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La Maçonne

Fin du Parti Socialiste. Fin du socialisme ?

Depuis quelques temps, le déclin du Parti Socialiste, affectueusement appelé PS, est annoncé. Il faut avouer que les résultats des dernières élections, les « Nuits Debouts » qui s'enchaînent sans aboutir contre la « loi travail », la série d'attentats et l'état d'urgence renouvelé quatre fois, ne permettent pas de le contredire. Après trois 49.3, la « Loi travail » a été forcée ce 20 juillet.

La fin du PS risque de conduire des électeurs dans un monde de solitude face aux urnes lors des présidentielles à venir. En effet, entre Marine le Pen et l'inconnu des « Républicains-UMP » (qui peut être Sarkozy, Copé, Fillon, NKM, Morano … ), et l'éternel outsider de gauche qu'est Jean-Luc Mélanchon, bien des français vont se trouver dans l'embarras.

Au-delà de l'effet médiatique de l'annonce d'un déclin du PS - sinon de son enterrement - c'est le moment et l'occasion, tant qu'il existe encore, d'en faire l'analyse.

Les élections présidentielles de 2002 & Lionel Jospin.

Tout le monde se souvient de l'échec cuisant du PS, incarné par Lionel Jospin en 2002.

Désigné gagnant par les sondages, l'électorat en a fait qu'à sa tête. Ceci nous a montré aussi qu'un Front National au second tour était possible. Il a montré aussi comme l'explique Rémi Lefebvre, spécialiste du PS : « Le Parti Socialiste ne représente pas ou plus les catégories populaires au trois sens du terme : il ne donne plus forme à ce groupe, il n'est plus à son image, il n'est plus à même de porter ni de défendre ses intérêts. »

La campagne, qui avec du recul peut être considérée comme surréaliste de Lionel Jospin, en fut la première démonstration. Le politique se définit par le discours, celui du candidat, du parti du candidat, qui doit convaincre son électorat traditionnel comme l'étendre à d'autres électeurs. Pour ce faire, le candidat doit être sincère, convaincu et présent.

Lionel Jospin, pour des raisons diverses, n'était ni l'un ni l'autre. Il a souhaité sortir du lot, considérant que l'exercice ne pouvait s'appliquer à lui. Investi par son propre parti, il se présentait « au centre » incarnant une « modernité » considérant que les français étaient responsables de leur sort, comme sa réponse devant les licenciements massifs de Michelin l'ont fait entendre.

Si cela a conduit au résultat que l'on sait. Pour le comprendre, il faut se pencher sur l'origine de l'idéologie du PS en 2002 : l'individualisme.

 

 

L'individualisme comme fatalité.

Le Parti Socialisme modélise la société comme un groupe d'individus, hétérogène, individualiste, pour lequel un discours unique est insuffisant ou contraire à cette idée considérée alors comme porteuse.

L'annonce des  Forums de la Rénovation du PS en 2007,  dont le thème était « les socialistes et l'individu », expliquait :

« L’individualisation a un visage double pour le moins, d’une part, elle est une revendication légitime, une demande d’autonomie, de libertés nouvelles et de nouveaux droits, (vive mai 68 !) et que nous soutenons et avons contribués à accroître, d’autre part, elle est facteur d’égoïsme, de repliement, d’isolement (et est encouragée comme telle par la vision libérale). Les socialistes qui ont l’habitude de raisonner en termes de classes sociales ont des difficultés à s’adresser directement à l’individu.
Nous encourageons évidemment la vision d’un individu solidaire [...]… ne sont pas qu’une collection d’individus. Il faut donc faire le point sur notre conception en s’interrogeant sur la manière de concilier des politiques porteuses de priorités sociales claires avec un discours adressé aux individus. Mais il faut le faire également de manière concrète. Car, l’individualisme est aussi une réalité contrainte dans notre société, par l’organisation nouvelle du travail, par les évolutions sociales et culturelles, par les effets des nouvelles technologies, etc…. »

 

Cette liberté (autonomie) de l'individu, encensée par le PS, ayant permis aussi des lois comme « le mariage pour tous » ou le PACS, ne lui permet pas de construire une image de la société et des demandes des électeurs, s'en éloignant. Elle annonçait la fin de « la lutte des classes » faute de combattants. La « classe ouvrière » n'existe plus : les nouvelles méthodes de travail sont « individualistes ». Les individus "libres" sont aussi égoïstes, ne sachant plus se mobiliser pour une cause voir même leurs intérêts. 

Je pourrais me gausser longuement sur cette idéologie qui masque à la fois l'aspect collectif du monde du travail et de l'entreprise, mais aussi ses souffrances comme un débat nécessaire. Un débat, qui demeure impossible, lorsque l'on voit les manœuvres politiciennes de Manuel Valls pour faire adopter la « loi travail ».

Or, la « Loi Travail » et les manifestations qui la contestent comme Nuits Debouts font mentir ce constat. Les français, aussi individualistes et libres soient-ils, savent défendre leurs intérêts communs. Savent de "réunir" malgré leurs différences. Savent se retrouver. Les attentats qui secouent l'Europe, le débat sur les migrants, montrent aussi que les français savent aussi se montrer solidaires. 

L'individualisme comme dialectique de la pensée politique du PS fut un leurre en 2002, qui pour Jospin responsabilisait les français « avec qui il ne pouvait rien faire ». Cette opposition entre le collectivisme et l'individualisme a conduit le PS à abandonner une partie de son électorat : la classe ouvrière, les plus démunis et les plus fragiles d'entre nous. 

Cet individualisme fataliste, a évolué pour devenir en 2016 une excuse du PS. On peut ainsi lire en introduction des 50 recommandations pour nos institutions (PS) : en date de mai 2016 

« À la fois plus autonome et plus individualiste, l’expression politique citoyenne est incontestablement devenue plus défiante et plus critique.

La défiance qui s’est installée et qui s’est généralisée à l’encontre des institutions comme du personnel politique a fait le lit d’une crise de la représentation et suscite une réticence croissante à l’égard de tous les types de médiation politique.»

Il faut oser !

Un « vote de classe » ?

Il n'est plus possible pour un politique en France d'expliquer que la « classe ouvrière » n'existe plus, perdu corps et biens dans une ancienne lutte des classes, cette vilaine expression.

Aucun ne peut considérer qu'il n'existe pas de « vote de classe ». Le référendum de 2005 en fut la première preuve.

Le « Oui » au projet d'une constitution européenne était représentatif de 74% des individus dont le salaire est au-dessus de 4500 €/mois et de 70% des surdiplômés. Comme il était exprimé pour environ 82% à Neuilly (la ville de Nicolas Sarkozy) alors que le « Non » l'emportait à hauteur de 82% dans la ville de Laurent Fabius. Toutes les inégalités sociales ont éclaté à travers ce seul référendum, alors que la gauche et la droite s'unissaient pour un « Oui » massif.

Les élections présidentielles de 2007 ont montré que, alors que Ségolène Royal renouait avec l'électorat classique de PS, suivant une  étude CEVIPOF, s'est avérée moins attractive que Nicolas Sarkozy dans les classes dites intermédiaires (petits commerçant et artisans, employés) avec une égalité avec les ouvriers, ne récupérant, d'ailleurs, pas son retard par une posture « libérale » auprès des cadres et professions libérales.

« Ceux qui se lèvent tôt », phrase jugée populiste, ont évacué Ségolène Royale de la scène politique.

Dure réalité de la politique, pour convaincre un électorat, il faut lui parler. Leur parler d'eux. Connaître leurs besoins. Renouer avec la rue. Le PS est absent. 

 

Manuel Valls, le 49.3 et la destruction du PS.

La fin du PS,  si elle trouve une origine à son passé et de ses choix idéologiques, s'avère aussi liée aux décisions actuelles. Manuel Valls relançant le 49.3 pour une troisième fois – certainement la définition de la médiation pour le PS – fait passer la « Loi Travail ».ce 20 juillet

Véritable mépris des votes des députés et de l'opinion publique (70% des français se disent contre ce projet de loi), si la tombe du PS n'était pas encore creusée, on peut considérer que c'est fait. 

Cette loi Loi Travail prévoit d'augmenter le temps de travail de 10h maxi à 12h maxi, de réduire la majoration des heures supplémentaires fixées à 25% à 10%, de faciliter les licenciements économiques, comme de plafonner les indemnités aux Prud'hommes et de limiter les visites médicales d'embauche.

Les salariés, qui sont payés à "l'heure" et non "au forfait", sont les ouvriers et les employés dans les sociétés industrielles ou de services. 

Difficile de faire moins social que ce projet de loi. Le PS a abandonné la majorité des salariés et des citoyens. 

 

Est-ce que le socialisme existe toujours ?J'aime croire que si le PS a renoncé à ses valeurs, d'autres seront les reprendre. Il sera, néanmoins, difficile pour eux de convaincre un électorat – cet électorat qui, il y a 4 ans, aspirait à une politique de gauche. 

Fin du Parti Socialiste. Fin du socialisme ?

Pour aller plus loin :

Vous pouvez trouver plusieurs études, dont celle-ci : Une étude de la Fondation Jean Jaurès

Rémi Lefebvre, « L'opinion et la participation : la campagne présidentielle de ségolène royal », Hermès, La Revue 2008/3 (n° 52), p. 163-170.

Rémi Lefebvre, Frédéric Sawicki, « Pourquoi le PS ne parle-t-il plus aux catégories populaires ? », Mouvements 2007/2 (n° 50), p. 24-32. DOI 10.3917/mouv.050.0024

Jean-Pierre Esquenazi, « Lionel Jospin et la campagne de 2002. Erreur de communication ou erreur politique ? », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2003/4 (no 80), p. 101-112. DOI 10.3917/ving.080.0101

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M
l'éternel outsider de gauche qu'est Jean-Luc Mélenchon...<br /> L’élection de 2012 et maintenant celle de 2016...<br /> L’éternité n'a que quatre ans???<br /> <br /> Persistez à nous (bien) écrire encore.<br /> Bien à vous .
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L
Merci Jean-Marie pour ton compliment. <br /> C'est vrai que Mélenchon semble être suspendu à l'éternité.