21 Février 2018
C'est le blog « Radio Libre et de Bonnes Moeurs » qui nous fait le résumé du conflit entre l'UGLE (Grande Loge Unie d'Angleterre) et un journal « The Guardian ». Article à lire en cliquant ici.
Après une série d'articles diffamants grossièrement la franc-maçonnerie – en France, on parlerait d'anti-maçonnisme, de complotisme avec un relent de rechristianisation - « The Guardian » se trouve en conflit avec la Grande Loge Unie d'Angleterre, qui n'hésite pas à répondre aux journaleux et à porter plainte pour discrimination.
Les « francs-maçons » sont accusés d'une part de « bloquer » des réformes dans la police et d'autres part de compter parmi leurs membres des journalistes et des politiciens ayant même des loges « spécialisées » et, bien sûr secrètes. Or, comme l'explique la Grande Loge Unie d'Angleterre – ces loges affichent les jours et heures de tenue et possèdent une page de présentation, tant elles sont secrètes, et – surtout – ne comptent pas de journalistes et de politiciens.
Une autre journaliste Dawn Foster souhaite, quant à elle, interdire les fonctions publiques aux francs-maçons. « The Gardian » souligne aussi qu'il est impossible d'être chrétiens et francs-maçons !
Curieusement, l'antimaçonnisme anglais est le moins bien documenté mais le plus efficace.
« The Guardian » n'est pas un canard d'extrême-droite, ni un blog complotiste. Il est « centre gauche », proche du parti « les Travaillistes » (Labour Party). Journal ayant perdu 60% de son lectorat sous sa forme papier, son site serait un des plus suivis et plus lus dans le monde. Son lectorat serait composé d'intellectuels. Il publie, d'ailleurs, en anglais « le Monde diplomatique ».
Ces attaques contre la franc-maçonnerie – et les francs-maçons anglais – les moins « sociétaux » qui puissent exister au monde (en plus!) - n'est pas une première. L'histoire anglaise et son système politique sont jalonnées d'affaires des plus extraordinaires et impensables en France.
Ainsi, fin des années 1990, Jack Straw du cabinet de Tony Blair, (Labour Party), alors ministre de l'intérieur, ordonnait aux francs-maçons fonctionnaires de police et de justice de déclarer leur appartenance et souhaitait contraindre les obédiences maçonniques de publier la liste de leurs membres.
« The Gardian » ne manquait pas, à cette époque, de publier plusieurs articles. Or, si la loi (travailliste) n'a pas manqué d'être voté, elle a été retirée, en 2009, de peur d'une condamnation par la Cour Européenne des Droits de l'Homme – qui venait de débouter l'Italie. Avant son retrait, « The Gardian » se félicitait de l'initiative et soulignait combien les francs-maçons coopéraient ! lire ici et encore ici.
En 2005, encore, « The Guardian » se félicitait d'une motion menaçant aussi les députés – qui auraient été contraints de dévoiler leur appartenance à la franc-maçonnerie. lire ici
« La prégnance des « discours de persécution » (René Girard) qui visent à expliquer le chaos révolutionnaire qui embrase l’Europe par le déchaînement d’une universelle conspiration associant protestants - en pays catholique - et papistes-, en terre protestante- républicains, philosophes, partisans des Lumières radicales, Illuminaten - les fameux Illuminés de Bavière de l’abbé Barruel-, sympathisants de la Révolution française, jacobins est frappante. Elle permet d’expliquer l’incompréhensible, comment l’Europe de l’Ancien Régime s’est effondrée, déchirée, par la « révélation » , celle du complot, dont on peut dès lors esquisser le scénario des préparatifs et l’entrée en scène des conjurés. On sait que de tels discours mobilisant irrationnel et mentalité obsidionale sont à l’œuvre tout au long des XIXe et XXe siècles, pour expliquer aussi bien le Printemps des peuples de 1848 que l’effondrement de l’Empire russe en 1917, de la France en 1940 ou de l’Empire soviétique après 1989. L’Angleterre des années 1790 n’est pas restée à l’abri des impacts de ces discours de persécution stigmatisant le secret des francs-maçons comme éminemment subversif et suspect - « discriminant féroce » (Sophie Wahnich) par excellence de la période révolutionnaire. » explique Pierre-Yves Beaurepaire, dans « William Pitt, les francs-maçons anglais et la loi sur les sociétés secrètes de 1799 ». (source)
Ce qu'explique Pierre-Yves Beaurepaire est que la franc-maçonnerie, les obédiences et les francs-maçons servent, tout simplement, de bouc-émissaire quand quelque chose va mal dans des sociétés où les cultures se délitent. Cette explication sociale n'explique qu'en partie - les journalistes auteurs de ces articles ont besoin de bouc-émissaire et d'une théorie du complot pour appréhender le monde - pourquoi le journal "The Guardian" accepte de publier ce qui est en France des considérations appartenant à la frange la plus extrême de l'extrême-droite.
En effet, il n'y a rien de plus « politiquement » correct que l'UGLE – dont on ne peut accuser un seul instant de fomenter quelques révolutions ou contrecarrer des lois –
La non-ingérence dans les affaires du pays - et même l'interdit d'en discuter en loge - est érigé en dogme par la Grande Loge Unie d'Angleterre. Il est, donc, paradoxal de les soupçonner de combattre des lois – peu importe lesquelles – ou d'ouvrir des « fraternelles » comme la loge parlementaire du GODF ! Il est, de même, incroyable qu'un parti « centre gauche » soit l'auteur des pires atteintes aux droits fondamentaux de réunion et de liberté de conscience. Il est, aussi, à se demander si ce n'est pas « The Guardian qui est infiltré par l'extrême-droite au regard des arguments anti-maçonniques dont ses journalistes abreuvent son lectorat.
C'est, en effet, ce qui serait à se demander en lisant l'article condamnant la franc-maçonnerie au regard de la religion anglicane suivant un rapport d'un obscur évêque datant de 1987 ! lire ici
Son argument : les rituels maçonniques dérangent la sensibilité des croyants. Bigre ! Moi qui croyais que l'obligation de croire en dieu était une priorité maçonnique anglaise ! En 2011, c'était un autre article qui relatait pourquoi l'anglican Rowan Williams (lire sa biographie sur Wikipedia ici) déteste la franc-maçonnerie. (lire ici)
Or, si cela nous amuse, l'affaire est très sérieuse pour les anglicans. En effet, le rapport de 1987 relevé dans l'article « The Guardian » a bel et bien été voté contre la franc-maçonnerie, la rendant incompatible avec la religion anglicane. Petit détail qui nous a échappé mais que le site officiel de l'église anglicane ne manque pas de rappeler. ((lire ici)
Ceci, d'ailleurs, grâce à Rowan Williams – qui était à la tête de l'église anglicane en 2003 en tant que archevêque de Cantorbéry.
Toutefois, si « The Guardian » s'en félicite encore en 2005. « The Telegraph » publiait, en 2003, que ce bon Rowan Williams revenait sur ses propos qui traitaient, entre autre la franc-maçonnerie de satanisme. ((lire ici)
Bref, c'est à désespérer. Même dans un pays où la principale obédience et l'obédience historique est la moins présente dans la société en ne participant à aucune controverse politique ou sociale, à l'origine d'un courant maçonnique obligeant la « croyance en dieu », elle est la plus menacée par un anti-maçonnisme qu'ils soient d'extrême-droite, d'extrême gauche ou même de « centre gauche » sur des thèmes complotistes, étant même accusée d'être anti-religieuse !
On peut accuser « The Guardian » et ses journalistes manquent sur ce dossier autant de dignité que d'honnêteté qui, serait – elle – nécessaire à la bonne exécution de leur job. Or, il est quand même à s'interroger sur l'origine de cet anti-maçonnisme de gauche que l'on ne rencontre pas (ou plus) en France.
L'origine est attachée à l'histoire du parti travailliste (Labour party) anglais : il est trotskiste. En effet, le parti travailliste n'a dévié au centre gauche qu'au début des années 1990 avec Tony Blair. C'est comme si le Parti Communiste était devenu centre gauche – c'est-à-dire socialiste – après la chute mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique. La scission entre la partie plus à gauche (Marxiste-léniniste) du Labour Party n'aura lieu qu'en 2004 pour fonder un parti communiste assez traditionnel. A l'origine, le Labour Party souhaitait représenter la classe ouvrière. Ils eurent dans le courant du 20ème siècle plusieurs gouvernements, s'organisant véritablement en parti et se munissant d'un programme qu'à partir de 1918.
Après une période creuse, le Labour Party a souhaité s'éloigner de ses origines, ne voulant plus représenter « les exclus », la classe populaire. Par un plan de communication et une transformation interne, il s'est affiché moins radical. Or, son fond idéologique n'a pas nécessairement suivi. Du moins, pas complètement. Ce qui explique la haine de Tony Blair vis-à-vis des francs—maçons et les mesures restrictives quant à leurs accès aux postes de la fonction publique judiciaire et policière. Cela explique, en partie, aussi à l'interdit d'accès complet que réclame cette journaliste, qui pour un français, apparaît bien ignorante. A moins que Le Labour Party ne soit pas signataire de la Déclaration Universelle des Droits Humains. Il s'agit, en effet, ni plus ni moins d'un vieux relent de la politique soviétique.
« Voilà pourquoi c'est, selon nous, une question importante pour les couches dirigeantes du parti. Naturellement, le comité directeur , quand il accomplira cette tâche que nous lui proposons d'accomplir, aura tout de suite contre lui, en France, les neuf dixièmes de l'opinion publique officielle. On peut déjà prévoir avec une certaine joie révolutionnaire que ces milieux réactionnaires, catholiques, francs maçons, de la nuance Léon Daudet ou de la nuance des amis d'Herriot, avec toute leur presse, se lanceront à l'assaut de l'Internationale et du parti communiste, et si vous vous présentez avec des excuses, des atténuations, des explications, en disant que la franc maçonnerie n'est pas une chose tout à fait condamnable en soi, mais qu'il ne faut pas partager son cœur entre le parti et la franc-maçonnerie parce que le parti a besoin des quatre quarts du cœur, alors vous vous trouverez, camarades du comité directeur, dans une situation intenable. Au contraire, le parti doit frapper sur la table avec énergie et proclamer : « Oui, nous avons commis une faute en tolérant que des camarades de valeur, par une inertie regrettable, aient appartenu à la franc maçonnerie. Mais, après avoir reconnu cette faute, nous engageons une lutte implacable contre cette machine de subversion de la révolution. La Ligue des droits de l'homme et la franc maçonnerie sont des machines bourgeoises qui circonviennent la conscience des représentants du prolétariat français. Nous déclarons à ces méthodes une guerre impitoyable, parce qu'elles constituent une arme secrète et insidieuse de l'arsenal bourgeois ». » expliquait, en 1922, Trotski.
C'est finalement, peu ou prou, sous une forme moins directe peut-être, les arguments des journalistes de « The Guardian » qui réclament aussi l'élimination des francs-maçons des fonctions publiques. (lire ici)
En France, il y a peu, il a suffit que Emmanuel Valls, alors premier ministre socialiste, déclare les Roms incompatible avec l'état français pour que des francs-maçons reprennent en boucle cette idée. Les propos de Valls étaient racistes, du pire en sus d'être bêtes et méchants. Par la suite, on a compris ce qu'était ce fumeux personnage. Or, cela n'a nullement empêché certains comme certaines de suivre Valls dans sa médiocrité tels des moutons du fait de sa seule étiquette « socialiste ». Ces frères et ces soeurs sont passés de l'autre côté de la ligne. Peut-être qu'ils y étaient déjà et qu'ils ont utilisé l'étiquette "bien pensante" du Parti Socialiste pour justifier leurs propres dérives. Peu importe. Le gouvernement de Fillon (Sarkozy) a eu droit à bien d'autres réactions de la part des francs-maçons français pour les mêmes opinions et les mêmes mesures prises à l'encontre des Roms.
Cet exemple montre en quoi les articles de « The Guardian », qui ne font qu'émettre finalement un fond idéologique existant dans le Labour Party, sont dangereux et efficaces. Si des francs-maçons acceptaient en France l'idée que l'on pouvait rendre apatride des Roms – dont la nationalité est française – sans s'en émouvoir une seule seconde, il est évident qu'une bonne partie du lectorat de « The Guardian » acceptera sans sourciller toutes les mesures possibles contre les francs-maçons. Cela a déjà été le cas dans un passé proche. Ceci sous le prétexte aussi fallacieux que « The Guardian » et le Labour Party affichent une étiquette « centre gauche » et apparaissent comme inoffensifs et "bien pensant".
Pour rien au monde, à moins d'y être condamnés par une cour de justice, ces journalistes ne reviendront sur leurs articles, comme Valls n'est pas revenu sur ses propos. Comme d'ailleurs aucune obédience en France ne s'est insurgée à leur sujet.
Une chance qu'Amnesty International a condamné la France !
N'importe quel Valls pourra demain condamner de la même manière les francs-maçons français et faire voter une loi obligeant les obédiences à mentionner les noms de ses membres, leur interdire l'accès aux fonctions publiques comme l'a fait, d'ailleurs, autant le régime soviétique que le gouvernement de Vichy. Pour peu que le parti affiche une étiquette jugée inoffensive comme « centre gauche » ou « centre droit », tout le monde acceptera de la même manière que des francs-maçons ont soutenu les propos de Valls contre les Roms ou comme les obédiences ne se sont pas insurgées.
Or, si cela arrive, pour la franc-maçonnerie qu'elle soit anglaise ou française, Amnesty International n'interviendra pas.
C'est pourquoi, je ne peux que soutenir l'UGLE dans ses démarches visant à restaurer la vérité sur leur obédience, en sachant qu'il existe aussi une franc-maçonnerie adogmatique représentée essentiellement par le Droit Humain en Grande Bretagne qui est, tout autant, concernée.
Sources :
Pierre-Yves Beaurepaire, « William Pitt, les francs-maçons anglais et la loi sur les sociétés secrètes de 1799 », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 342 | octobre-décembre 2005, mis en ligne le 15 décembre 2008, consulté le 10 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/1935 ; DOI : 10.4000/ahrf.1935
Liste des articles de "The Gardian" sur la franc-maçonnerie entre décembre 2017 et février 2018