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La Maçonne

Esotérisme : ségrégation entre sacré et profane

Pour toutes celles et tous ceux qui étudient ou ont étudiés les causes du racisme, une évidence apparaît : si tout le monde était français, il n'y aurait pas de français. Quitte à vous faire grincer les dents, cela fonctionne très bien aussi pour cette séparation : sacré et profane en franc-maçonnerie. Si tout était sacré, il n'y aurait pas de sacré. 
Peu importe ce que vous mettez dans le « sacré », comment vous l'organisez ou encore par quel biais vous l'analysez, la seule chose qu'il faut garder à l'esprit est que cette distinction « sacré » et « profane » est ni plus, ni moins qu'une frontière de plus, une frontière invisible et mouvante. 
Le risque est d'être comme un bon gros raciste de base : se considérer, au nom de ce « sacré », supérieur aux profanes, comme cette ex-amie, sœur du GODF,  me l'a bien fait comprendre. Dans une franc-maçonnerie qui se dit humaniste, héritière du « Siècle des Lumières », travaillant au progrès de l'humanité, c'est, comme vous vous en doutez, parfaitement inacceptable. 
Certes, on pourrait tout simplement supprimer ces notions de « sacré » et de « profane » dans nos rituels. Après tout, pouvons-nous dire cela ne sert pas à grand chose à part révéler chez certains d'entre nous quelque sentiment de supériorité qui nous embarrasse bien. 

De même, pour répondre à une question d'une sœur, la République Française et ses lois ne reconnaissent pas le caractère sacré d'une loge ou d'une tenue au même titre qu'elle ne reconnaît pas le blasphème, c'est-à-dire le caractère sacré de dieu lui-même ou encore même d'une religion. Ainsi, celles qui croient que, par exemple, je ne serais réintégrée que dans l'association profane et pas dans la loge suite à un jugement peuvent compter dessus et boire de l'eau. Ce ne sera que, pour moi, l'occasion d'ouvrir une nouvelle procédure judiciaire qui sera, d'ailleurs, largement simplifiée puisque qu'elle consistera à simplement faire exécuter l'éventuel jugement que j'aurais obtenu. 


Mon avocat, lors de notre premier entretien, avait comparé la GLFF à une fédération de foot pour m'expliquer que le conseil fédéral pouvait dire ce qu'il voulait mais qu'au final c'était toujours la loge qui portait la responsabilité de ces décisions, comme c'est le cas pour les clubs de foot tous adhérents à la fédération de foot. 
L'image, qui peut faire tousser plus d'une, est intéressante lorsque l'on aborde la question de la non-reconnaissance des obédiences. 
En sus d'être un vilain jeu de politique obédientiel, c'est essentiellement de la discrimination conduite officiellement par les dignitaires d'obédiences qui se comportent, comme on l'a vu cette année, non pas comme des francs-maçons mais des hooligans. Là, on se demande même s'il n'y a pas un jeu-concours. C'est toucher un fond. Toutes les obédiences du monde ont le leur. Toutes s'estiment sacrées, reléguant celles qu'elles ne veulent pas reconnaître, dans les abysses du profane. 

Autre exemple qui touche les sœurs essentiellement, la GLDF interdit les visites des sœurs aussi du fait du caractère « sacré » de ses tenues « entre hommes » qui perdraient – du fait de la présence de femmes – toutes qualités. Ceci dit une fois que l'on estime que les frères de la GLDF ne sont pas des obsédés sexuels comme ils se présentent eux-mêmes bien entendu. 


Manipuler ces deux notions en respectant la dignité humaine, les principes d'égalité entre les hommes et les femmes ou encore de laïcité, tout en leur laissant un sens, va à l'encontre du sens que la majorité des francs-maçons donnent consciemment ou inconsciemment. 

Il est important de dépasser ce sens ségrégationniste. 

 

La construction du sacré. 

Autant « construire le profane » ne pose pas de problème, autant celui du sacré a passionné les historiens, anthropologues, philosophes, sociologues … sans que personne ne trouve vraiment une théorie satisfaisante. Si le « sacré » ne s'est pas construit de la même manière, il n'a pas non plus la même définition d'une civilisation à une autre, d'une religion à une autre. 
Marc Augé dans son article « Espace et Sacralité » donne, à la fois une définition satisfaisante du « sacré » pour l'occident, mais présente ses différentes définitions. 
Ainsi, pour l'occidental, le sacré est défini par un temps – heures des prières, jours des fêtes religieuses – et un espace – ce que l'on appelle vulgairement le lieu de culte mais aussi l'organisation même de cet espace. Or, il apparaît que même à l'intérieur d'un système « sacré », il existe plusieurs niveaux, degrés – de sacré constitutif d'une pensée et d'une démarche spirituelle. 

L'intéressante étude de Jean-Claude Schmitt montre que dans le christianisme médiéval, il n'existe pas de sacré « en soi » - c'est-à-dire naturel ou admis  - mais une démarche de consécration, c'est-à-dire une réduction du sacré à une série d'actions permettant d'assurer un caractère sacré à des personnes, des lieux ou des moments. 

« Dans ces conditions, le sacré n'existait pas en soi : il était donné, souvent temporairement, parce
que destiné à être consommé (les espèces consacrées – le Corps du Christ – étaient consommées par le prêtre et les fidèles ou ne demeuraient qu'un temps bref dans la réserve eucharistique du tabernacle), ou à être légitimement rendu à la sphère profane : ainsi pour les vases liturgiques dont le métal précieux, une fois fondu, retrouvait sa valeur marchande.
 » 

Encore aujourd'hui, une église – l'édifice qui se trouve au milieu du village et où personne ne va plus -  n'est pas un lieu sacré allant de lui-même. 
Sa consécration tient par la présence de reliques qui peuvent être déplacées en dehors de l'église, cachées ou exposées à des moments précis – De même toute l'église n'est pas sacrée, une fois consacrée – du moins elle admet divers degrés de sacralité suivant son utilisation et son espace intérieur.

La construction des héros (et des saints). 

 Se pencher sur la signification des reliques revient aussi à analyser la magie, où plus exactement les croyances populaires, dans les religions comme la place des héros dans notre culture. 
La religion catholique a organisé le culte des reliques dont l'origine exacte est encore à définir. Le principe est de considérer que dans les restes humains d'un saint, ses qualités (« virtus ») restent et surtout peuvent se transmettre par la simple présence des restes. Il s'agit, en somme, d'une magie par contact au même titre que la croyance aux amulettes qui donnent aux objets un pouvoir surnaturel ou considéré comme tel. La médecine moderne utilise le placebo de la même manière. 

Les vertus d'un saint ont pris, tout au long du Moyen-Age, des caractéristiques que nous pouvons estimés comme fantaisistes, dont le pouvoir de guérison est l'incontournable. Le saint a vécu dans l'abnégation, la souffrance, le sacrifice … de manière désagréable. Leurs hagiographies est le récit des tortures (réelles ou imaginaires) qu'ils s'infligeaient. 

Une autre caractéristique est importante pour nous : les premiers saints étaient des martyrs. Un saint est un héros mort. C'est le fait d'être mort (pour la cause de dieu) qui fait le saint. Celui qui sert de modèle aux chrétiens est Jésus – non pas du fait de sa vie d'abnégation et ses miracles – mais surtout parce qu'il est mort, innocente victime, pour sa foi qui est placée au dessus de la vie humaine. Il parait donc presque logique que les saints et saintes des premiers siècles du christianisme suivent le même exemple. 

Le saint a aussi de dangereux ennemis qui peut être des mécréants, des infidèles, mais aussi lui-même – puisque dans la culture catholique l'être humain est toujours mauvais en lutte avec ses démons voir même des démons qui existent vraiment, si on se fie à la démonologie et à l'exorcisme. Ainsi, le saint est mort, après avoir vaincu les démons, alors que le quidam est simplement mort avec ses démons. 

Les martyrs dits « chrétiens » furent un des outils de propagation du culte, soit par leurs propres actes de violence – aujourd'hui on les appellerait des terroristes intégristes – soit par le modèle qu'ils ont donné après coup - parfois même plusieurs siècles plus tard - à la masse des fidèles. 

Les premiers martyrs dits d'Alexandrie furent, plus spécifiquement, des opposants politiques à l'empereur de Rome qu'ils insultèrent copieusement désavouant son pouvoir (sur eux). Ils n'ont, d'ailleurs, aucun caractère « extraordinaire » en eux-mêmes à part qu'ils démontrent que l'opposition politique ou à un pouvoir existaient même sous l'Antiquité. Ils n'ont rien de chrétiens non plus. Cependant, leurs méthodes de protestation quelques peu auto-destructrices rappellent sans aucun doute Jésus et Ponce Pilate. 


Le particularisme des martyrs chrétiens que l'on retrouve dans le récits de ceux de Lyon en 177 après JC est triple : 

  • un prosélytisme violent allant jusqu'au suicide à défaut de pouvoir tuer ceux qui ne seraient pas chrétiens, avec en fond une opposition interne entre les chrétiens eux-mêmes, qui feraient que ces premiers martyrs seraient surtout les victimes des quelques chrétiens autochtones,   
  • une origine des protagonistes peu claires, ils seraient d'origine syrienne et donc envoyés dans une mission de christianisation,  
  • et une crise politique et économique sous le règne de Marc-Aurèle qui peut justifier, tout autant qu'une controverse religieuse, une protestation politique. 

Or, sous la plume des historiens de l'Eglise de Rome, ils devinrent des autochtones paisibles, injustement condamner du fait de leurs croyances, par des païens (et toutes les religions y passent du culte de Cybèle en passant par celui de Mythra!).

Aucun d'eux ne possédaient de caractéristique « surnaturelle» - à moins que le goût pour être torturé et tué en fassent partie -  mais ils bénéficièrent d'une « reconnaissance » divine dont la subtilité peut échapper aux lecteurs contemporains. Ste-Blandine suivant sa légende ne fut pas mangée par les lions.  Il n'y a rien de spectaculaire, mais c'est assez pour qu'elle fut considérée comme "désignée" par dieu. 

En sus de transformer l'histoire de ces martyrs, le problème de l'église de Rome, quelques deux siècles plus tard, fut de retrouver les restes des persécutés pour y construire des églises sur leurs tombes, les consacrant automatiquement. La contagion de leur sainteté permettait de sanctifier l'édifice. ! 

De quels restes s'agissait-il puisque les victimes de Lyon ont été aussi celles de lions ? Cette contradiction digestive est, bien entendu, oubliée et des sépultures furent trouvées. Contradiction qui perdure encore aujourd'hui à en croire cet article sur le crane de St-Irénée. 

 

Les martyrs et leurs sépultures étant tous occupés, il fut nécessaire de trouver un autre modèle de saints. Arrivèrent ainsi les guérisseurs et les oracles dont on se partageait les restes, une fois la canonisation obtenue parfois plusieurs siècles plus tard.

La sacralisation devint, de facto, plus complexe – puisque la découverte des restes, leur division en plusieurs morceaux, leur acquisition et leur transfert nécessitaient une multitude de cérémonies. 
Notons aussi une autre particularité de la relique. Si elle transmet un caractère sacré par contagion à tout un édifice, elle peut le faire sur d'autres objets devenant par ses contacts eux-mêmes sacrés et pouvant eux-mêmes transmettre, toujours par contamination, le caractère sacré. Ainsi, une chercheuse Francesca Sbardella a observé au sein des couvents carmélites les cérémonies de sacralisation encore existantes de nos jours sur les restes de Françoise d'Amboise que vous pouvez lire dans, « La fabrique des reliques. Manipulations et production de sacré dans la clôture » ici.  Il y a même des photographies !

La construction du sacré est faite en deux temps : 

  • dans la construction du héros (du saint) et de son hagiographie, 
  • suivie par la construction du lieu – c'est-à-dire de l'espace devenant par contamination « sacré ». 

Même si on remonte à la plus haute antiquité, la construction du sacré repose sur plusieurs problèmatiques que l'on ne saurait résoudre. Dans tous les cas, la construction du sacré est bénéfique et semble obligatoire à un culte, soit elle est le culte – comme le culte des reliques – soit elle sert au culte comme la sacralisation d'une église – 
Le sacré ne permet aucun moyen d'acquérir une connaissance particulière, à part être en phase – plus exactement dans l'ambiance –  d'un culte lui-même, au même titre que la forme du lieu, le moment, les chants ou encore les prières.  Le sacré n'existe pas "en lui-même", mais surtout il ne se suffit pas pour être la religion ou le culte. Il n'en est qu'un aspect parmi d'autres. 

 

La connaissance du sacré. 

Le sacré ressemble à une maladie aussi contagieuse que la peste et – disons-le – tout aussi dangereuse. En vous promenant en toute innocence, vous risquez de transformer vos baskets préférées en reliques saintes rien qu'en foulant une tombe oubliée d'un authentique saint. De quoi remettre en cause toutes vos futures promenades bucoliques ! Or, comme vous ignorez que cette tombe existe (et même l'existence du saint en question), vos baskets retrouvent le chemin de votre placard, une fois chez vous. 

Pour que le sacré existe : non seulement, il faut y croire – mais aussi que l'on vous le dise et désigne, et accessoirement que vous ne vous amusez pas à remettre en cause le dogme toutes les deux secondes. Bref, il n'y a rien de moins de sacré  ce que vous ne voulez pas qui le soit. 

La plupart des premières églises furent construite, par défaut, sur des cimetières gallo-romains. Il était considéré qu'il y avait de fortes probabilités de s'y trouver des martyrs chrétiens ... inconnus ! 

Il est interdit aux musulmans de produire une image de dieu et de Mohamet. En effet, dieu est tellement inexplicable – et donc sacré -  qu'il ne peut être justement représenté par un être humain. Quant l'interdiction de celle de Mohamet, elle est malheureusement contemporaine. Quoiqu'il en soit, ces interdits comme d'autres ne concernent que les musulmans et plus largement à toutes personnes qui estiment qu'une représentation de dieu ou de Mohamet suffit à les désacraliser. 
Quant à ceux, qui  ignorent l'interdit, n'y croient pas et ne reconnaît aucun caractère sacré de dieu ou de Mohamet, ils peuvent à loisir les représenter comme ils l'entendent. Au même titre qu'il n'est demandé à aucun musulman et non catholique de reconnaître le caractère sacré des reliques de Ste-Ursule (de Cologne, il va s'en dire). 
Ceci explique pourquoi la République Française ne reconnaît pas le caractère sacré d'une loge, pas plus encore la même Sainte-Ursule et le blasphème suivant les représentations de Mohamet. 

Ce qui est vrai pour les uns, l'est pour tout le monde. C'est le bon vieux principe d'égalité devant la loi et de liberté de conscience. 

Ceci signifie que ce qui n'est pas sacré pour vous ne l'est tout bonnement pas. 
Nous avons vu que le sacré se construit, mais surtout il se décide et se choisit. 

 

Dieu Celte : Cernunos

L'humanité, l'espèce sacrée. 

Dans cette construction du sacré, on ne voit donc aucune relation avec la franc-maçonnerie qui ne propose aucun culte et ne se substitue pas au religieux. Il n'y a aucune comparaison possible entre ces constructions du sacré et ce « sacré » que serait la loge ou le temple maçonnique qui a plusieurs formes et même aucune puisque l'on peut tout à fait organiser des tenues dans son salon sans avoir besoin de faire appel à un décorateur. On ne voit donc aucune relation avec la franc-maçonnerie qui ne propose aucun culte et ne se substitue pas au religieux. 
Aucune sœur et aucun frère ne donne à qui que ce soit le pouvoir de décider pour eux ce qui est sacré ou ce qui ne l'est pas. 

Si certains francs-maçons trouvent dans le GADLU (Grand Architecte de l'Univers) un objet suffisant de leur culte, qu'ils confondent rituel maçonnique avec cérémonie religieuse, ils n'ont pas de héros à se mettre sous la main, aucun idéal humain, surnaturel et sanctifié pour se référer. 
Ils n'ont pas non plus de communauté – entendre par là que même dans leur propre loge, il y a peu de chance que tout le monde accepte de se prosterner devant le GADLU ! 
Ils n'ont pas non plus de gourou – à moins de vouloir l'être eux-mêmes – Ainsi, confondre GADLU et dieu est déjà passablement ridicule mais surtout inutile. Comme dirait l'autre, il y a assez de religions pour cela. 

La franc-maçonnerie travaille à l'amélioration de l'humanité – et peu importe ce que l'on met dans le mot « amélioration ». Cela peut être travailler sur des sujets sociétaux ou donner des chèques à des associations caritatives - c'est le mot « humanité » qui a son intérêt ici comme dans tous les ésotérismes. 
Dans mon article « Esotérisme :  l'humain au centre du débat », j'avais déjà développé cet invariant de Riffard.

Un des sociologues, qui fin du 19ème siècle et début du 20ème siècle a élaboré les premières théories sur le sacré et le profane est Emile Durkheim. Il est, en outre, le père de la sociologie. 
« De nature profondément religieuse, Durkheim croyait constater le déclin inéluctable des grandes religions traditionnelles en même temps que la désacralisation concomitante.  Il observe depuis le siècle des Lumières un sacré renaissant parallèle à la décomposition religieuse, sacré qui peut et doit avoir une fonction unificatrice dans les sociétés modernes Ce sacré concerne l'humanité dans l'homme individuel ce qu'il désigne comme personne.  Il s'agit donc de convoquer les hommes une sanctification de l'homme, de légitimer une nouvelle religion, la religion de l'individu, un nouveau sacré la sacro-sainte personne. »
L'individualisme était pour lui une nouvelle religion, tout au moins la religion « où tout le monde serait d'accord », religion naturelle par excellence. L'individu-sacré devient, par là, le ciment social, le meilleur moyen d'un vivre-ensemble. 
 
A quelque part, et d'ailleurs il le fait, il reformule les principes des droits humains, faisant de l'être humain, un être doué de raison par nature, égal, et dont la vie, la pensée, et tout ce qui constitue son identité et son bien-être doivent être protégés par les Etats. Un être humain a ainsi le droit au travail, à l'instruction, à choisir ses croyances ou incroyances,  …. et aussi un droit à être en bonne santé, à avoir un nom et un pays. Bref, autant de droits qui nous semblent naturels et normaux. Dans les sociétés démocratiques, les pays signataires des droits humains, l'être humain est plus important que dieu. 

 

En guise de conclusion : Un sacré ésotérique qui ne l'est pas. 

 

La croyance en une entité supérieure que ce soit dieu ou des extra-terrestres, n'est pas un des invariants de Riffard pour les ésotérismes. L'humain est bien au centre du débat comme nous l'avons vu, mais aussi la séparation entre le sacré et le profane. Il existe ainsi deux catégories d'humains : les initiés et les profanes. Or, dès mon premier article, j'ai largement développé l'idée que l'objectif des « initiés » n'étaient pas de rester les seuls initiés – ils ne sont tout au plus que les « premiers », les expérimentateurs, ceux qui ouvrent la voie aux autres. Leur but est d'étendre leurs découvertes à tous les autres, aux profanes donc. Pour eux, être « initiés » est un accident qu'ils espèrent non-permanent une fois leur recherche terminée, lorsqu'ils auront trouvé le « secret », l'explication ultime, ce qu'ils pressentent qui existent (ou pas), bref lorsqu'ils auront la recette pour faire de tous les sur-hommes, les humains meilleurs, ou que l'humanité sera tellement bien améliorée qu'il n'y aura plus rien à faire. En attendant ce jour, il faut que certains s'y collent et bossent. Il n'existe pas de sacré à proprement dit. Il n'existe pas de profanes. Il n'existe que des « initiés ». Ceux qui cherchent pour les autres. Si on compte bien, en franc-maçonnerie, il n'y en a pas beaucoup. 


D'ailleurs, lorsque l'on se lance dans l'analyse ésotérique du « sacré », il se confond rapidement avec le « secret » - pas celui que l'on peut lire dans tous les livres publiés par les ésotéristes eux-mêmes – mais par celui qui est encore à trouver. 

L'idéal et toute la portée de l'utopie de tous les ésotérismes se tient à peu de chose : elle n'est pas rendre pérenne une prétendue séparation entre les initiés et les profanes, mais à la supprimer. Faire en sorte que toute l'humanité soit initiée afin que les initiés n'existent plus. Une manière comme une autre de supprimer toute ségrégation entre les "profanes" et les "initiés". 

La franc-maçonnerie propose la même chose et cela depuis Désaguliers et Newton. Sauf que les francs-maçons ne le savent pas. La ségrégation entre le sacré et le profane que certains transforment comme une vérité absolue est, finalement, une dérive d'une certaine franc-maçonnerie. 

Pourtant, ce fut un programme bien plus ambitieux, plus transcendant et, finalement, bien plus passionnant que tous les projets qu'ils soient du courant traditionaliste (y'a que dieu qui compte), philosophique (connais-toi toi-même), philanthropique (signer un chèque) et sociétal (c'est quoi la laïcité?) que les obédiences et les loges proposent aujourd'hui.  


 

 

Sources : Ronchey Silvia. Les procès-verbaux des martyres chrétiens dans les Acta Martyrum et leur fortune. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, tome 112, n°2. 2000. Antiquité. pp. 723-752; source

 

Francesca Sbardella, « La fabrique des reliques. Manipulations et production de sacré dans la clôture », Conserveries mémorielles [En ligne], #14 | 2013, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 27 octobre 2018. URL : source

La notion de sacré et son application à l'histoire du christianisme médiéval,  de Jean-Claude Schmitt, in « Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques », 9 – 1992 - source

Filloux Jean-Claude. Personne et sacré chez Durkheim / The Individual and the Sacred in Durkheim. In: Archives de sciences sociales des religions, n°69, 1990. Relire Durkheim. pp. 41-53;
doi : https://doi.org/10.3406/assr.1990.1313 
source

Espace et sacralité, Marc Augè in « Cahiers d'Etudes Africaines » - source

Daniel Vidal, « Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 144 | octobre-décembre 2008, document 144-26, mis en ligne le 04 février 2009, consulté le 27 octobre 2018. URL :source

Isambert François-André. L'Elaboration de la notion de sacré dans l' « école » durkheimienne cas / The Elaboration of the Notion of the Holy among Durkheim's Followers.. In: Archives de sciences sociales des  religions, n°42, 1976. pp. 35-56; doi : https://doi.org/10.3406/assr.1976.2098 - source

 

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H
Sur ce sujet, il est intéressant de lire et relire L'homme à la découverte de son âme de C.G. Jung qui propose de nombreuses pistes en relativisant sans toutefois affirmer avec certitude.<br /> Pour ma part, la seule sacralisation à laquelle j'adhère est celle de la vie sous toutes ses formes.
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F
Merci de cet article; "sacraliser le Temple " en fermant les portes et en allumant une bougie pendant que l'on bavarde allègrement à la porte de la sanctification m'a toujours paru ,être une usurpation.de vocabulaire et de sens
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