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La Maçonne

Cette autre « GLNF »

Allégorie de la République 1848

Suite à une erreur dans un précédent article – ayant confondu « de France » et « Française » au sujet de la GLNF - je me suis plongée dans un épisode de l’histoire de la célèbre Grande Loge Symbolique Ecossaise, obédience mère de la GLDF, du Droit Humain et sous une certaine forme de la GLFF.

Cette GLSE (Grande Loge Symbolique Ecossaise) n’est pas sortie de terre du jour au lendemain, comme vous vous en doutez. L’épisode qui occupe cet article est justement ce « avant » qui explique encore notre actualité.

Le Suprême Conseil, initialement un système exclusivement consacré aux degrés supérieurs au 3ème, avait fondé des loges bleues afin d’avoir une assise obédientielle et ne pas dépendre des loges bleues du GODF.

Ces loges bleues, qui lui étaient rattachées, n'avaient aucune autonomie. De plus, si la franc-maçonnerie se démocratisait en initiant des frères de divers horizons, le Suprême Conseil recrutait toujours parmi les aristocrates, la grande bourgeoisie et les intellectuels, reproduisant finalement la société de castes du 19ème siècle.

Au début du 19ème siècle, le travail en loge était surveillé. Si la franc-maçonnerie était acceptée en France et en Europe, elle était surtout suspectée par les pouvoirs politiques. Ainsi, les Grands Maîtres étaient nommés par ces derniers. On connait d’ailleurs Joseph Bonaparte, qui ne doit son statut de Grand Maître du GODF qu’à son frère Napoléon. Les discussions religieuses et politiques furent ainsi interdites. Tous les contrevenants étaient dénoncés par la grande maîtrise aux pouvoirs politiques, radiés et les loges démolies. On méconnaît cet aspect de cette période particulière de l’histoire de la franc-maçonnerie, qui – avouons-le – ne s’en trouve pas spécialement grandie et, surtout, il affaiblit le mythe de sa participation aux idées nouvelles.

Un exemple est la « Clémente amitié » du GODF, démolie en 1844, cette peine fut transformée en suspension de travaux mais une vingtaine de frères furent radiés dont Victor Schoelcher, républicain acharné et abolitionniste de l’esclavage. Ceci montre l’ambiguïté de la position des obédiences durant cette période de l’histoire, n’hésitant pas à radier les frères trop remuant et porteurs d’idéaux républicains.

1848 fut une date charnière pour la France mais aussi pour la franc-maçonnerie. Les dirigeants du Suprême Conseil, juilletiste, décidèrent lors des événements conduisant à la proclamation de la IIème République, de suspendre les travaux. Toutefois, cette IIème République fut, pour les frères, porteuse d’espoir de voir leurs idéaux se réaliser.

Ainsi, la loge 112 « le Patronage des Orphelins » publia un manifeste le 5 mars 1848, résumant les souhaits des frères républicains. Ce manifeste demande la suppression des hauts grades et du Suprême Conseil, un rite unique et national composé uniquement de trois degrés, la suppression des obédiences existantes pour en former qu’une seule, le droit de parole et d’imprimer pour les frères, le suffrage universel pour les élections, et – élément étonnant – les discussions politiques et religieuses demeurèrent interdites. On verra certainement dans les vœux de cette GLNF, ce désir de fusion qu'a gardé, sous une autre forme, la GLDF, son héritière.

Une Grande Loge Nationale de France voit le jour, réunissant 400 frères aux premières réunions, le 20 mai 1848. Ses fondateurs furent tous radiés du Suprême Conseil.

Les demandes de cette nouvelle obédience étaient, pour la politique du pays (cela va faire sourire) : instauration d’une assemblée unique, non cumul des mandats, instauration de l’impôt sur le revenu (on ne les remerciera pas !), instruction élémentaire obligatoire et laïcité de l’Etat … Il faudra attendre le 20ème siècle pour voir se réaliser un tel programme …et nous attendons encore pour le non-cumul des mandats !

Cette Grande Loge Nationale de France ne survivra pas, bien trop révolutionnaire aux goûts des obédiences et des pouvoirs politiques. Elle fut soupçonnée d’être une société politique. Il lui fut demandé de se dissoudre. Ce qu’elle fit en 1851.

Il faudra attendre 1880 pour que des frères lui succèdent, fondant la Grande Loge Symbolique Ecossaise et reprennent ses idées ...

Cette autre « GLNF »

L'auteur de cette chanson en hommage aux insurgés de 1848 est Pierre Dupont (1821-1870).

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A
On oublie aussi souvent la "Mere Loge Ecossaise de Marseille de 1751" qui contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire n'est aucunement à l'origine du REAA (50 ans plus tard) mais uneimplantation fidele du Rite Moderne (rite pur anglais) qui s'"appellera par la suite "Rite Francais".
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C
Merci pour ces précisions et... bonne et heureuse année à toi. Je ne te savais pas historienne, mais dis moi: je me suis laissé dire qu'une autre GLSE avait été créée à la fin du siècle dernier, il y à quelques années donc, regroupant presque exclusivement des anars Français ( de la F.A. rue Amelot), ou Belges, elle serait mixte et ne procédant pas à des initiations...curieux non? Elle ne recrutait à l'époque que des FF:. ou SS:. ayant atteint le 3e degré, ce qui l'apparenterait plutôt à une fraternelle clandestine. Aurais tu des précisions? Existe-t-elle encore
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L
Je ne peux pas te dire. On trouve une grande loge symbolique de France (au rite de Menphis misraim, siège St Mande), mais j'ignore ce qu'elle est exactement.
B
Bonjour ma Soeur , tous mes voeux pour cette nouvelle année .<br /> <br /> merci pour ce morceau d'histoire que je ne connaissais pas . <br /> je t'embrasse
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C
Comme quoi les avangardistes n'ont pas forcément tort. On attend pour le non cumul des mandats et dans l'espace et dans le temps et j'espère plus pour trop longtemps...
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B
Pour l'histoire de cette GLSE, voir le livre de la regrettée Françoise Jupeau Réquillard, La Grande Loge Symbolique écossaise 1880-1911, ou les avant-gardes maçonniques, Éditions du Rocher,‎ 1998
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