Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Maçonne

Féminin & féminisation des mots en français.

J'avais promis cet article à notre Ami de la Rose, connu pour son blog maçonnique « réuni et rectifié » que vous trouverez ici, son livre sur les Armoriales maçonniques et surtout pour avoir programmé le moteur de recherche concernant le fichier célèbre fichier  Bossu. 
En effet, j'ai constaté avec effroi et stupéfaction qu'il ignorait tout de la lutte philosophique concernant la féminisation des mots, du fameux neutre  et, plus exactement, l'emploi du féminin comme, d'ailleurs, l'écriture inclusive. Combat qui remonte aux années 1970. Je ne souhaite pas remonter jusque là, mais ici souhaiter expliquer pourquoi il s'agit de revendications importantes - même si pas primordiales - pour les femmes en France. 

Le mot. 

La franc-maçonnerie propose son propre langage. Les sœurs et les frères savent qu'un mot – aussi simple soit-il – comme « pierre », « maillet » et « compas » - peut avoir une signification dépassant le cadre strict profane. Or, les francs-maçons n'ont rien inventé en soi. Ils ont simplement conscience de quelque chose qui existe. Le langage possède une dimension symbolique et philosophique. La manière dont on parle des choses crée (aussi) les choses. La parole est créatrice. 

.S'il a une dimension symbolique, le langage désigne autant l'univers que notre conception de celui-ci. C'est d'autant plus flagrant dans les expressions « politiquement correctes » que l'on utilise. Un demandeur d'emploi est, ni plus, ni moins, qu'un chômeur. Il y a aussi ces petites expressions comme « issu de la diversité » ou encore « une personne à mobilité réduite ». Si cela semble être de la langue de bois – oui, cela en est – c'est aussi une autre image que l'on souhaite renvoyer à travers ces expressions. On ne parle plus d'infirmes ou d'arabes, mais de citoyens, d'humains, en supprimant les expressions dévalorisantes ou à connotation xénophobes.  

N'importe qui peut le comprendre même un homme (avec un h minuscule). Alors pourquoi font-ils un blocage lorsqu'il s'agit du féminin, du neutre et de la féminisation des mots ? On peut s'interroger aussi sur les femmes qui – pour une partie d'entre elles – sont les meilleures défenderesses d'un monde au masculin. 

En effet - que l'Ami de la Rose le veuille ou non, le regrette ou non - il y a les hommes et les femmes - quelque chose comme 50/50 - et il va découvrir qu'en fait, ce n'est pas si simple que cela ... 


Les mots féminins qui désignent des hommes.  

Avant d'aller plus loin dans cette démonstration utile, je vais tuer dans l'oeuf de suite, les quelques mots  qui sont féminin et qui désigne, pourtant, un homme. 
Il n'y en a que deux : « sentinelle » et « vigie ». 
Or, la vigie n'est pas uniquement l'individu mais l'action « être en vigie », « un marin en vigie » ou encore un lieu "la tour de vigie". La sentinelle est, comme la vigie, qui sont deux mots qui signifient la même chose, autant un individu (la sentinelle) mais aussi l'action "être en sentinelle". 

Un troisième mot est souvent associé à ces deux premiers : la sage-femme qui peut être un homme. Or, « sage-femme » ne désigne pas le sexe du praticien mais signifie « connaissance des femmes ». L'origine du mot est latine « sapiens » pour « sage ». 

Voilà, grosso modo, les hommes auraient trois mots féminins qui les désigneraient. Ils nous ont font toute une affaire. Selon eux, cela suffirait à justifier un refus de la féminisation tant ils en souffrent !

Or, que l'on se le dise des mots masculins qui désignent des femmes, cela ne manque pas.  

En général, tous les mots qui ont été inventé au 19ème siècle désignant des métiers de l'industrie sont masculins. Il n'existait pas d'ingénieur au Moyen-Age, il n'y avait que des savants et des docteurs qui, notons-le, ont des féminins : savante ou doctoresse. Présidente, député, roi, titres de noblesse possèdent leurs féminins. Par contre les femmes, semble-t-il, ne sont pas auteurs,, professeurs, mais peuvent être préceptrices ... 

« Le Sage » demeure masculin et ne se transforme pas au féminin facilement « la Sage » devient « la femme Sage ». Par contre, « secrétaire » qui est un mot masculin est devenu un mot féminin et plus exactement un invariable au 20ème siècle. Qui au 18ème siècle aurait confié ses secrets, les plus grands, à une femme ?

Comme je le disais, le mot a une charge symbolique et désigne notre conception du monde. Si je vous dit : « La sentinelle bien armée se glisse derrière un bosquet d'arbre ». Vous imaginez quoi ? Une femme toute vêtue de kaki et chaussant des rangers ? Bien sûr que non. Vous imaginez Rambo. . 
Lorsque je vous dis : « Le sage donne sa dernière leçon aux étudiants rassemblés, pour cette occasion, dans le plus grand amphithéâtre que possède la ville ». Vous imaginez un vieil homme aux cheveux blancs avec ou sans bedaine, c'est selon votre goût personnel. En tout cas pas, une femme en talons aiguilles. 

Par contre, dès que vous entendez « secrétaire » dans une conversation, vous voyez une pin-up des années 50, assise derrière un bureau manipulant avec dextérité le clavier d'une antique machine à écrire sans se casser un ongle. Or, à l'origine, ce mot désignait un homme rôdé aux affres de la politique, trempant des plumes d'oies dans des encriers à longueur de journée sous la dictée d'un homme en collant portant une perruque poudrée. 

Cet argument, comme quoi, ces pauvres hommes, auraient des mots féminins qui les désignent ne fonctionnent pas et ne trompent personne. S'ils le souhaitent, on peut d'ailleurs masculiniser la sentinelle et autre vigie ... 

 

Le refus d'utiliser le féminin participe - et a participé - à un appauvrissement de la langue et du langage à partir du 18ème siècle.  Doctoresse n'est pas utilisé - la seule qui l'eut fait était, d'ailleurs, la première femme médecin de France, Madeleine Pelletier - auteur a son féminin "autrice" qui est complètement oublié, chef ou encore cheffe ...

De même, des études dont celles-ci montrent que si la féminisation a été adoptée, ces dernières années, il demeure des freins à la féminisation de certaines fonctions.

Cette étude, par exemple, souligne ceci : "Le cas le plus remarquable est la lenteur de féminisation de directeur de recherche. Il nous semble irrationnel d’expliquer la différence de rythme d’évolution entre celui-ci et directeur général par leur position dans l’échelle sociale. Il nous parait plus judicieux de souligner que directeur de recherche est un titre dans le domaine universitaire, de même que chercheur et professeur, tandis que directeur général est une fonction dans le domaine des affaires ou de l’administration."

Autrement dit, ce n'est pas parce que le féminin n'existe pas qui empêche la féminisation des noms communs, mais parce que certaines fonctions sont encore attribués, dans l'imaginaire collectif aux seuls hommes. Dans le cas du mot "directeur", on imagine plus facilement une directrice générale qu'une directrice de recherche ...

C'est justement parce que vous imaginez plus facilement une femme comme secrétaire - du moment que ce ne soit pas une secrétaire d'état - et un homme comme comme sentinelle, que la féminisation des mots et l'usage du féminin est un combat important. En effet, le langage définit une conception du monde et de la société inégale pour les femmes. 

L'objectif est, bien sûr, l'emploi des femmes, une plus grande liberté quant aux choix des études et des professions pour les filles, une égalité des salaires, la présence des femmes aux pouvoirs politiques et dans les instances publiques -  y compris aux fonctions régaliennes - sans que l'on soit obligé de se moquer de Macron - dans les universités, à la direction des entreprises, dans les conseils d'administration, .. Enfin, lorsque les femmes ne seront plus considérées comme une minorité. Voilà l'enjeu. 

Bien sûr, cela peut se légiférer ... Combien de lois faudra-t-il alors que le langage participe aussi, à la construction de sa pensée et donc aux changements de mentalité ? Ceux (et celles) qui refusent la féminisation des mots, l'abolition de l'emploi d'un neutre-poubelle, préfèrent-ils des lois coercitives ? 
 

Le neutre dont on a besoin. 

Or, jamais la langue française n'a eu besoin de neutre. Si cela avait été le cas, il aurait existé du fait de ses racines latines dès l'origine de la langue.

Le seul mot neutre qui apparaît essentiel dans notre langue est « on ». Ce « on » qui signifie à la fois « il » et « elle ». D'ailleurs, on en a tellement besoin qu'il est quasiment impossible de le supprimer de ces habitudes langagières bien que l'on sait qu'il appartient à la famille « langage courant » s'opposant au « langage soutenu ».

Ce « on » démontre très bien que si la langue française avait besoin de neutre, elle l'aurait inventé. 

Or, ce qui appelé « neutre » aujourd'hui est en fait du masculin 

Encore aujourd'hui, l'Académie Française nous l'explique, dans sa mise au point de 2014, :

« Il convient par ailleurs de distinguer des noms de métiers les termes désignant des fonctions officielles et les titres correspondants. Dans ce cas, les particularités de la personne ne doivent pas empiéter sur le caractère abstrait de la fonction dont elle est investie, mais au contraire s’effacer derrière lui : c’est ce que mettait en lumière un rapport remis, à sa demande, au Premier ministre en octobre 1998 par la Commission générale de terminologie et de néologie, qui déconseillait formellement la féminisation des noms de titres, grades et fonctions officielles, par distinction avec les noms de métiers, dont le féminin s’impose naturellement dans l’usage. |...] 

Les fonctions n’appartiennent pas en effet à l’intéressé : elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel. La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné.
 Il en va de même pour les grades de la fonction publique, distincts de leur détenteur et définis dans un statut, et ceux qui sont des désignations honorifiques exprimant une distinction de rang ou une dignité. 
» 

Dans cette mise au point de l'Académie Française, ce n'est pas l'usage d'un neutre nécessaire dont on aurait besoin qu'elle défends mais une perte de dignité des fonctions publiques par l'usage d'un féminin. Le féminin n'est pas noble, n'a pas de grandeur. Il est un genre vil et malheureux. 

« Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte », affirme Bouhours en 1675. « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle », énnonce, en 1767, le grammairien Nicolas Beauzée. 

Le langage a une portée symbolique. Il désigne notre conception du monde, mais aussi il organise nos sociétés. S'il faut croire l'Académie Française, une circulaire signée par une ministre qui utiliserait le féminin aurait moins de valeurs juridiques que la même signé "au masculin" ? Ceci sous le léger prétexte que son successeur peut-être un homme ...  Bigre ! Votons une loi de séparation de l'Académie Française avec l'Etat de suite ! 

Pour continuer l'analyse de ce texte succulent, il faut entendre que la faillite de nos institutions proviendrait d'un abus de féminisation dans les fonctions et grades. Elles perdent leur dignité toute virile. 
L'Académie Française nous décrit parfaitement une société où les femmes seraient tolérées aux plus hautes fonctions de l''Etat à la condition qu'elles ne revendiquent pas trop leur féminité. Il ne faut pas que ce « féminin » dérangent ces messieurs. Ce féminin serait, ainsi, impure et indigne. 

Concrètement, c'est aussi le débat des tenues vestimentaires des députées à l'Assemblée Nationale. (source)
En 1972, Michèle Alliot-Marie s'est faite refouler parce qu'elle portait un pantalon pour entrer dans le palais Bourbon. Elle a fait mine de le retirer … pour pouvoir entrer. Il y a quelques temps, c'était la robe à fleurs (Cécile Duflot) qui serait déplacée … Faudra choisir. Hier, porter le pantalon était socialement à proscrire pour les femmes qui se respectent. Aujourd'hui, il serait recommandé comme uniforme du pouvoir avec la petite veste coordonnée pour faire « genre costard ». 

Vouloir imposer ce « neutre » dont les femmes n'ont que faire, c'est leur  dire  que vous êtes, messieurs, incapable d'imaginer et de créer une société où les femmes auraient une place égale à la vôtre. C'est les contraindre à se déguiser en homme, avec un pantalon et une petite veste coordonnée, dès qu'elles entrent à l'Assemblée nationale ... une tenue neutre, quoi. 

 

Ich bin ein Mädchen. 


En fait, plus vraiment. C'est juste pour illustrer la bêtise manifeste de la comparaison du neutre allemand avec le soi-disant neutre-français-dont-nous-aurions-besoin-absolument. 

Mäddchen est un mot neutre. Or, Mädchen veut dire « jeune fille ». Puisque nous en sommes à parler de sexe, parlons de celui de la lune, ce symbole féminin de passivité s'opposant au soleil « actif » et masculin.  La lune se traduit en Allemand par der Mond et est donc masculin. Le soleil, quant à lui, est die Sonne. Il est donc très féminin.

Aucun allemand, aussi brillant symboliste soit-il, n'oserait écrire que la lune est l'expression de la féminité passive … parce que pour un Allemand, la lune est au masculin. Quant à la jeune fille, elle est  encore une enfant. « das Kind » est d'ailleurs neutre.

Dans ces exemples, cela signifie qu'à force de discuter du sexe des anges - qui est d'ailleurs un mot masculin en Allemand - les français prennent des vessies pour des lanternes. Le neutre allemand a une signification que les français sont incapables de comprendre parce qu'il n'est pas neutre. C'est un 3ème genre à part entière, qui n'a rien à voir avec un genre « poubelle » comme le « on » français, désignant tout et n'importe quoi. 

En 2013, l'Allemagne est entrée dans l'histoire. Elle est le premier pays européen à avoir voté une loi permettant d'attribuer un troisième sexe aux bébés hermaphrodites, c'est-à-dire aux nourrissons dont le sexe n'est pas attribué. Alors que les médecins français découpent gaiement ce qui les dérangent pour attribuer un sexe aux 200 nourrissons naissant chaque année en France, confondant une fois sur deux clitoris et pénis, les allemands sont des précurseurs dans la recherche sur les inter-sexués et la définition du sexe et de son attribution. 

Le Code bavarois de 1756 stipulait une attribution « au choix » des hermaphrodites d'un sexe ou l'autre. En France, l'attribution d'un sexe où l'autre aux enfants dès leur naissance, obligation faite dès le code Napoléonien, ne fut pas sans problème. Les bébés devaient être présentés à l'officier de l'état civil – causant des cas de mortalité et des situations dramatiques diverses. De plus, les médecins comme l'officier de l'état civil se trouvaient confronter aux difficultés d'attribuer un sexe à ces bébés asexués. 

Le débat sur l'attribution du sexe et, donc, envisager qu'il y aurait des enfants qui naîtraient asexués ou sans sexe distinctif, existe en France depuis le début du 19ème siècle. Le premier projet de loi concernant une attribution rétroactive du sexe à la puberté, soit la reconnaissance d'un troisième sexe, date de 1886. En 2018, le législateur français ne sait toujours pas faire ! 

L'allemand possède un troisième genre grammatical. Les allemands ont, donc, bien moins de difficultés à s'intéresser à ce qui pourrait être, pour eux, les représentants de ce 3ème genre ... 

Il faut être honnête avec soi-même. Ceux et celles qui estiment que le « neutre » en langue française est une nécessité absolue et donc sociale, le comparant au neutre allemand, militeraient aussi pour une non-attribution du sexe, la définition légale d'un troisième sexe, et le droit de tous d'auto-déterminé son sexe - plus exactement son genre -  comme il le souhaite. Ils seraient, tous, devenus des spécialistes de l'étude de genre. 

Or, c'est exactement le contraire. Ceux qui défendent ce neutre masculin, défendent aussi et surtout, les stéréotypes associés aux deux genres féminin et masculin. 

 

L'influence anglo-saxonne : c'est celui qui le dit qui l'est. 

 


Si ce n'est pas l'Allemand qui est utilisé, c'est l'anglais qui nous est servi.

Les féministes qui seraient à réclamer l'emploi du mot « Humain » à la place du mot « Homme » avec un H majuscule pour désigner les hommes et les femmes, seraient sous l'influence néfaste des américains et des anglais qui, eux, parlent de « Human Rights ». Les mêmes déplorent, sans se rendre compte de la contradiction, la féminisation des mots. Que je sache, « Humain » est bien une locution neutre qu'ils devraient bénir de tous leurs vœux. Pourquoi refuser de l'utiliser ? 


Lorsqu'il s'agit de francs-maçons et de maçonnes, cela confine à la débilité profonde, à l'ignorance crasse ou à la plus illogique mauvaise foi. Choisissez ce que vous voulez : Le Droit Humain, obédience internationalement connue, est une obédience française. On ne peut pas accuser, en étant sain d'esprit, Maria Deraismes et Georges Martin d'être sous quelque influence anglo-saxonne ou américaine ! 

C'est aussi ignorer tout de la langue anglaise et de son sens inexistant de l'accord des noms communs. S'il y a bien une langue qui n'accorde ni le féminin, ni le masculin, c'est bien l'anglais.

En effet, les noms communs doivent être précédé des mentions female ou male, woman ou man. Ce sont des invariables à part quelques exceptions qui ont un féminin et un masculin. En français, cela donnerait quelque chose comme cela : la femelle chat / female cat ou encore a man doctor » / un homme médecin / a woman doctor / une femme médecin. 

En français, « femme docteur », « femme professeur », « femme ministre » se disaient (et se dit parfois encore) et s'avéraient être une des formes de la résistance à la féminisation des mots. Si le français oblige à préciser « femme » pour les mots qui ne possédaient pas de féminin, il ne le demandait pas  pour le masculin. Pour exemple : il y a la « femme professeur » mais «professeur » est, de facto, un homme. Autrement dit, on ne disait pas « homme professeur ».  Une seule exception à la règle : l'homme sage-femme ! 

Ce qui n'est pas le cas pour l'anglais . Ce qui confère à cette langue une égalité de forme et de fond. Egalité que nos anti-féminisations semblent ignorer préférant alourdir le français suivant une mode anglaise mal comprise et en étant, d'ailleurs, sous leur influence. 


Le précurseur de la théorie du genre est la doctoresse Madeleine Pelletier, française, féministe et franc-maçonne, qui sert encore de référence aux américains et américaines dans leurs études. C'est d'ailleurs en anglais que l'on trouve les biographies les plus intéressantes comme celle-ci


Or, la compréhension de l'étude de genre, soit faire une différence entre le sexe se résumant à sa biologie et le genre, qui a une histoire, un langage à part, est difficile pour les français, amateurs d'un neutre-nécessaire, comme l'explique Eric Fassin : 


« L’opposition rhétorique entre l’universalisme français et le différentialisme américain, entre « nous » et « eux », ne porte pas seulement sur les questions ethniques ou raciales ; il touche également aux questions sexuelles : il est impossible, au début des années 1990, de faire une place aux logiques minoritaires, ni à la politique féministe, ni aux revendications homosexuelles. [...] La rhétorique républicaine permet donc de refuser le féminisme, et plus largement les questions sexuelles – tout en jouant de l’antiaméricanisme. En effet, d’un côté, ce serait ouvrir la porte au communautarisme à l’américaine, dit-on alors ; et d’un autre, c’est ébranler la séparation entre le public et le privé, comme cela se produirait outre-Atlantique. On perçoit donc la conséquence de l’usage de cette rhétorique dans le monde universitaire. Si, en politique, c’est au nom de la République que le féminisme est refusé, dans le domaine scientifique, c’est la notion de genre qu’on répudie, tant elle semble porter la guerre des sexes jusque dans le temple du savoir. » 

En effet, ce demi-neutre français complètement républicain a interdit aux français de concevoir le monde autrement que par « l'individu », être sans sexe, sans origine, sans histoire et sans culture. « Individu », mot neutre, est bien plus vendeur qu'humain. C'est à noter. Peut-être qu'à force d'avoir dénaturé l'individu, il est devenu un robot tout juste bon à payer des impôts. J'ai débattu dans un précédent article sur les limites de l'Universalisme à la française que vous pouvez trouver ici. 

L'appropriation du féminin et du masculin dans le langage conduit effectivement à une conception différente du genre. Par le langage, le genre masculin se doit être établi, en anglais, autant que le genre féminin. Le français fait du masculin une évidence, neutralisant le féminin, l'évinçant de la société et par conséquent, de l'avenir. Par le langage, il ne perçoit donc qu'une société avec un seul genre - une genre d'ailleurs noble, comme on l'a vu - bien propre sur lui - masculin - 


Les femmes, elles-aussi. 


Il existe aussi des femmes misogynes. « Sexistes » déclara Jean-Pierre Bacot dans un de ses articles concernant la nouvelle Grande Loge Initiatique Féminine de France qui refuse la féminisation adoptée par la Grande Loge Féminine de France. La « Grande Maîtresse » est ainsi « Soeur Grand maître ». 

Il y a deux cas de figure (à ma connaissance) qui explique ce refus de féminisation chez certaines femmes qui, pourtant, est à l'honneur dans l'usage contemporain : 

  • Celles qui considèrent qu'ainsi leur féminité est mis en avant, montré du doigt. Cela revient à évoquer l'Universalisme Républicain dans lequel nous nageons depuis notre plus tendre enfance où l'individu n'est ni humain, ni humaine, mais masculin. 

Or, le féminin – rappelons-le – est considéré comme un genre vil et malsain. Ce que bons nombres de femmes ont parfaitement intégrées malgré elles. Parler de soi au féminin est renoncé à cette dignité que confère le masculin. Le neutre leur est un cache-sexe leur permettant d'intégrer la société et avoir le sentiment d'être "égale". 

  • Celles qui refusent les responsabilités. Le Code napoléonien a fait des femmes, des mineures incapables, vivant sous l'autorité masculine et ne prenant aucune décision. L'émancipation féminine parle bien d'égalité des femmes et des hommes, mais le prix à payer fut pour les femmes de prendre les responsabilités qui incombent à un adulte – qu'il soit homme ou femme –  Les femmes doivent ainsi jouer un rôle dans la société, avoir un métier, une activité professionnelle rémunératrice, une indépendance financière, faire ses propres choix de vie et assumer ceux-ci. Le féminisme a mis les femmes dehors, dans la rue, dans la vie publique.

Elles sont passées de l'état de l'enfance et de l'infantilisation à celui de l'adulte responsable. Malheureusement, bien des femmes n'y sont pas préparées du fait de leur éducation, des stéréotypes de genre et aussi parce qu'elles ne le veulent pas. 

Les femmes contre le féminisme regroupent, aussi, des femmes ignorantes à la mémoire courte, énonçant des clichés. Voici pour exemple, la réponse à un article anti-féministe publié dans le magazine féminin « Glamour » (ici)

Les autres encore qui sont inscrites dans un courant religieux plus ou moins intégristes.  

Ainsi, elles peuvent être aussi bien une éditorialiste de Glamour ou encore une catholique de Civitas battant le pavé contre le mariage pour tous. Peu importe, d'ailleurs. Les unes comme les autres sont prisonnières de stéréotypes, tous d'ailleurs rangeant les femmes à la case inférieure. Pour les mêmes raisons que les premières, le masculin leur semble être plus digne, plus noble. Leur féminité leur est impure. Elles se voient inférieures. Ce qui est, déjà, triste ... mais surtout veulent faire des autres femmes, des inférieures.

Ces femmes-là me font penser à ces grands-mères africaines, ces mères, ces tantes,  qui enlèvent les petites-filles de leur famille pour les faire exciser, en cachette. N'oublions pas que ces sont les femmes qui pratiquent les mutilations génitales sur des petites filles, en toute connaissance de cause des souffrances et des risques pour la vie et la santé de l'enfant. (lire à ce sujet ce site ici).  

Si le parallèle entre l'excision et la féminisation des mots vous paraissent exagérer, c'est pourtant, comme vous allez le voir la même motivation. 

Un neutre féminin. 


Pour reprendre un thème qui m'est important et que j'ai expliqué plus longuement ici, le féminisme est la capacité des femmes à se créer elles-mêmes, à se réinventer. Cela passe aussi par le langage. Par la manière dont on se désigne soi-même et par la manière dont on aimerait être désignée. 


Plus simplement, si je suis « la Maçonne » - ce n'est pas un hasard … Je pourrais très bien être « la Soeur Franc-maçon » (grrr ..) ou pour reprendre une traduction anglaise en vogue : la femme franc-maçon (re-grrr …).

Si je souhaite me créer et me construire en utilisant les outils maçonniques, ce n'est certainement pas en commençant par refuser d'assumer ma propre féminité. *De même, si je souhaite me construire, ce n'est pas non plus pour cloisonner ma vie – en devenant un être sans sexe en franc-maçonnerie par exemple, et une femme dans ma vie profane. 

Or, chaque femme a sa propre histoire et est, en droit, d'avoir sa propre perception / définition de sa féminité et, bien sûr, de son identité. Cependant, - et malgré ce droit à toutes et à tous - de se définir comme elle ou il le souhaite, je ne connais pas d'hommes qui parlent d'eux au féminin. Pourquoi donc accepterais-je que des femmes parlent d'elles au masculin? 

Or, aucune ne se demande : pourquoi le neutre – puisqu'elles l'estiment nécessaire à l'instar des hommes – ne serait pas le féminin. 

Imaginons, donc que le monde occidental aurait été un matriarcat et aurait fait du féminin le « neutre ». Comment les hommes auraient apprécié avoir un « Droit des Femmes » - Femmes avec F majuscule désignant autant les hommes que les femmes – un neutre qui ne soit que la féminisation des mots rejetant le masculin à sa partie spécifique. 
Il y aurait ainsi des hommes doctoresses, des hommes institutrices, des hommes coiffeuses et surtout des hommes franc-maçonnes et des frères Grandes Maîtresses. Voilà, je les entends déjà crier à la castration ! Ils ont raison. C'est bien une castration. Symbolique, bien entendu. 

Or, le neutre, le refus de la féminisation des mots, ce "masculin qui l'emporte sur le féminin", qui fait débat encore aujourd'hui, équivaut à castrer les femmes, plus exactement à les exciser symboliquement. 

 

Aimer les femmes. 


C'est une condition pour comprendre la féminisation des mots. Cela dépasse, de loin, les enjeux politiques du féminisme.  Pour les femmes, c'est aimer la femme que l'on est d'une part et les autres femmes d'autre part. Pour les hommes, c'est accepter l'égalité homme/femme à travers le langage qu'ils utilisent et participer à sa construction. On n'a pas besoin d'être noir pour être contre le racisme. On n'a pas besoin d'être une femme pour penser )à une société égalitaire. 


La féminisation des mots, autant que l'écriture inclusive, souhaitent d'une part faire évoluer les mentalités et donc la construction symbolique du monde, mais aussi rendre au féminin ses lettres de noblesse. Pour cela, il faut être convaincue que les femmes – en qualité d'êtres sexuées - représentent cet état de dignité et de noblesse, tout en sachant qu'elles ont aussi le droit d'être aussi bêtes et ignorantes que les hommes. Cela va s'en dire. 

Il faut être convaincu(e) que la féminité ne se mesure pas à la capacité d'une femme à se barbouiller de rouge-à-lèvre ou à avoir des enfants, même s'il est nullement interdit de faire les deux. 
Il faut être convaincu(e) que les hommes et les femmes peuvent se construire en dépassant les stéréotypes de genre en modifiant leur vision du monde, de la société et – par là – en sachant l'exprimer par leur langage. 


Notre société a heureusement évoluée. Si on se trouve avec une « sœur grand maître », des universitaires n'hésitent plus à signer leurs études et articles « maîtresse de conférence », « auteure » et même reprenant le mot ancien et perdu au 18ème siècle d'autrice, … Les journalistes manipulent avec une aisance déconcertante la féminisation des fonctions. Bref, le langage et avec lui, notre manière de concevoir le monde, évoluent. Même l'Académie Française a abandonné. C'est dire que ceux et celles qui s'opposent (encore) à la féminisation des mots ont loupés quelques batailles. 

Quelqu'un me dira que nous avons gagné, nous - les féministes - femmes et hommes - et que nous engageons très certainement les dernières batailles afin de faire tomber les derniers bastions machistes et patriarcales. C'est vrai. 

 

Gabrielle Houbre. Un ” sexe ind´etermin´e ” ? : l’identit´e civile des hermaphrodites entre droit et m´edecine au XIX e si`ecle. Revue d’histoire du XIXe si`ecle, La Soci´et´e de 1848, 2014, 2014/1 (n 48), p. 63-75. 


Fassin Éric. Le genre aux États-Unis et en France . In: Agora débats/jeunesses, 41, 2006. Jeunes, genre et société. pp. 12-21; doi : 10.3406/agora.2006.2280 http://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2006_num_41_1_2280 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Ordonnance: Soldat attaché au service domestique d'un officier.<br /> Estafette: Agent de liaison chargé de porter les nouvelles et de communiquer les ordres entre des corps d'armée, des formations militaires, des états-majors, etc<br /> <br /> On peut manquer de vocabulaire, c'est ennuyeux quand on prétend donner des leçons.
Répondre
L
Deux mots de plus féminin qui désigne un homme ! Waoouuh ! Arrêtons tout de suite le féminisme !
M
On dit aussi d'un homme:<br /> -Une personne (ou personnalité)<br /> -Une recrue<br /> -Une victime<br /> D'autre que j'oublie...
Répondre
L
Pauvres hommes ....
P
Il n'y en a que deux : « sentinelle » et « vigie » écrivez-vous, que faites vous alors d' "ordonnance", d"estafette" ?
Répondre
M
Une ordonnance peut aussi être un militaire.<br /> Une estafette est aussi un militaire, sorte de facteur.
L
L'ordonnance et l'estafette ne désignent pas des êtres humains, à moins que vous vous preniez pour l'un ou l'autre.
H
J'aime la femme,donc je suis.
Répondre
L
Si lefeminin est un genre vil et malsain, alors "une coui..e et une b.te" sont bien de genre feminin. Donc vil et malsain. Jean Marie Bigard a créé un sketch justement sur le feminin.<br /> C'est de l'humour bien entendu.
Répondre
L
Ce que vous semblez oublier, c'est que l'évolution des langues doit beaucoup plus à la pratique quotidienne de celles-ci et à aux changements dus aux inventions scientifiques ou non qu'aux décrets de loi ou d'académie: ces derniers, s'ils obligent à une norme à l'écrit, n'ont jamais rien pu imposer à la pratique des langues sauf au temps de Malherbe. Quant à l'écriture inclusive, franchement, c'est moche dans le texte, quasiment illisible car incompréhensible a priori: comment voir cela comme un mot? Autant utiliser une périphrase qui ser, à mes yeux, plus élégante...je suis très sensible au combat féministe que je soutirns comme je peux là où je suis, mais , franchement, il y a beaucoup plus important,urgent et utile que cette bizarre distorsion grammaticale de la langue...Grammaticalement vôtre.
Répondre