28 Mars 2015
L'article publié sur le site de la Grande Loge Suisse Alpina (GLSA) ayant pour titre « Ombre et lumière de la libre parole » mérite que toutes et tous se penchent sur le sujet, surtout celles et ceux qui utilisent le web comme support d'information et/ou de réflexion. http://www.freimaurerei.ch/f/alpina/artikel/artikel-2015-03-01.php
Hier encore, nous n'avions que le journal, la radio et la télévision pour nous informer. Grands médias, donc. Médias officiels, aussi. Tous font appels aux journalistes professionnels, profils d'individus que l'article de la GLSA considère comme seuls habilités à transmettre soit l'information, soit leurs réflexions et opinions. L'article 11 des droits de l'Homme dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un droit des plus précieux de l'Homme : tous citoyens peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Considérer que seule une classe de personnes a autorité en la matière réduit ce droit fondamental à sa plus infime part : une information et une opinion exclusivement officielles et détenues par les pouvoirs politiques et/ou économiques.
La France, pays de toutes les libertés, a aussi inventé la censure. Elle peut être organisée par le média lui-même qui refuse ou transforme une information ou une idée car n'entrant pas dans sa ligne éditoriale. Le droit d'écrire va de pair avec celui de ne pas écrire. Or, dans le cas de média, tel les journaux, ils ne préviennent pas qu'un type d'information ou d'opinion seront soit privilégié, interdit ou transformé.
La censure peut être ordonnée par les pouvoirs politiques et judiciaires. Il n'y a pas moins de 400 textes qui légifèrent sur la liberté d'expression, dont un des derniers est la loi Guigou, sur la présomption d'innocence qui est (toujours/généralement?) traité par les journalistes comme une présomption de culpabilité.
Comme tout se note et se classe, Reporters Sans Frontière, luttant contre la censure, classe depuis plusieurs années les pays : la France affiche une triste 37ème place, la Suisse, perdant 8 places depuis l'année dernière, est à la 14ème place. http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2013,1054.html
Le modèle Européen s'érode et n'est finalement sauvé par les pays scandinaves en tête du classement.
De nombreux interdits en France subsistent. Par exemple, on n'a pas le droit de faire de la publicité pour les contraceptifs féminins, ceci après la 1ère Guerre Mondiale, qui a voulu ainsi interdire toutes informations anti-natalistes. Les informations et publicités sur les préservatifs masculins ont été permis dans le cadre de la lutte contre le Sida. Il est aussi interdit, dans un autre genre, de critiquer tout homme d'état étranger. La liberté d'expression est mise à mal, non pas pour préserver un ordre public, mais pour des considérations sociales, politiques et économiques, montrant une France frileuse et consensuelle.
Une autre législation interdit le salarié de porter une critique contre son employeur : « fidélité », « devoir de réserve » en sont les motifs. Ainsi, l'auteur de « On ne réveille pas un fonctionnaire qui dort » (Archipel, 2013), réédition de « Abruti de fonctionnaire », qui y dénonce les méthodes managériales d'une municipalité se trouve depuis 2011 devant les tribunaux et est mis à pied depuis la parution de son livre. Zoé Shepard, auteure de « Absolument dé-bor-dée », a été exclue durant 10 mois du Conseil Régional. Deux pamphlets dénonçant des abus, mise au placard et harcèlements au sein d'administrations, sont mis à l'index par les pouvoirs politiques. Il est néanmoins permis de faire une dépression et de se suicider. Pour terminer ces exemples, je ne pouvais que remonter dans le passé. Il s'agit de Ah ! Nana, un magazine entièrement conçu par des femmes dessinatrices de BD, féministes bien sûr, qui n'a connu que neuf numéros, dénonçant l'inceste, la violence faite aux femmes, … On retrouve aussi un numéro contre le nazisme. Elle fut interdite de vente aux mineurs puis censurée pour cause de « pornographie » en 1978. Avant gardiste certainement, cette revue satirique secouait plusieurs tabous.
On peut dire, aujourd'hui, au regard des chiffres désastreux, que ce type de censure aveugle a très certainement retardé des prises de conscience salvatrices auprès de l'opinion comme des pouvoirs publics.
La presse n'est plus le contre-pouvoir qu'elle fut. Ainsi, elle n'a pas imaginé la victoire au second tour des présidentielles de 2002 du Front National contre Jospin. En 2005, le référendum concernant la Constitution Européenne a creusé l'écart entre la presse et les lecteurs. En effet, sondages à l'appuie, les médias donnaient le « Oui » grand vainqueur. Il y a très certainement confusion en Europe, entre la liberté de la presse dont son droit est de publier ce qu'elle veut, et son devoir qui est d'informer. Citoyennes, citoyens, reconnaissons-nous toujours dans ces médias?
Cependant, suivant l'article de la GLSA cité plus avant, la quête de la vérité serait contrariée par l'exercice éphémère de l'expression sur le web. Malheureusement, les informations divulguées sur le web sont tout autant éphémères. La presse écrite se trouve au fond d'une poubelle une fois parcourue. La radio et la télévision se font oublier une fois la météo passée.
Ce que nous croyons gravé dans le passé n'est finalement qu'imprimé sur le papier jauni. L'encre se délave. Ce n'est pas la « durée », celle où l'information, l'opinion ou l'idée demeure qui importe, puisque quelque soit le média, elle ne dure pas. Sa survie dans nos esprits, dans le temps, n'est pas inhérente à une notion de durée, mais à sa qualité, à ce qu'elle porte en elle d'impérieux et même d'inaccessible. Son existence tient dans ce qu'elle ne dit pas, ce que chaque lecteur/auditeur apprend sur lui et les autres. Ce sentiment qu'une information chasse l'autre, qu'une opinion remplace l'autre, n'est pas à prendre à la légère. Elle nous confronte, à notre peur, devant l'instabilité et l'imprévisible. Le web nous fait quitter le petit îlot rassurant de notre milieu. Grâce au web, jusqu'aux frontières des langues tombent. Une nouvelle Babel. En bien mieux.
Sortir de notre petite île douillette et familière pour nous confronter à de nouvelles idées et pensées, c'est nous mettre en danger. L'immortalité que nous croyons gagner en laissant derrière nous nos idées est face à une concurrence déloyale et exotique. Il y a, de part le monde, des hommes et des femmes, bien plus doués, plus brillants, plus encore avancés que nous … Cela peut donner le vertige. Oui, se renfrogner dans notre bulle en nous plaignant de ce web insatiable est plus un moyen de protéger notre pré-carré que de travailler sur l'essentiel qui est l'expression, sa liberté et sa diffusion, qui trouve dans le web ce qui lui faut.
C'est en regardant le sujet « internet » comme une franc-maçonne ou un franc-maçon épris de liberté et d'ouverture sur le monde, que nous participerons à cette quête de vérité. Pas en voulant le limiter, voir le dénigrant.
L'incitation à la haine, le racisme sous toutes ses formes, le sexisme sont – rappelons-le – des délits. Des lois existent. Simplement, il est important que les pays occidentaux aient la volonté d'agir, aussi bien par l'éducation de nos enfants que par une information adaptée. Ce 6 février 2015, un décret a été déposé contre les sites web faisant « l'apologie contre le terrorisme » sans faire appel à un juge et une cour de justice. Il s'agit d'une mesure administrative, qui implique que les auteurs ne seront pas poursuivis. Un blocage inutile qui pourra être facilement être débloqué, mais qui inquiète tout autant les défenseurs de la liberté d'expression : car sans juge.
Néanmoins, l'existence de ses sites doit nous faire prendre conscience que « cela existe ». Plus question de jouer à l'autruche …
Lilithement vôtre,
Pour information : Reporters Sans Frontière a débloqué 9 blogs : http://12mars.rsf.org/2015-fr/presentation/