7 Mai 2015
L'écriture a parfois un effet émancipateur. F. Bardot s'est libéré des contraintes matérialistes et profanes en nous offrant à nos yeux hagards et à nos esprits barricadés par d’inopportunes pensées, une lettre ouverte adressée à toutes les obédiences. Elle a été publiée sur le bloc-note de Jean-Laurent Turbet. Ce dernier nous offre les grandes lignes de sa biographie. Initié il y a 41 ans à la GLNF, 33ème degré au Suprême Conseil pour la France (GLAMF), il est actuellement membre de la GLAMF et fut Vénérable Maître de la loge de recherche Villard de Honnecourt.
(article de Jean-Laurent Turbet, avec la lettre complète : http://www.jlturbet.net/2015/05/francis-bardot-gl-amf-vivifiante-lettre-ouverte-aux-obediences-maconniques-francaises-a-lire-sans-moderation.html)
Il est aussi l'investigateur des « Rencontres écossaises » réunissant les « frères », suivant les termes de Jean-Laurent Turbet, des Suprêmes Conseils de la GLDF, de la GLAMF, mais aussi de la GLFF.
Ces dernières apprécieront d'apprendre que des mâles velus sont membres de leurs juridictions.
Jean Laurent Turbet ne manque pas de préciser : « Il est une voix écoutée et respectée de la franc-maçonnerie française » aujourd'hui. » Forte de cet avis, j'ai donc lu cette lettre dédaléenne.
F Bardot poursuit, en effet, plusieurs objectifs :
Dénoncer les multiples turpitudes des obédiences, blogs et Grands Maîtres. Contrairement à mes habitudes, je vais maintenir l'usage du masculin pour respecter l'esprit de la lettre. A force de féminisation, on va finir par croire que ma position est orientée.
Établir une critique circonstanciée sur les pratiques maçonniques des uns et des autres,
Présenter ses vœux en vue d'une amélioration d'une situation jugée grave à toutes les obédiences,
Nous définir sa pratique maçonnique pour que nous puissions nous y conformer,
Nous prévenir de la fin de l'empire byzantin,
Nous faire lire Astérix en version intégrale,
Présenter ses excuses publiques au GM de la GLAMF, Claude Beau.
Mes lectrices et mes lecteurs m'excuseront. Au regard d'une telle liste, je ne pourrais résumer toute la pensée de F. Bardot. Je ne me contenterais humblement de ne retenir que quelques points qui me semblent les plus sérieux.
La fin de l'empire byzantin. C'est le seul empire qui existait encore 1000 ans après sa fin. Cela relativise considérablement l'urgence du moment.
Personne n'a hurlé, n'a protesté, n'a émis une seule réserve sur ce qui saute pourtant aux yeux dès la première lecture de cette lettre.
Revenons au début. Francis Bardot émet des critiques justifiées ou non concernant tout un ensemble de personnes : que ce soit les dirigeants des obédiences, en passant par les blogs – Les seconds sont, bien entendu - « téléguidés » par les premiers … Agressif, peu fraternel, défendant son clocher … Je vais finir d'ici la fin de cet article par défendre le blog « que l'on nomme plus », surnommé aussi « infâme », tenu par des frères de la GLAMF. Ce qui serait quand même un comble. Dites-moi vous êtes tous fait suivant le même moule à la GLAMF ou quoi ? C'est à croire qu'il a écrit plusieurs des articles qui y sont publiés. …
Tout le monde en prends pour son grade … heu, son cordon. GODF, GLDF, GLNF. Bon, la GLAMF est bien sûr bien mieux que tout le monde.
Un petit passage pour donner le goût de la bonne littérature à mes lectrices et lecteurs, fatigués par ma tenue grammaticale :
Tandis que tente de se créer dans le pays un regroupement large et ouvert des obédiences régulières qui n’entendent pas continuer de subir le dictat d’une maçonnerie anglo-saxonne, depuis longtemps vidée d’elle-même et réduite à un désuet gala des emplumés, à qui ne reste que le discutable privilège de décerner aux autres les certificats d’une authenticité qu’elle a elle-même perdue, le pourtant brillant GM de la GLDF se laisse impressionner par des considérations purement électorales.
Qui lui dit que Marc Henry descend de charge en juin de cette année ?
En gros, les dirigeants des obédiences aidés par leurs blogs qu'ils pilotent utilisent leur charge pour finalement se conformer à la volonté des frères et des loges, c'est-à-dire de la majorité. Moi aussi, je suis choquée.
La transcendance. Franchement, je retardais ce jour douloureux qui me verrais à parler de transcendance. Ce jour est arrivé. Astride Mandos, mon futur biographe à titre posthume, note ce jour d'une croix (bien que je préfère le cercle) rouge sang, tout en craignant en lisant ce paragraphe le pire. J'avoue tout : s'il y a bien un exercice qui m'est complètement inconnu c'est la transcendance. Je n'en ai que des connaissances livresques. Et encore.
Transcender n'est pas ma première ambition dans la vie. On me répondra avec malignité que c'est normal pour une irréductible-irrégulière-sociétale- féministe- athée que je suis.
Personne n'est obligé de transcender – ou de quêter cette transcendance – Nous pouvons nous contenter de rechercher un équilibre esprit/matière, bien souvent fragile. Cela s'appelle en franc-maçonnerie comme partout ailleurs : la liberté de conscience, liberté qu'il met bien à mal dans cette lettre.
Si Luc Ferry rêve d'être un homme-Dieu, Saint Augustin lui disait :
« Je me suis tourné vers moi-même et je me suis dit : Mais toi qui es-tu ? Et j'ai répondu un homme. »
Je vais peut-être devoir me justifier auprès de ma future-biographe durant toute la prochaine décennie, mais je préfère Saint-Augustin.
« Les choses extérieures ne dépendent pas de moi ; ma volonté dépend de moi. Où chercher le bien et le mal ? En moi-même, dans ce qui est mien. » expliquait quant à lui Épictète, réduisant finalement l'homme à l'animalité dont ont peur autant Francis Bardot que Luc Ferry.
Un animal savant, conscient, porté par sa seule volonté. Ce n'est pas à l'extérieur de ce corps-matière que l'on est humain. C'est au dedans et tout avec. Pas en le dépassant, en le niant, en le faisant souffrir de froid ou de faim, le mutilant, le droguant ou lui privant de sommeil, pour une transcendance inutile aussi universelle soit-elle.
Les religions ont inventé bien des manières pour réduire ce corps impropre pour faire naître le pure-esprit, de tout temps et de tout siècle … Francis Bardot, en manipulant un concept qui sonne bien aux oreilles de quelques assoiffés de religiosité, n'en connait pas et n'en maîtrise pas les usages et encore moins les abus qui ont été faits pour lui.
Reconnaissance d’une transcendance effective, mais de l’ordre du mystère, et que chacun peut appréhender comme il veut : Dieu, Déité, Principe néo-platonicien, etc
C’est personnellement la position que je souhaiterais voir tenue par la GL-AMF
Cela ne signifie-t-il pas, soit ils transcendent … soit ils partent ? Bravo.
Cette conception maçonnique – libre à lui de transcender s'il le souhaite– n'est ni plus, ni moins que de transformer la franc-maçonnerie, puisqu'il veut imposer « la transcendance » aux frères de son obédience, en substitut d'une religion, dans lequel les Grands Maîtres seraient les guides spirituels.
Il définit une obédience, organisation hiérarchisée, qui fonctionnerait comme un ordre religieux avec à sa tête un homme ou plusieurs, qui n'auraient pas la faiblesse de suivre la voix de la majorité.
Il s'étonne même de découvrir qu'au contraire :
« Si leur souci premier, exclusif, n’était pas de servir le projet d’une maçonnerie utile au bonheur de l’humanité, soucieuse de fraternité universelle, éprise de spiritualité, préoccupée de n’utiliser ses forces et son énergie que pour établir, défendre et célébrer cette transcendance universelle qu’est la conscience de la dignité humaine, présente en chacun et unissant le genre tout entier ? »
Peut-être parce que chaque maçon est responsable de tout cela
Les voeux de Francis Bardot.
Après vouloir nous pousser à la transcendance universelle contre notre gré, Francis Bardot proposent en liste une série de vœux censés conduire à une amélioration. Bien sûr, l'implication des dirigeants-gourous de ce nouvel ordre religieux est nécessaire.
Les inter-visites universelles … Sur le moment, je me suis dite, pleine d'illustions : « tiens, il parle des sœurs ? ». Que nenni ! Uniquement des inter-visites entre frères.
Mais lesquels ? En effet, les frères de toutes obédiences masculines peuvent se visiter, c'est-à-dire GODF, GLDF, GLAMF.
Le GODF n'est pas très regardant (sauf pour les visites de sœurs dans certaines loges) quant aux accords inter-obédientiels. La GLDF reçoit autant des frères du GODF que de la GLAMF ayant des accords avec les deux obédiences. La GLAMF reçoit les frères de la GLDF. Ils ne tiennent qu'à eux d'avoir des accords d'inter-visites avec le GODF.
Je n'oublie pas les autres obédiences masculines telles que la GLTSO, LNF et les obédiences mixtes … Incompréhension totale, donc.
Puis à la énième lecture, je découvre sous ce point :
« La maison sera plus belle si elle doit accueillir : le mur de la régularité est le cache misère de bien des médiocrités, de pensée et même de qualité rituélique (je peux en témoigner !) »
Les aspects tortueux des raisonnements de certains frères n'arrêteront pas de me surprendre. Francis Bardot souhaite (tout simplement) pouvoir visiter la GLNF. Il appelle cela « des inter-visites universelles ». Je crois rêver !
La multiplication de RENCONTRES ET COLLOQUES INTER-OBEDIENTIELLES propres à développer, hors du champ politicien, notre réflexion humaniste face à la barbarie et à l’irresponsabilité
Quand les réunions profanes remplacent les tenues !
Note pour moi-même : expliquer un jour qu'une planche "sociétale" n'a rien à voir avoir avec un article journalistique. Peut-être que la notion de "méthode" aidera à éclairer les grands esprits qui transcendent.
UNE OBEDIENCE FEMININE RESOLUMENT “REGULIERE“ ET SPIRITUALISTE, enrichissant ainsi le choix proposé à nos compagnes. Pourquoi priver les femmes d’une authentique obédience spirituelle, et, tout autant, pourquoi nous priver de la richesse spirituelle des femmes !
Hé ouais ! C'est un spécial « pour la GLFF » et les futures « Rencontres Ecossaises ».
La bonne nouvelle est que Francis Bardot a compris qu'il ne pouvait pas obliger les sœurs de la GLFF à la transcendance universelle.
Allez, mes sœurs, je vais vous faire plaisir. Francis Bardot, qui ne semble pas avoir une seule fois réfléchit à l'initiation des femmes et à son histoire, pense initier ces premières sœurs de la future obédience « résolument régulière et spiritualiste » où et comment ? Dans sa loge ? Voilà, toute la question et la difficulté du projet. A moins qu'il escompte récupérer une loge de la GLFF …
Plus avant dans sa lettre, ce même Francis Bardot dénonçait ceci :
« Tandis que nos épouses, amies et compagnes sont reléguées dans l’irrégularité sociétale (ainsi considérée par la GLNF) et privées du choix d’une maçonnerie résolument spirituelle, la loge de recherche de la même GLNF programme une conférence sur l’initiation féminine !.... »
Ne vient-il pas de faire exactement la même chose vis-à-vis de la GLFF, l'a déclarant sournoisement irrégulière et un peu trop sociétale à son goût ? Bien sûr que si.
Nous pouvons, pour finir, nous demander pourquoi tout ceci ? Pourquoi ne pas vivre sa démarche comme il le souhaite, en paix dans sa loge et son obédience ? N'a-t-il pas décider un jour tourner le dos à son obédience-mère, la jetant aux oubliettes de la franc-maçonnerie comme de nombreux frères de la GLAMF ?
Une piste de réponse apparaît dans son 4ème vœux :
Une CONFEDERATION DES OBEDIENCES de notre pays la plus large possible, propre à changer le paysage maçonnique français, et donc bientôt européen, jusqu’à ce que nous examinions avec bienveillance la demande de reconnaissance de la Grande Loge Unie d’Angleterre, épuisée par la consanguinité et en recherche de Force et Vigueur renouvelées !
C'est moi qui rêve ?
Lilithement vôtre,
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