12 Juin 2016
Le « body painting » - entendre en français la peinture sur corps – est issus de coutumes tribales qui furent quelque peu détournées par des artistes. Y voir une signification symbolique et philosophique, pourquoi pas ? Or, cela n'en demeure pas moins – et pas plus – une des formes d'expression artistique contemporaine. Le principe est l'oeuvre éphémère – à moins que l'oeuvre ne soit pas nécessairement la peinture sur le corps, mais le corps lui-même, mis en valeur par la peinture. Pour aller plus loin, on peut parler de transformation du corps, de transmission d'un message dans lequel l'humain serait au centre. L'être humain au centre, c'est d'ailleurs tout le débat de la nudité … et, à notre époque, personne ne s'offusque plus des camps de nudistes. Enfin, je le croyais.
Aussi incroyable que cela puisse paraître aux dévots et dévotes, coincés et coincées, le « body painting » ne consiste pas à peindre uniquement le corps, mais se contenter d'une main ou du visage. La performance artistique n'est pas de peindre un corps en entier. Ainsi, la nudité toute relative du body painting n'est pas un des principes, voir une nécessité, ni même ce qui est recherché, ni même ce qui est obtenu. Qui ne connaît pas les mains ou les pieds peints au henné ?
Nudité relative, bien sûr. Qui peut vraiment y voir un corps nu ? « Ni nu, ni vétu » serait le résultat précisément symbolique de la peinture sur corps.
Le nu – qui quant à lui est complètement nu – est, dans l'expression artistique, particulièrement courant et toujours ré-inventé. Les « nus » symbolisaient au Moyen-Age la mortalité de l'être humain et le péché originel comme «interdit », alors qu'à l'Antiquité, pour les grecs, il représentait un idéal de beauté. Le nu apparaît à toutes les époques … et dans toutes les formes picturales et statuaires.
Depuis quelques temps, sur le blog hiram.be de Géplu, une polémique est ouverte sur une initiative lors des « Imaginales d'Epinal » : un body painting sur une femme. Certains et même certaines s'en offusquent y voyant (à ma grande surprise) le corps des femmes avilies. C'est absolument méconnaître les messages véhiculés par le body painting et comment celui-ci est utilisé par les femmes – elles-mêmes - A moins que les francs-maçons soient trop connectés à facebook (qui censure les œuvres, y compris classiques, de nus) et infectés par celui-ci, cette soudaine poussée de pudibonderie chez nos contemporains est à la fois amusante tout autant qu'alarmante.
L'un des groupes féministes les plus habitués au body painting est les Femen – décriée pour leur nudité quelque peu armée et violente – considérant que le corps d'une femme n'est pas un objet – peinte de messages. Juste accessoirement, les Femen militent contre la prostitution et, en particulier, la traite des femmes. Ils seraient ainsi plus judicieux pour ces nouveaux défenseurs de la cause des femmes de s'en inspirer (merci).
Avant les femen, c'est en 1929 que des milliers de femmes aux seins nues, nigérianes, ont défilés protestant contre l'Empire Britanique. En 2000, ce sont des vieilles femmes au Kenya qui ont ainsi défilées. Au Centrafrique, cela se passe en 2014, des centaines de femmes ont défilé les seins nus pour dénoncer les violences entre les musulmans et les chrétiens, ayant fait plusieurs morts et blessés. http://www.centrafrique-presse.info/site/info-societe-6552.html
La nudité n'est avilissante que lorsqu'elle devient marchandise sexuelle, prostitution de l'image, chosification du corps, mais pas lorsque cette nudité est un témoignage de l'humanité, de l'égalité des femmes – voir même des hommes – La nudité rappelle que c'est nu que l'être humain né – nu, rouge, fripé et braillant –
Une autre initiative de body painting concerne la lutte contre le cancer du sein, première cause de mortalité en France pour les femmes. http://www.gentside.com/body-painting/etes-vous-obsede-par-les-bonnes-choses_pic27571.html
Le body painting est une approche esthétique qui n'a pas non plus pour but de considérer que certains corps sont plus beaux que d'autres. Il n'est nullement une manière de mettre les canons d'une beauté contrairement aux nus grecs de l'Antiquité en avant. C'est, du moins, le message que souhaite faire passer une jeune anglaise de 22 ans Jody Steel.