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La Maçonne

Laïcité : Macron s'abîme dans la loi de 1905.

Ce lundi 9 avril, au Collège des Bernadins, Emmanuel Macron donnait un discours fleuve qui fait encore polémique. On se souvient, encore, de Nicolas Sarkozy qui – aussi dans un discours, celui de Lacan – a porté atteinte à la loi de la Laïcité. Que cherchent ces hommes politiques, présidents de la République, que l'on classe à droite auprès d’ecclésiastes catholiques ? 
J'ai donc, attentivement, lu ce discours que vous pouvez trouver ici et vous propose une petite analayse. (lire ici le discours complet)


« Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. » 

On veut bien croire que la Laïcité a « abîmé » la place de la religion catholique dans les affaires de l'Etat – plus exactement, il a séparé les deux sphères. C'est, d'ailleurs, pour cette raison que l'on l'appelle « loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat ».

Or, Emmanuel Macron ne souhaite pas seulement « réparer » un tel lien. Il souhaite un retour au passé soit à «  qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir. ».

Il n'hésite pas à récupérer Beltrame qu'il trouve certainement plus catholique que franc-maçon expliquant : « les autres y ont vu la manifestation d’une fidélité républicaine nourrie par son parcours maçonnique ; d’autres enfin, et notamment son épouse, ont interprété son acte comme la traduction de sa foi catholique ardente, prête à l’épreuve suprême de la mort. » Il continue ainsi considérer que « la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme. » 
En un mot, les citoyens d'autres religions voir même ceux qui n'en ont pas n'auraient pas de « flamme » citoyenne. M'en référant à un précédant article traitant de cet « universalisme » qui conduit à des positions extrêmes, montrant deux exemples, pour Emmanuel Macron, le « bon citoyen » est catholique, voir même très catholique. 
Il continue son discours vantant les grandes œuvres des catholiques dans l'histoire de France, édulcorant, quand même, de leur place dans les mouvements d'extrême-droite et pétainiste de la 2nde guerre mondiale et tout au long du 20ème et en ce début du 21ème siècle. 

« Certains pourront considérer que de tels propos sont en infraction avec la laïcité. Mais après tout, nous comptons aussi des martyrs et des héros de toute confession et notre histoire récente nous l’a encore montré, et y compris des athées, qui ont trouvé au fond de leur morale les sources d’un sacrifice complet.Reconnaître les uns n’est pas diminuer les autres, et je considère que la laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens. » Soit. 

Là aussi, Emmanuel Macron montre qu'il ignore le sens même de la loi de 1905. La laïcité n'est pas nier un droit à l'exercice d'un culte, mais à préserver une liberté de conscience sans qu'une croyance ou non croyance puisse s'autoproclamer seule et unique et se mêler des affaires de l'Etat. Accessoirement, comme la religion catholique n'est pas la seule pratiquée en France, elle est aussi à permettre à tous les citoyens quelque puisse être leur croyance de « vivre ensemble ». Les athées n'ont pas plus de droits que les catholiques dans la gestion des affaires de l'état. D'ailleurs, il n'existe aucune association d'athées qui recevraient Macron. 

« Et c’est bien parce que je ne suis pas indifférent, que je perçois combien le chemin que l'Etat et l'Eglise partagent depuis si longtemps, est aujourd'hui semé de malentendus et de défiance réciproques. » 
Comment peut-il exister des « malentendus » puisque l'Etat et l'Eglise sont censées être dans deux sphères différentes , ceci étant bien définies dans la Loi de 1905. La suite du discours d'Emmanuel Macron est, juste, consternante de bêtise et assez risible. En effet, selon lui, la situation ne fut pas voulue pas l'Eglise catholique – qui devient par conséquent victime d'une loi qu'elle n'a pas choisi et de politiques l'évinçant de sphères publiques et temporelles. Les malheureux catholiques furent, tout simplement, ignorés et méconnus. Emmanuel Macron va jusqu'à accuser certains politiques avoir « surjoué l'attachement aux catholiques » à des fins électoralistes. Et lui, là, il fait quoi ? Il estime aussi que le catholicisme aspire aussi à « l'universel », en oubliant de préciser à condition que tous soient catholiques … 

« Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser, soit à les ignorer, alors que c’est d’un dialogue et d’une coopération d’une toute autre tenue, d’une contribution d’un tout autre poids à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens. » 
Bref, si on a tout compris, c'est parce que Emmanuel Macron est catholique que la République devrait le devenir, tout au moins intégrer une religion à sa gestion. A part ça, ce n'est absolument pas une atteinte à la loi de la Laïcité ! 

« Ce questionnement intéresse toute la France non parce qu’il est spécifiquement catholique, mais parce qu’il repose sur une idée de l’homme, de son destin, de sa vocation, qui sont au cœur de notre devenir immédiat. Parce qu’il entend offrir un sens et des repères à ceux qui trop souvent en manquent. » 
[…] 
C’est pour tenter de cerner cela que je suis ici ce soir. Pour vous dire que la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté. » 
La suite est dans cette même veine. Il explique ainsi que tous les débats éthiques (comme l'intelligence artificielle, par exemple) devrait être abordé suivant une orientation catholique. « Or il n’est pas possible d’avancer sur cette voie sans croiser le chemin du catholicisme, qui depuis des siècles creuse patiemment ce questionnement. » 

J'imagine qu'Emmanuel Macron fait référence aux guerres de religion, à l'Inquisition et aux nombreux procès pour hérésie dès qu'un de ses dogmes étaient attaqués par la science. Il appelle, finalement, l'Eglise à rejoindre l'Etat qui l'accueillera entrecoupant son discours de citations, d’exhortations et d'exemples. 
De toute évidence, oui. Emmanuel Macron est le Président de la République qui est allé le plus loin dans une attaque massive et sans complexe de la Loi de la Laïcité. Il a ignoré le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat (qui va dans les deux sens) et celui de la liberté de culte et de croyance, soit la liberté de conscience, des citoyens. 


Le catholicisme : un agent moralisateur pour la République? 

Emmanuel Macron, à l'instar de François Fillon, se cherche une caution morale. Son discours est censé construire son image, le définir. Avec une identité de catholique, il souhaite ainsi que lui soit reconnu les valeurs : « universalisme » comme on la vu plus haut, mais il fait aussi un parallèle identique sur l'humanisme (catholique) et l'éthique. C'est moins ostentatoire que Fillon,  aujourd'hui mis en examen, mais le discours dans son fond est le même. La religion catholique devrait tenir son rôle dans l'Etat en tant qu'agent moralisateur de la vie publique. Les autres politiques seraient ainsi immoraux soit parce qu'ils utilisaient les catholiques à des fins électoralistes, soit parce qu'ils les ignoraient n'étant pas, eux mêmes, catholiques. 

Une société multiculturaliste, c'est effectivement pour un homme politique de droite un casse-tête que j'oserais qualifié de chinois. Emmanuel Macron ne proclame pas une « origine chrétienne » de la France comme le fait une droite dure ou extrême, mais montre le même désespoir face à une réalité sociale dont les événements montrent qu'il n'en maîtrise rien.

Il joue finalement au même jeu que l'extrême-droite - autrement dit de son racisme fondateur - en voyant le multiculturalisme comme un des maux français voir européens. Macron, comme beaucoup, se trompe. Ce n'est pas la diversité culturelle et religieuse qui est un mal, c'est la détestation de cette diversité qui l'est. 

Au lieu de s'inquiéter des liens qui ont été abîmés entre les catholiques et la République, il pourrait constater que ceux entre les français et son gouvernement et sa politique ne sont pas en bon état. 67% des français considèrent que la politique de Macron est, surtout, favorable aux intérêts des plus aisés. (source)
36 % ne trouvent rien de positif dans l'ensemble de sa politique y compris ses réformes. Il serait déconnecté des réalités (pour 32% des français). Ce n'est pas même un scoop de dire que la politique menée actuellement est une politique de droite et qu'elle n'a rien, en elle-même, d'innovante factuellement. Quant à sa politique concernant les migrants, c'est purement et simplement un désastre humanitaire de plus.  source et lire ici.  Amnesty International n'épargne nullement la France et la politique menée par Macron (source)

Or, ses exhortations vis-à-vis des évêques présents est largement un appel « à la réalité » leur demandant de l'intégrer afin de mieux séduire les citoyens et citoyennes. Il souhaite, certainement, ainsi les convaincre que sa politique est respectueuse de valeurs hautement religieuses. Est-ce que les catholiques bon teint demanderaient un désastre humanitaire plus important? 


A lire son discours, on pourrait presque croire qu'il espère aussi donner à la religion catholique non pas une primauté au sein de l'Etat mais une au au sein des religions.  Pour lui, les citoyens ont une religion et quitte à en avoir une, il préférerait qu'ils se mettent tous d'accord pour en pratiquer qu'une seule, la religion catholique affublée, dans le discours de Macron, de nombreuses qualités. C'est bien là qu'il se trompe. Plus de 50% des français ne se réclament d'aucune religion. ((source)

Emmanuel Macron se pose comme évangélisateur, demandant aux évêques de devenir les évangélisateurs qu'ils devraient être, afin de redevenir la première religion et niant de fait le droit aux citoyens de choisir son culte. 

 

Lire ci-dessous le communiqué du Droit Humain. 

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L
« Je ne demanderai à aucun de nos concitoyens de ne pas croire ou de croire modérément. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je souhaite que chacun de nos concitoyens puisse croire à une religion, une philosophie qui sera la sienne, une forme de transcendance ou pas, qu’il puisse le faire librement mais que chacune de ces religions, de ces philosophies puisse lui apporter ce besoin au plus profond de lui-même d’absolu.<br /> Mon rôle est de m'assurer qu'il ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C'est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d'évoquer. »<br /> <br /> Comme l'a fait remarquer l'auteur du blog "3, 5, 7 et plus"<br /> http://357.hautetfort.com/archive/2018/04/12/macron-et-la-laicite.html<br /> on oublie un peu de citer de passage, qui me parait en parfait accord avec une définition saine de la laïcité.
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L
Un passage que les 6 pages du discours démentent ! Alors, on préfère quoi 4 lignes qui disent une chose ou les 6 autres pages qui disent tout autre chose ? Vu la qualité de la prose de ce discours, on ne va pas prétendre qu'il a fait des bourdes rhétoriques ... <br /> On peut même accuser Macron d'avoir tenter d'endormir le blog 357 !
E
Oui, trois fois oui dans ton analyse ma S:. <br /> A plus de soixante ans, élevée à la Maîtrise il y a peu, j'avais dans mes impressions émis l'idée et non la crainte que, parfois il nous faut reconstruire ce que l'on croyait acquis et installé.<br /> Force est de constater, à lumière de ton juste décryptage, que c'est aujourd'hui le cas !<br /> Alors au travail mes SS et FF:.<br /> Frat:.<br /> Michèle ( le Droit Humain)
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C
Bravo...Il fallait le dire. Ce Président joue avec le feu comme un enfant gâté qu'il est et il va bien finir par se brûler.
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Y
Plutôt le discours de LATRAN.
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