelle pas à une foi, mais à l'union, à la quête de la connaissance, de la vérité, au combat contre tous dogmes, à la liberté de pensée et d'opinion, de croyance ou d'incroyance … La démarche initiatique peut débuter par sa foi religieuse, mais cette dernière est le support à une autre expérimentation de la conscience de soi. C'est un point de départ.
Elle peut aussi débuter par une simple quête de sens et trouver partout, sans distinction, de quoi « faire sens » et se construire comme être libre. Ce qui est aussi de la spiritualité.
Le commencement est le franc-maçon ou la franc-maçonne. Il ou elle est sa propre Parole. Le libre-arbitre, ce qu'en maçonnerie on appelle la « maîtrise », appelle à devenir créateur de soi et d'être sa propre lumière. Ce qui, dans le fond, n'a rien à voir avec le prologue de l'évangile de Jean qui fait de dieu le seul créateur de l'humain, le soumettant à sa lumière.
« Religions du Livre » désignent les religions s'appuyant sur les religions abrahamiques. Or, le livre n'est pas la Bible mais LES livres liés aux religions
Au sens large, « Religions du Livre » peut aussi couvrir les religions s'appuyant sur un livre comme l'hindouisme, des religions proche-orientales antiques ou, par extension, certaines religions africaines. L'expression « religions du livre » signifie que ce sont des religions qui reposent, d'une manière ou d'une autre, sur un écrit. L'islam ne reconnaît pas la bible, ayant le Coran. Le judaïsme est une religion d'études du livre et ne reconnaît pas le Nouveau Testament.
Les catholiques contestent, aussi, cette définition s'estimant être une religion du Verbe, de la Parole (comme par hasard) et non pas du livre.
L'église de Rome a interdit la diffusion de la bible durant plusieurs siècles aux catholiques.
Les prêtres qui faisaient l'effort de la traduire en langue vulgaire furent persécutés durant le 16ème siècle, tout au long du 17ème siècle jusqu'à la première moitié du 18ème siècle. Le clergé, qui étaient les seuls à avoir de droit de posséder la bible (en latin, la Vulgate jusqu'au 16ème-17ème siècle) et à la lire (et ce ne fut pas toujours le cas!), était suivant les périodes – tout aussi surveillé – se devant de toute manière se conformer aux interprétations (le catéchisme) .
En 1757, Benoît XIV donne la permission générale de lire la Bible traduite partiellement en langue vulgaire, pourvu qu’elle soit assortie de notes orientant l’interprétation vers la Tradition catholique.
Le pape Grégoire XVI (1831-1846) invita le clergé à arracher la Bible des mains des fidèles. En 1864, le pape Pie IX (1846-1878) publia l'encyclique «Qui pluribus» déclarant que les «sociétés bibliques infiniment rusées, qui font appel aux anciens stratagèmes des hérétiques et qui, contrairement aux prescriptions très saintes de l'Église, traduisent les livres des Écritures divines dans toutes les langues nationales et leur donnent des explications souvent tendancieuses.».
La condamnation de la lecture de la bible, de son interdit partiel ou total, y compris touchant le clergé, l'obligation faite aux prêtres de prêter serment afin d'empêcher tout modernisme dans l'interprétation de la bible (jusqu'en 1967), les traductions partielles et annotées jusqu'au début du 20ème siècle, permet de comprendre pourquoi, encore aujourd'hui, le catholicisme ne se considère pas comme une des « religions du livre ».
Charles Péguy disait, fort à propos : « Le juif est un homme qui lit depuis toujours, le protestant est un homme qui lit depuis Calvin, le catholique est un homme qui lit depuis Ferry. »
Pour grossir le trait, la bible ne concerne que deux religions : les protestants et les anglicans !
La bible est un livre relativement récent. En effet, sa compilation comme son existence fut compliquée. Du fait, d'une part de la volonté de l'église de Rome de limiter, voir d'interdire sa diffusion, d'autre part du fait de la complexité des textes eux-mêmes, de plusieurs origines et plusieurs langues.
La Septante, livre écrit en grec, est une traduction de l'hébreu demandée par Ptolémée Philadelphe (- 285 - -246), roi en Egypte. 70 traducteurs juifs auraient été réquisitionnés pour la circonstance. Elle ne comprend que « l'Ancien Testament ».
La Vulgate est la version latine qui fut celle la plus utilisée et la seule autorisée durant plusieurs siècles. Elle fut faite à la demande du premier évêque de Rome Damase 1er (366 –384) qui demande au théologien Jérôme de proposer une traduction complète de la bible en latin. Il acheva ce travail en 405. « Vulgate » signifie « simple, populaire ».
Erasme, célèbre humaniste de la Renaissance, publie en 1516 un Nouveau Testament, bilingue grec et latin, qui fera autorité. Ce travail servit de base aux traducteurs du Nouveau Testament de la Réforme.
Ce seront les protestants, les réformateurs, qui permettront la traduction et la diffusion de la Bible. Ceci au péril de leurs vies.
Luther mis 10 mois pour traduire le Nouveau Testament en allemand en s'appuyant sur celle d'Erasme. Afin d'être sûr que sa traduction serait bien comprise, il en lisait les passages dans la rue. Elle fut publiée en 1534. Il mettra 10 ans pour traduire l'Ancien Testament, qui servira à plusieurs autres traductions.
Oliviétan (1506-1538), cousin de Calvin, fera la première traduction en français de la bible à partir des textes originaux. Cette traduction sera financée par les Vaudois. Elle sera publiée en 1535. Il utilisera le texte hébreu des Massorètes, et pour le Nouveau Testament sur le texte grec d'Érasme. Ce travail servira de base à de nombreuses autres traductions, par Calvin, Théodore de Bèze puis par Martin et Ostervald en 1742. Cette dernière édition sera très répandue jusqu'au début du 20ème siècle.
La première traduction en anglais est dû à Wycliff (1378), érudit et théologien, dont les écrits furent condamnés par l'église de Rome. Après sa mort, lors d'un concile en 1414, son défenseur fut condamné au bûcher pour hérésie.
Tyndale, né en 1494, touché par l'esprit de Réforme, fut le premier traducteur de la bible utilisant les textes anciens. Il fut, d'ailleurs, contraint de quitter l'Angleterre pour traduire l'Ancien Testament. En effet, suite à l'édit de 1290, les textes en hébreu étaient interdits. Il utilisa, par ailleurs, les textes grecs de la Septante. Arrêté non loin de Bruxelles, il fut condamné pour hérésie par l'Inquisition en 1536. Il terminera la traduction de l'Ancien Testament en hébreux en détention. Son Nouveau Testament paraîtra en 1525. Ses traductions rentrent en Angleterre dans des ballots d'étoffe. Elles seront publiées en 1538 et un exemplaire sera remis au roi d'Angleterre. Subjugué, ce dernier ordonnera que ce texte devait être lu dans toutes les paroisses. Sa version sera connue sous le nom de « la Version autorisée du roi Jacques » (Jacques VI) qui sera utilisée pendant 350 ans.
La bible de Jérusalem, destinée aux catholiques, sera publiée en 43 volumes, la première fois en 1947. En 1957, elle sera publiée en un seul volume …La bible Segond, bible protestante, sera publiée en 1880 la première fois. Quant à la bible dite « Campron », elle sera publiée en 1864. Pour les trois plus connues en France.
En 1965, le concile de Vatican II décide : « Comme la Parole de Dieu doit être à la disposition de tous les temps, l’Église, avec une sollicitude maternelle, veille à ce que des traductions appropriées et exactes soient faites dans les diverses langues, de préférence à partir des textes originaux des Livres sacrés. S’il se trouve que, pour une raison d’opportunité et avec l’approbation des autorités ecclésiastiques, ces traductions soient le fruit d’une collaboration avec des frères séparés, elles pourront être utilisées par tous les chrétiens. »
Cette décision ouvrit le débat (et surtout le permis) pour une bible oecuménique. Toutes les religions chrétiennes avaient construit leur propre bible. Les traductions divergent en fonction de points théologiques. Il faudra attendre 1987 pour que tout le monde, c'est-à-dire les protestants et les catholiques, trouve un accord autour de directives pour la traduction de la bible. En 1990, l'église orthodoxe rejoignit le groupe d'études. La première bible considérée comme réellement oecuménique – rassemblant toutes les religions chrétiennes – fut publiée en 2000. La seconde est « la Nouvelle Bible Segond » qui fut publiée en 2002. Bible d'étude très bien fournie en notes et informations (plus de la moitié du texte de la bible environ …), elle n'en est pas moins considérée comme protestante – dont censée intéresser et être compréhensible par des croyants - mais demeure, néanmoins, une référence dans un rapprochement entre les religions chrétiennes. La possédant, j'affirme que les athées savent y survivre. (pour plus de détails, c'est ici).
Les juifs et les musulmans sont, néanmoins, hors de ces tentatives de traduction commune et de publication d'une bible la plus oecuménique possible. Très certainement, parce que la bible ne les concerne pas. Oecuménique ne signifie pas "universel".
Pour terminer, la « Septante » fut traduite en français en 1986 et publiée sous le nom de « Bible d'Alexandrie ».
Cet exposé montre que d'une part, le livre, censé être commun à toutes les religions, ne l'est pas. Il existe, en France, qu'une bible « commune » à trois religions (catholiques, protestants, orthodoxes) et elle date seulement de 2000.
L'universalité de la bible est un mythe, construit et imposé par des esprits peu cultivés, désireux d'imposer un symbole religieux qui n'a pas sa place dans un temple maçonnique, en l'entourant d'un contenu qu'une simple analyse dément.
Si quelqu'un m'explique que le contenu de la bible elle-même ne compte pas, je conseillerais que les loges mettent une simple feuille de papier avec écrit dessus « Bible ». Cela fera très bien l'affaire.
L'Humanité est présente sur terre depuis 7 millions d'années. Pour avoir une mesure, les dinosaures ont vécu 140 millions d'années. Ce qui nous laisse espérer une survie de l'espèce assez conséquente. Rien que sur le sol français, pour environ 40% de la population, la bible ne signifie rien. A la lumière de ces chiffres, il est assez présomptueux d'estimer que la bible soit universelle dans l'espace ou le temps, à l'échelle de l'humanité passée et à venir – et même vis-à-vis de nos contemporains.
J'ai une définition de l'universalité peut-être un peu extrême, mais lorsque l'on intègre ces données quantifiables, un peu d'humilité ne serait pas complètement ridicule lorsqu'il s'agit d'estimer sa propre place dans le monde. La bible raconte bien une histoire – mais d'un seul peuple sur une période plutôt courte de 2 milliers d'années tout au plus - Elle exclut de facto ce qui était avant et ce qui vient après. Son but, d'ailleurs, n'est pas de rassembler l'histoire de l'humanité … mais de transmettre une croyance.
Quant à la notion même de « Sacré », il est, quand même, bon de rappeler qu'un franc-maçon garde son libre-arbitre lorsqu'il entre en franc-maçonnerie. Le « Sacré » n'est pas un label que l'on pose au hasard, et encore moins que l'on impose ! Il est un choix conscient, libre et éthique. C'est d'ailleurs-là que la franc-maçonnerie se distingue des religions. Ces dernières délimitent le Sacré au travers de leurs dogmes. La franc-maçonnerie refuse le dogme. C'est donc sacré que si et seulement si vous le voulez bien ...
Oswald Wirth disait déjà :
« Une critique objective s’est exercée sur les Saintes Ecritures, que la science n’apprécie plus qu’à leur valeur humaine, qui reste très élevée. Il est compréhensible que la Bible conserve tout son prestige auprès d’esprits religieux qui cherchent en elle la parole de Dieu et en font le guide infaillible de leur foi ; mais pareille vénération est loin de s’imposer rationnellement. Elle est caractéristique de la mentalité anglo-saxonne, que ne partagent pas les races latines. N’ayant pas à se prononcer sur les croyances, la Franc-maçonnerie n’aurait jamais dû s’occuper de la Bible, pas plus que du Coran, ou des autres livres révérés comme sacrés. Mais comme le serment se prête en Angleterre sur la Bible, on y fut amené tout naturellement à faire prononcer l’obligation maçonnique sur ce Livre de la Loi Sacrée. »
Pour faire simple, il suffit que les anglais imposent la bible que les français - comme de bons moutons - suivent.
Au regard des nombreuses péripéties de l'histoire de la bible, on comprend assez bien pourquoi l'Angleterre a une relation différente avec la bible que les français et les pays latins. On comprend bien mieux aussi pourquoi, elle ne peut pas être une « Tradition » en France.
Les français ne pouvaient qu'utiliser une bible « autorisée » - qui ne le fut pas à toute époque – A moins de vouloir limiter leur chance de survie, en étant accusé de blasphème ou d'hérésie, ou encore de fonder une religion contraire aux bonnes mœurs, de comploter pour la destruction de l'église catholique, ils n'allaient pas afficher la présence d'une bible ! Tout au plus avaient-ils le droit d'un missel ! Les aristocrates français du 18ème siècle étaient, dans l'ensemble, respectueux des lois du roi et du clergé.
Quant au 19ème siècle, supprimée en 1829 par le Suprême Conseil, bien qu'il imposait une croyance en dieu obligatoire, un GODF qui décida en 1877 de supprimer l'obligation de croyance en dieu et en l'immortalité de l'âme (sans toucher un seul cheveu du GADLU), ladite « Tradition » en a pris un coup. L'obligation d'une bible en 3ème lumière n'existe, finalement, avec toute la certitude de l'histoire et du poids des textes, que depuis 1929 pour la Grande Loge Unie d'Angleterre.
Nullement universelle, ne relevant pas plus d'une Tradition dans la franc-maçonnerie française et dans ce que nous appelons « l'écossisme » sur les terres sous la domination de l'église catholique, du fait d'interdits divers et variés de l'église – ce qui à l'époque n'a nullement empêché les anglais d'avoir des relations avec les obédiences françaises - la bible n'est pas cet incontournable validant la qualité maçonnique d'une institution maçonnique. Au contraire, elle est un piège, pour celui ou celle qui se contente de la "pensée unique" et dogmatique ambiante.
Si la bible porte un symbole universel, elle est celui de la division et de l'intolérance religieuse. Elle est le symbole de la souffrance, de crimes et de massacres, de guerres, de la fumée des bûchers et de sangs versés. Elle est le symbole de la difficile voir impossible réconciliation de l'humanité à travers les âges et l'espace, dès qu'un groupe de personnes veulent imposer la croyance en un dieu écrivain et bavard à d'autres.
Ce symbole est si universel que les francs-maçons le partagent aussi.
N'est-ce pas ceux qui imposent une bible comme symbole qui rejettent les autres, les considérant comme des hérétiques de la « foi maçonnique » ?