6 Janvier 2016
La place des femmes dans les médias est une longue histoire encore à écrire. En effet, les femmes et le journalisme – sous toutes ses formes, presse écrite ou audio-visuel – est une relation complexe. A en croire les réactions de frères à l’ouverture de mon blog quelques années plus tôt (maintenant ils se sont faits une raison), il faut croire que les femmes ne peuvent être productrices d’une information et, encore moins, réfléchir à celle-ci sans la tutelle masculine.
Ce journal a, à sa manière, ouvert aux femmes la porte des médias, proposant des reportages et des sujets d’actualité. Les premiers journaux féminins apparaissent, quant à eux, à partir des années 1750 comme le « Journal des Dames » qui illustre cet article.
Nous avons vaguement dans nos mémoires quelques noms de femmes journalistes ou ayant collaboré à des journaux comme George Sand ou Séverine (considérée comme la première femme journaliste), mais aussi Nelly Bly à qui le métier doit les premiers reportages d’infiltration (quand même). Il a fallu, pourtant, attendre plusieurs décennies pour qu’un premier magazine féminin fondé par une femme apparaisse (Elle en 1945) mais aussi que soit repris le principe de « la Fronde », soit un journal d’actualité, féministe certes mais féminin.
Fut ainsi publié en 1976 « Histoire d’Elles » qui ne durera que trois ans comme pour la plupart des magazines féministes qui seront publiés à la même époque. « Marie-Claire », magazine féminin conformiste, pris un tournant idéologique en 1974 en publiant, sous le modèle de l’américaine et féministe "Ms Magazine", le cahier « Femmes ». Si on peut applaudir ce tournant, l’intérêt était bien plus économique que féministe. Entre 1973 et 1976, « Elle » voit ses ventes chuter de 500 000 exemplaires à 300 000; alors que Marie-Claire passe de 520 000 exemplaires en 1973 à 400 000 en 1976. Ces magazines sont, bien entendu, plus « féminins » que « féministes » avec leurs mannequins stéréotypés et leurs conseils modes.
En 1981, l’Association des Femmes Journalistes était fondée avec pour objet de valoriser l’emploi des femmes journalistes et de réfléchir à l’image des femmes dans les médias – des « Chiennes de Garde » avant l’heure, en quelque sorte. Normal, puisque sa première présidente Florence Montreynaud fut aussi présidente quelques années et membre actif de l’Association des Femmes Journalistes. Les chiffres(les derniers datent de 2010) montrent que la profession de journaliste est toujours fermée aux femmes, ne comptant pas plus de 25% de femmes journalistes en 2010.
Depuis quelques années, des magazines dits « féministes » fleurissent. Pour ne pas trop désorientées les lectrices, ils utilisent une maquette identique à celle des magazines féminins plus traditionnels. On trouve ainsi « Clara Magazine », « Causette », et à la marge du magazine féminin/féministe « Madmoizelle ».
Pour les mêmes raisons qu’elles ne le sont pas dans le monde politique. En plus, une plume à la main (ou un clavier), une tribune à disposition, elles peuvent s’exprimer … ce qui est carrément dangereux sans être sous la tutelle d’un parti.
C’est à en croire la pétition des femmes journalistes politiques parue en mai 2015, même, un métier à haut risque – de quoi faire fuir toutes les bonnes volontés - C’est aussi à se demander quel genre d’individus nous élisons.
Donner son opinion, comme en avoir une (pas besoin de toutes les indiquer, hein ?), informer comme être informé, sont des droits fondamentaux dont les femmes sont encore exclues. Pourtant, elles ont à dire (et en l’occurrence à écrire). Il faut bien avouer que si l’information est faite par les hommes pour les hommes – de même que la politique – ces messieurs peuvent rester chez eux. Il n’y a pas de quoi être fier d’un état d’urgence de trois mois, d’une révision de la constitution prévoyant la déchéance de la nationalité – véritable aveu de la déchéance de nos institutions – d’un taux de chômage qui a explosé, d’une Europe en pleine crise d’identité et d’une extrême-droite qui n’a jamais eu autant de chance de passer à la présidence … et finalement d’une imprévoyance criminelle dans tous les domaines.
L’information (et sa diffusion) fut longtemps considéré comme un contre-pouvoir – qui n’a pas fait son boulot ni d’information, ni d’analyse depuis trop longtemps – mais qui en possède encore l’illusion au même titre que le politique.
Notes :
La Fronde fut un quotidien de 1897 à 1903, avec jusqu’à 50 000 lecteurs dans lequel ont collaboré Madeleine Pelletier, Nelly Roussel, Maria Vérone.
L’Association des Femmes Journalistes fut fondée en 1981 et dissoute en 2014. Les Chiennes de Garde fut fondée en 1999.
Ms Magazine, fondé en 1971 – existe encore : http://www.msmagazine.com/ - Clara-Magazine : http://clara-magazine.fr/ - Causette : https://www.causette.fr/ - Madmoizelle : http://www.madmoizelle.com/ -
Pétition Femmes Journalistes : http://www.liberation.fr/france/2015/05/04/nous-femmes-journalistes-en-politique_1289357 - Femmes en politique : http://www.liberation.fr/france/2015/05/04/femmes-en-politique-un-match-contre-les-machos_1289649