24 Mai 2016
Entre Marie-Thérèse Besson (Grande Maîtresse de la GLFF), Philippe Charuel (Grand Maître de la GLDF) et maintenant Claude Beau (Grand Maîtres de la GLAMF), si c’est cela la « grande famille du REAA », je demande le droit à tous les maçons pratiquant ce rite de pouvoir se déclarer orphelins.
C’est le blog du Myosotis Dauphiné Savoie tenu par le frère Fidèle d’Amour (GLNF) qui nous fait, dans deux articles, le récit d’une situation autant rocambolesque qu’inquiétante pour l’avenir de cette jeune obédience qu’est la GLAMF. Il partage, tout d’abord, un document portant le titre : « Manifeste pour la défense de l’Alliance Maçonnique Française plus de clarté pour l’Alliance ! » que vous pouvez retrouver en totalité sur son blog.
Ce manifeste est, bien plus, un travail de longue haleine qu’un court pamphlet. Il ne fait que 15 pages (grosso modo). Il souhaite défendre : la Franc-Maçonnerie traditionnelle. Comme elles finissent par toutes s’appeler ainsi, ce manifeste souhaite défendre la régularité/reconnaissance « à l’anglaise » reprochant à l’obédience de virer vilainement adogmatique. Loin de moi l’idée de défendre cette franc-maçonnerie traditionnelle (comme d’ailleurs toutes celles qui s’appellent ainsi), y étant exclue du fait des nombreux avantages que m’a octroyé Dame Nature, je ne peux pas, cependant, rester insensible au fond comme à la forme de ce travail. En effet, ce manifeste démontre l’absence de démocratie de la GLAMF quant aux orientations prises par celle-ci. Des frères traditionnalistes qui réclament plus de démocratie et un débat de fond au sein de leurs structures, ne peuvent que plaire. Néanmoins, sans vouloir faire œuvre de contradiction, je peux souligner que cette nouvelle approche démocratique est quelque peu sujette à caution par certains égards.
On peut lire dans les reproches qui y sont faits : « relance du débat entre théisme et déisme, et prise de distance à l’égard du théisme, Instrumentalisation des mots « spiritualisme » et « humanisme » », Ou encore « ouverture de la question de la mixité initiatique à travers l’évocation de « propositions d’évolution ». Comme de reprocher de se rapprocher des obédiences « irrégulières » dans le cadre d’inter-visite mal définies. Au secours ! Il y a des femmes !
Bref, les auteurs de ce manifeste sont des accro aux « principe divin créateur, transcendant et immanent (oui tout cela !), sous la dénomination de Grande Architecte de l’Univers, condition essentielle de l’admission de ses membres et fondement de ses travaux », au « respect des Anciens Landmarks (que personne ne connait véritablement), mais qui sont des « repères immuables, écrits et non écrits (ben tiens !), formant le corpus immémorial de la tradition Maçonnique et des us et coutumes de la Fraternité Maçonnique universelle », et bien entendu au « respect des « basic principles », critères de reconnaissance de la Franc-Maçonnerie régulière, » (qui eux commencent à être connus).
Ce manifeste déplore les divers revirements de la GLAMF passant d’un état de « maçonnerie à l’anglaise » pour barboter dans les eaux troubles de l’adogmatisme, sans dire son nom et avouer sa faute, au fur et à mesure des désordres de la CMF initiée par la GLDF et la Déclaration de Bâle.
La GLAMF est une scission de 2012 de loges de la GLNF, qui alors avait perdu (non pas sa régularité) mais sa reconnaissance avec la Grande Loge Unie d’Angleterre, maman en titre des obédiences régulières.
La Déclaration de Bâle (juin 2012), imaginant un effondrement de la GLNF, invitait la GLDF à la remplacer pour « refonder le paysage maçonnique français », jugé en faillite par 5 Grandes Loges Européennes et la GLDF. La fondation de la GLAMF, porteuse au moins des principes de régularité du fait de son origine, l’a naturellement associée à ce projet appelé « CMF » comme « confédération maçonnique de France ».
La GLNF a retrouvé la reconnaissance de sa maman après de nombreuses péripéties. La CMF n’a, donc, plus lieu d’exister. Plus exactement, le projet de conquérir l’amitié d’obédiences « régulière » made in GLUA est voué à un échec cuisant. La GLDF ne correspond pas vraiment au « profil », comme on peut d’ailleurs à nouveau le constater en lisant à ce manifeste. La GLAMF, quoique puisse être ses origines, suivant un principe de territorialité qui fut longuement débattu, ne peut devenir une 2nde obédience « régulière » en France sans l’accord de la GLNF (et c’est mal parti pour que celle-ci le leur donne).
Elle est, ainsi, vouée soit à rester « traditionnelle » et donc se couper de la maçonnerie française, sans bénéficier par ailleurs des reconnaissances des obédiences étrangères, soit à évoluer et à s’ouvrir aux obédiences « irrégulières ».
Durant quelques temps, la GLDF envisageait un projet de confédération « révisée », tentant ainsi de sauver les pots cassés. Elle rêvait de rassembler la « grande famille du REAA », souhaitant remplacer la GLUA dans une vision de la franc-maçonnerie guère plus glorieuse que ne fut la CMF. Des arguties refleurirent sur la tradition, les constitutions d'Anderson, et la régularité/reconnaissance. Or, le « cahier des charges » de la GLDF - comme l’appelle ainsi Philippe Charuel dans une interview donnée dans Franc-maçonnerie magazine (en décembre 2015) - ne semble pas séduire les obédiences françaises, qui n’ont – quant à elles - guère envie de subir l’hégémonie de la GLDF et de se soumettre à cette dernière. A mon avis, il n’y a vraiment que Marie-Thérèse Besson, grande maitresse de la GLFF, qui s’est laissée menée par le bout du nez à cette soi-disant unité du REAA en France. Cette mission de sauvetage de la CMF a, bien sûr, échouée.
Comme l’explique ce manifeste, la GLAMF est passé de, ainsi : « dans un premier temps, se référer aux Basics Principles comme seul gage de Régularité pour les inter-visites » pour finir par « substituer la seule « Déclaration de Principes » de l’Obédience, jugée autosuffisante, aux Basics Principles », en passant différentes étapes.
La GLAMF fait, finalement, comme bien des obédiences maçonniques dans le monde : elle décide par elle-même et pour elle-même ce qu’elle est sans avoir besoin d’une autre obédience pour lui dicter ce qu’elle doit être ou faire. On ne peut pas le lui reprocher.
Ceci dit, des frères élevés au biberon de la GLUA ne vont pas abandonner du jour au lendemain les basic principles. Ils ont, par ailleurs, raison de dénoncer le manque de clarté de la GLAMF dans ses revirements et ses choix stratégiques.
Je l’ai souvent dénoncé : la GLAMF n’a rien de démocratique. Ce manifeste dénonce un autre aspect structurel et organisationnel de cette obédience : c’est une véritable usine à gaz, multipliant les instances, pour ne citer qu’un passage de ce long développement :
« Le Conseil des Sages, instance hybride liée à l’exécutif, cumule des attributions qui excèdent largement des compétences de régulation. De plus, son activité s’exerce essentiellement à travers sa présidence
La Chambre de Justice est constituée de membres désignés par le Conseil de Grande Loge, c’est-à-dire en réalité, dans les circonstances présentes, par l’exécutif, et ratifiés par le Conseil des Sages, alors même que celle-ci devrait rester strictement indépendante de l’exécutif et de l’administration générale de l’association
Le Conseil de Surveillance, dont le nombre des membres en fait une véritable assemblée territoriale théoriquement représentative des différentes circonscriptions géographiques (en réalité élue subrepticement « lors du Congrès » avec un infime nombre de voix), devrait être strictement dédié au contrôle associatif de l’Obédience sans considération de quelque représentation que ce soit. Il est appelé à désigner trois des neuf membres du Conseil des Sages, contribuant ainsi également à l’entremêlement des fonctions.
La Commission Nationale de Contrôle des Finances est une instance distincte du Conseil de Surveillance, quoique désignée par lui, qui établit son propre Règlement particulier. »
Dans cette liste, ne sont pas mentionnées : les « Maisons des rites », l’exécutif dont seuls les Grand Maître et Grand Trésorier sont élus, avec sa cohorte de titres plus ou moins ronflants. Des instances bien inutiles, car en retirant tous les membres nommés par le grand maître, il est force de constater que le système est strictement autocratique, dans les mains d’un seul grand maître, le seul décideur de l’avenir de l’obédience. La suite des événements le prouve.
Ce manifeste fut publié sur deux blogs, dont le premier est un frère qui fait déjà les frais de ses publications antérieures (voir mon article à ce sujet) et le second est un frère de la GLNF le 12 mai. Dès le 13 mai, Claude Beau, Grand Maître de la GLAMF, mettait en garde les frères de la GLAMF au sujet de ce manifeste, publié – explique-t-il - dans un blog bien connu pour son hostilité systématique à la GLAMF. Cette manie de considérer les frères d’une obédience comme incapable de se faire une opinion par eux-mêmes n’est même plus amusant tant cela devient complétement idiot. Claude Beau explique, sans que cela prête à sourire, qu’il a réuni toutes les instances suscitées, le 10 mars, pour une modification statutaire à faire voter le 22 mai, lors de l’Assemblée de Grande Loge, par les loges de la GLAMF.
Il apparait, de plus, que l’auteur de ce manifeste n’est nul autre qu’un « Assistant Grand Maître » attaché à la « Maison du REAA ». Le blog Myosotis Dauphiné Savoie, nous apprends que ce manifeste fut envoyé par l’assistant grand maître, personnellement, à Claude Beau et à Dominique Moreau, le député grand maître ad-vitam. Il s’agit d’un travail de plusieurs frères de la GLAMF. Il demande, par ailleurs, la garantie d’un débat de fond à Claude Beau. La réponse ne se fait pas attendre : pour avoir osé donner son avis, cet assistant grand maître est suspendu de ses fonctions et passera devant le conseil de discipline. Fin de l’histoire.
Image: Alterinfo.net François Stifani peut être heureux, il a engendré de dignes successeurs : Sa méthode de gouvernance, a été prise comme modèle par les dirigeants de la GLAMF dès l'insta...
Quoique nous puissions penser des points développés dans ce manifeste, il est argumenté et largement développé pour qu’il soit respecté comme étant une opinion à part entière. La publication sur un voir plusieurs blogs montre aussi que les auteurs de ce manifeste ont usés tous les moyens internes pour ouvrir le débat. Le fait que cet assistant grand maître soit suspendu prouve, effectivement, que ce débat n’est pas souhaité par Claude Beau.
La liberté d’opinion est, à nouveau, niée dans une obédience maçonnique. A croire que la franc-maçonnerie – une certaine franc-maçonnerie, plus exactement un courant maçonnique – est malade, a peur de ce qui peut être dit et écrit, n’a pas des fondements et des arguments assez solides pour survivre à une simple confrontation d’idée.
Il faut être honnête avec soi-même. Que peut être l’avenir de ces obédiences qui, les unes après les autres, se trouvent des ennemis là où on s’attendrait le moins les trouver ?